Le pitch : The Father raconte la trajectoire intérieure d’un homme de 81 ans, Anthony, dont la réalité se brise peu à peu sous nos yeux. Mais c’est aussi l’histoire d’Anne, sa fille, qui tente de l’accompagner dans un labyrinthe de questions sans réponses.
2 Oscars, 2 Baftas, 1 Goya et une pluie de récompenses plébiscitent le premier film de Florian Zeller, un auteur français qui s’est fait repérer pour sa plume au théâtre, notamment avec sa pièce La Vérité. Après une présentation remarquée au Festival de Sundance et malgré une année en berne (covid-19 oblige), The Father a continué à faire parler de lui, étant retranscrit comme « une des grandes expériences cinématographiques de la décennie » par le Times.
Et pour cause, le film, adapté d’une pièce écrite par Florian Zeller, est porté par Anthony Hopkins qui incarne un homme vieillissant dont les repères et son sens de la réalité s’effilochent à une vitesse folle, face à sa fille, jouée par Olivia Coleman, témoin impuissante (ou pas) de l’état dégressif de son père. The Father sème le doute en nous plaçant du point de vue de son personnage principal à la mémoire peu fiable, qui a bien du mal à reconnaitre les personnes qui l’entourent. Avec justesse, Florian Zeller évoque habilement le vieillissement et la détresse de ce personnage extrêmement touchant, qui navigue entre l’agitation et la confusion d’une minute à l’autre. Syndrome crépusculaire, Alzheimer ou manigance en sous-sol, The Father nous invite au doute car le spectateur n’a qu’un seul repère, celui du père, et peut, tout comme lui, s’imaginer que quelque chose se trame en secret.
La mise en scène de Florian Zeller est incroyable : subtile sur les changements de décors, troublante sur les repères temporelle et habile grâce au huis-clos qui isole encore plus le personnage et le spectateur. En fait, en tant qu’observatrice, j’ai ressenti une empathie immédiate pour ce père dont l’anxiété est palpable (pour ne pas dire personnellement familière). Une qualité sur laquelle The Father mise pour nous inviter à comprendre et ressentir les mêmes émotions mélangées.
Si maladie il y a – je ne dévoilerai pas tout, The Father détonne car on a souvent l’habitude d’être un observateur extérieur dans un film de ce genre, comme pour Amour de Michel Haneke (2012) ou encore Still Alice de Richard Glatzer et Wash Westmoreland (2014). Ici, le film nous permet de voir la maladie – s’il y a 🙂 – de l’intérieur, créant un sentiment de confusion et d’attachement si intense qu’on a aussi l’impression d’être perdu.
Evidement, au-delà de la mise en scène, il y a du grand, très grand Anthony Hopkins (Westworld, Hitchcock, Transformers – The Last Knight…), qui mérite largement son deuxième Oscar et son deuxième Bafta – puisqu’il est britannique – pour la performance époustouflante qu’il livre tout au long du film. The Father n’aurait pas eu le même impact avec un acteur moins talentueux, car toute l’émotion et l’intérêt du film réside dans le jeu d’Anthony Hopkins qui maîtrise son rôle, parvenant à changer d’état mental ou d’attitude en un clin d’œil avec une aisance si limpide qu’il était, finalement, ce personnage. Et ca fait plaisir à voir, car, même s’il n’a plus rien à prouver, c’est toujours embêtant de voir un acteur de cet envergure cachetonner dans certains films.
Face à lui, Olivia Coleman (The Crown, La Favorite, The Lobster…) incarne cette fille dévouée mais aux abois, déchirée entre la culpabilité et la tristesse devant ce père qu’on devinait éloquent dans sa jeunesse.
Autour d’eux, Rufus Sewell (Judy…), Imogen Poots (Vivarium…), Mark Gatiss (La Favorite…) et Olivia Williams (The Counterpart…) complètent un ensemble menu mais efficace.
En conclusion : délicat, sensible et juste, Florian Zeller signe un premier film remarquable, aussi bien porté par la performance magistrale d’Anthony Hopkins que par un scénario et une mise en scène brillante. À voir.