Épouvante-horreur

[COUP DE CŒUR] Ça, d’Andrés Muschietti

Angoissant, noir, malsain juste ce qu’il faut et intelligent, cette nouvelle adaptation du livre de Stephen King revisite l’œuvre culte avec brio, et apporte une nette amélioration au téléfilm. Andrés Muschietti a bien saisi la nuance entre le film qui fait peur et le film qui parle de la peur, si bien que même sans avoir peur des clowns, Ça réveille les terreurs enfantines de chacun et distille un suspens mordant, entre thriller psycho(tique)logique et horreur alléchante. Génial !

Le pitch : À Derry, dans le Maine, sept gamins ayant du mal à s’intégrer se sont regroupés au sein du « Club des Ratés ». Rejetés par leurs camarades, ils sont les cibles favorites des gros durs de l’école. Ils ont aussi en commun d’avoir éprouvé leur plus grande terreur face à un terrible prédateur métamorphe qu’ils appellent « Ça »… Car depuis toujours, Derry est en proie à une créature qui émerge des égouts tous les 27 ans pour se nourrir des terreurs de ses victimes de choix : les enfants. Bien décidés à rester soudés, les Ratés tentent de surmonter leurs peurs pour enrayer un nouveau cycle meurtrier. Un cycle qui a commencé un jour de pluie lorsqu’un petit garçon poursuivant son bateau en papier s’est retrouvé face-à-face avec le Clown Grippe-Sou…

Parmi tous les livres et films que j’ai découvert beaucoup trop jeune, Stephen King a hanté nombreux de mes cauchemars. Ça a commencé très tôt avec le téléfilm Les Tommyknockers, puis une première tentative de lire Cujo où j’ai jamais dépassé le premier chapitre (lu en entier bien plus tard et à ce jour, Beethoven ne m’inspire toujours pas confiance…), avant de découvrir les livres Ça, en pensant lire un livre pour adolescents, et de voir les téléfilms Ça – Il Est Revenu vers 14 ans (ceci explique donc cela, oui). Bien que je ne souffre pas de coulrophobie, Stephen King est rapidement devenu un de mes auteurs favoris à l’époque, grâce à ce livre et cette histoire angoissante dont je ne comprenais pas le sous-texte à l’époque. En effet, c’est des années plus tard, en revoyant les téléfilms que j’ai compris qu’il ne s’agissait pas simplement d’une histoire de clown tordus mais d’une créature qui symbolisait les peurs des enfants, que ce soit de simples terreurs enfantines (un visage bizarre sur une peinture), d’anxiétés dues à l’éducation borderline de certains parents ou de véritables traumas (la pédophilie, la mort tragique d’un proche).
Malgré tout, étant hyper attachée au livre à cause de ce doux souvenir d’enfance où je passais mon temps à lire des histoires horribles, j’ai toujours eu du mal avec les téléfilms de 1990 qui omettaient certains détails de l’œuvre de Stephen King (impossible à adapter en film, pis de toute façon, King a toujours poussé le bouchon un poil trop loin). Du coup, l’idée de faire une nouvelle adaptation ne m’enchantait pas des masses, d’autant plus que le projet, initialement vu comme une série avant de devenir un film, a eu du mal à voir le jour. Jusqu’au moment de voir le film d’Andrés Muschietti, j’en attendais pas grand chose, d’autant plus que les films d’horreur de nos jours ne sont pas très folichons….

En effet, les films d’horreur ont tendance à suivre une mode et à répéter une recette gagnante, souvent sans imagination. Il y a eu les films ultra gore après la saga Saw, les found-footages paresseux après Paranormal Activity, puis les cas de possessions moyennement inventifs après Insidious et Conjuring, sans parler des reboots/remakes de films d’anciens films d’horreur et de l’abus de jumpscares excessifs pour faire sursauter. Rares ont été les films qui proposaient quelques choses de différents pour sortir du lot, je craignais tout simplement que cette nouvelle adaptation de Ça se plante royalement en se focalisant uniquement sur le coté horrifique de l’histoire, à savoir le clown flippant qui pourchasse des gamins pour les tuer.
Heureusement, Andrés Muschietti, dont le seul film connu avant Ça est l’anecdotique Mamá, évite le piège béant et adapte l’histoire de Stephen King avec une inventivité captivante, sans dénaturer l’œuvre initiale ni oublier ceux qui ne la connaissent pas.

