
Le pitch : Ivy et Theo forment un couple parfait à qui tout réussit : des carrières couronnées de succès, un mariage épanoui, des enfants formidables… Mais sous les apparences de cette vie idéale, une tempête se prépare… Alors que la carrière de Theo s’écroule et que celle d’Ivy décolle, leurs ressentiments et leur rivalité jusque-là étouffés vont bientôt exploser.
À l’origine, La Guerre des Rose est un roman de Warren Adler publié en 1981, rapidement adapté au cinéma par Danny DeVito en 1989. Le film, porté par Michael Douglas et Kathleen Turner, avait marqué les esprits par son mélange d’humour noir et de satire sociale : un couple autrefois amoureux se lançait dans une guerre domestique aussi mesquine que destructrice, jusqu’à transformer leur sublime maison en champ de bataille. Ce qui était aussi intéressant, c’est que dans cette histoire, il n’y a pas d’histoire de tromperie ni autre perfidie, ici il s’agit “juste” de l’érosion du couple de manière aussi naturelle qu’accessible. Si le film est devenu culte, il souffre aussi de son époque, en particulier par son regard très unilatéral sur la femme, cantonnée au rôle de mère au foyer frustrée face à un mari qui assure à lui seul les revenus du foyer (en attendant un repas chaud et une femme docile en rentrant à la maison).

Jay Roach (la saga Austin Powers, Mon Beau-Père et Moi, Scandale…), appuyé par le scénariste Tony McNamara (La Favorite, Cruella, Pauvres Créatures…) signe aujourd’hui une nouvelle adaptation qui ne se contente pas de dépoussiérer l’histoire, mais l’actualise avec intelligence. Ici, La Guerre des Rose n’éclate pas brutalement dans les couloirs d’une villa, elle s’installe lentement, insidieusement, à travers les fissures de la vie moderne. Là où le film des années 80 privilégiait le spectaculaire, Jay Roach choisit la lente érosion : on assiste d’abord à l’harmonie parfaite d’un couple complémentaire, avant de voir surgir la distance, puis le ressentiment, au rythme de leurs carrières à l’évolution diamétralement opposée.

Véritable atout et cœur battant du film, Benedict Cumberbatch et Olivia Colman forment un duo absolument irrésistible, aussi lumineux dans l’amour que « jouissivement » venimeux dans la haine. Leur alchimie est telle qu’on prend autant de plaisir à les voir se soutenir qu’à les observer s’envoyer des piques d’une cruauté cinglante. Le choix de placer leurs trajectoires professionnelles au centre du récit s’avère brillant : ce n’est plus seulement une bataille d’ego ou de propriété, mais une rivalité nourrie par l’injustice perçue, la jalousie, la peur d’être laissé en arrière. Là où l’original tranchait en faveur d’un regard masculin, cette version les met à égalité, avant de les transformer en rivaux d’autant plus redoutables qu’ils semble s’aimer encore, mais ne savent plus comment se supporter.

J’ai particulièrement apprécié la manière dont le film prend le temps de montrer le quotidien de ses personnages, en intégrant amis et entourage comme témoins discrets de l’évolution du couple. Contrairement à la version de 1989, les enfants occupent ici une place utile dans le récit : ils deviennent à la fois le reflet et la conséquence de l’unité, puis de la fracture qui s’installe. Le film les utilise avec finesse, sans jamais en faire un sujet frontal : leur transformation progressive agit comme un indicateur invisible mais implacable de la chute à venir.

Et si le drame est tangible, La Guerre des Rose n’oublie pas d’être férocement drôle. Le flegme britannique apporte une causticité savoureuse, des dialogues piquants qui font mouche sans jamais effacer la gravité de la fracture. Jay Roach réussit ce fragile équilibre : faire rire du désastre conjugal tout en rappelant, derrière chaque trait d’humour, l’irréversibilité d’un lien qui se défait.

Au casting, comme dit plus haut, le duo formé par Benedict Cumberbatch (The Phoenician Scheme, Doctor Strange in the Multiverse of Madness, The Power of the Dog…) et Olivia Colman (Scandaleusement Vôtre, Empire of Light, The Father…) porte essentiellement le film, car c’est tout simplement jubilatoire de voir d’aussi bons acteurs s’éclater à jouer les couples destructeurs à l’écran. Autour d’eux, des rôles secondaires qui n’apportent pas grand chose à la choucroute qui parviennent à illuminer le film de leurs présences, notamment Andy Samberg (Brooklyn Nine-Nine, Lee Miller…) et Kate McKinnon (Barbie, Scandale…) qui forment un autre couple improbable qui mériterait presque un spin-off, ainsi que Ncuti Gatwa (Doctor Who, Sex Education…), Jamie Demetriou (Cruella, Barbie…) et surtout l’excellente Allison Janney (La Diplomate, The Creator, Moi, Tonya…) qui, malgré une seule scène, vole presque la vedette au couple phare du film.
En conclusion, plus qu’un simple remake, La Guerre des Rose version 2025 se présente comme le complément parfait de son prédécesseur : moins hystérique, plus fin, et surtout plus juste dans son regard sur le couple contemporain. À voir.