La difficulté de Ça (en plus de passer après Stranger Things pour les plus jeunes et ceux qui ne lisent forcément du Stephen King) est de parvenir à concilier l’horreur et le thriller psychologique à travers l’histoire de ses personnages. En gardant un point de vue au niveau des enfants, le film parvient à recréer aussi bien l’ambiance vintage et authentique de l’époque, que la tonalité insouciante de cet âge où l’été n’était que longue période de récréation insouciante avec les copains. Malgré la légèreté des personnages et au-delà d’une introduction déjà bien glaçante, le film d’Andrés Muschietti signe la fin de l’enfance à travers ses personnages encore trop jeunes pour séparer la réalité du cauchemar, mais suffisamment matures pour comprendre la gravité de ce qui les entoure et pour prendre conscience du fait qu’ils grandissent aussi (éveil et sexualité…). Il ne s’agit pas simplement d’agiter des gamins à la merci d’un clown sadique mais de comprendre ce contexte hyper complexe étalé dans le livre de Stephen King, pour l’adapter à l’écran. Andrés Muschietti relève le défi haut-la-main : aussi à l’aise dans ses traits d’humour qu’inventif quand il met en scène Grippe-Sou (PennyWise), Ça joue avec nos nerfs et offre un récit captivant et surprenant qui prend aux tripes dès les premières minutes.

Particulier, Ça ne fera pas forcément peur au sens propre du terme : bien que le film ne ménage pas ses effets de surprises et ne lésine pas sur la machine à hémoglobine, il a surtout l’avantage de nous faire adhérer à cette bande de gamins, des « Ratés » bien trop attachants. Du coup, le film d’Andrés Muschietti nous immerge dans leurs histoires et chaque confrontation avec le clown est vécue aux premiers loges tant l’effroi des personnages devient palpable à travers l’écrans. Et là, la grande force du film : nous faire croire à cette histoire, malgré le caractère symbolique du clown.
Le film sera, j’en suis sûre, un pur régal pour ceux qui découvriront Ça pour la première fois, tandis que ceux qui connaissent l’histoire replongeront avec fascination dans une œuvre qui bénéficient largement de l’évolution des effets spéciaux – notamment grâce à un final bien mieux réussi et bien plus efficace que dans le téléfilm des années 90. Car oui, l’approche d’Andrés Muschietti permet de redécouvrir une histoire mise au goût du jour. Si certains aspects du téléfilm sont édulcorés (le racisme des habitants de Derry est absent du film, par exemple), d’autres, bien trop tabous en 1990, sont exploités avec une clarté glaçante et des sous-entendus bien plus perceptibles qu’à l’époque, tandis que l’évolution des films d’horreur et des mentalités d’aujourd’hui permettent à Grippe-Sou d’adopter un masque bien plus saisissant, voire flippant. Ça entretient un malaise jouissif, sans jamais virer du coté glauque en gardant le point de vue des enfants dans son viseur. Entre innocence et horreur, Ça – cuvée 2017 – pourrait bien être un des meilleurs films de genre que j’ai vu depuis… très longtemps. Vivement la suite !

Au casting justement, que du bonheur : face à un Bill Skarsgård (Atomic Blonde, Divergente 3, Hemlock Grove…) excellent (le maquillage est absolument fantastique), rivalisent des enfants acteurs tous aussi géniaux les uns que les autres. Sophia Lillis et sa frimousse rousse rayonne, tandis que Jack Dylan Grazer, Finn Wolfhard (Stranger Things…) et Jaeden Lieberher (Midnight Special…) sont remarquables grâce à leurs personnages qui apportent énormément d’humour et de bravoure à l’ensemble. À leurs cotés, Jeremy Ray Taylor, Wyatt Oleff (Les Gardiens de la Galaxie…) et Chosen Jacobs (Hawaii 5-0…) complètent un ensemble déjà fabuleux.

En conclusion, Ça connait déjà le meilleur démarrage de tous les temps pour un film d’horreur depuis sa sortie aux États-Unis, ce qui certes n’est pas forcément un indicateur de qualité mais qui, en l’occurrence, est très bon signe. Andrés Muschietti signe une adaptation brillante, captant aussi bien la noirceur que la légèreté estivale de l’œuvre de Stephen King. Si Ça ne réveille pas l’enfant terrorisé qui sommeille en vous, il parviendra certainement à vous happer dans son cauchemar haletant et angoissant. À voir absolument !

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