Drame, Western

[COUP DE CŒUR] 3 Billboards : Les Panneaux de la Vengeance, de Martin McDonagh

Frances McDormand incarne une mère prête à tout et caustique à souhait, dans un film/rôle écrit pour elle. Incisif et brutal, 3 Billboards : Les Panneaux de la Vengeance dresse un portrait doux-amer de l’Amérique profonde à travers un drame lourd et le combat d’une femme seule. Porté une lucidité viscérale et des personnages à l’humanité fracassante, le film de Martin McDonagh est une œuvre noire aux allures de dramédie cinglante, à travers une quête désespérée mais impitoyable. Puissant.

Le pitch : Après des mois sans que l’enquête sur la mort de sa fille ait avancé, Mildred Hayes prend les choses en main, affichant un message controversé visant le très respecté chef de la police sur trois grands panneaux à l’entrée de leur ville.

Avant Hollywood, il y a eu la Mostra de Venise en 2017 où Martin McDonagh a présenté le film 3 Billboards : Les Panneaux de la Vengeance et est reparti avec le prix du Meilleur Scénario. Puis il y a eu le People Choice’s Award au TIFF, le prix du Public au Festival International du film de la Roche-sur-Yon la même année et enfin, récemment, 4 Golden Globes (Meilleur film dramatique, meilleur scénario, meilleure actrice et meilleur second rôle). Avant le film, il y a aussi une histoire d’amitié de longue date entre Martin McDonagh et l’actrice Frances McDormand, cette dernière lui ayant demandé de lui écrire un rôle pour un de ses films.

Et puis il y a ce film : massif, révoltant, touchant et drôle. Inattendu. L’histoire d’un affreux meurtre non résolu, relégué au rang du faits divers parmi tant d’autres, et surtout la rage dévorante d’une mère qui n’est plus que ça : une femme en colère et prête à tout. Après Bons Baisers de Bruges et Sept Psychopathes, Martin McDonagh délaisse ses portraits de malfrats dingos pour se pencher sur ce qui semble être à première vue un simple drame aux accents tragiques. Mais c’est sans compter sur l’écriture piquante du réalisateur, également scénariste, qui transforme le récit en une sorte de comédie noire qui peint à l’acide une Amérique profonde, régie par des hommes. 3 Billboards : Les Panneaux de la Vengeance démarre par ce qui ressemble à une dernière tentative, un dernier essai avant de baisser les bras, et rapidement ces trois panneaux se transforment une déclaration de guerre qui va prendre des proportions inattendues, un effet boule de neige qui va éclabousser les habitants d’une petite ville paumée du Missouri et transformer une femme en cible. Pourtant, au lieu de s’enfoncer dans les clichés rednecks, Martin McDonagh va miser sur ces personnages communs, en posant d’abord la caricature de l’Américain moyen, cowboy, raciste et/ou simplet avant de déterrer l’humanité sous la surface. Si la trame reste simple, le ton est corrosif et dénonce de façon cinglante de ces hommes de loi aux blasons dorés par le pouvoir et leurs réputations, face à cette mère, cette femme, isolée mais bien décidée à les affronter. Si l’idée du film est venue après que le réalisateur ait vu des panneaux dénonçant des crimes non résolus aux États-Unis, l’ensemble explore ce petit monde sous pression et empêtrés dans leurs histoires personnelles, peu réceptif au désespoir de cette femme furieuse.

Alors que l’humour vient égayer l’ensemble, 3 Billboards : Les Panneaux de la Vengeance prend aux tripes par son aspect frontal qui va érafler aussi bien les gentils que les mauvais bougres hantant le film. Au-delà de son récit, le film voit plus loin que le combat de cette femme pour la vérité et vise large en attaquant au passage un système qui protège les plus forts, l’affreuse loi du silence qu’on impose aux femmes, ainsi que ces médias si avides de scandales qu’ils oublient de protéger les victimes.

3 Billboards : Les Panneaux de la Vengeance résonne comme un hymne à la colère, pas celle qui explose comme une furie et ne dure qu’un temps, mais celle qui ronge dans l’ombre, mûri en silence et dévore toutes les autres émotions. Ici, la colère prend forme à travers cette héroïne de western, chevalière impitoyable, courageuse et caustique, autrefois femme battue et mère de famille, la colère n’est plus une simple émotion mais une raison de vivre et de refuser le silence. Un parallèle d’ailleurs saisissant face à ces autres personnages neutres ou détestables qui finissent retrouver leur humanité en cours de route, voire même le chemin de la rédemption, dans ce petit bijou à vif, qui côtoie la noirceur et la transforme enn coup d’éclat aussi révoltant que boulversant.

Au casting : Frances McDormand (Ave, César !, Promised Land, Moonrise Kingdom…) compense sa rareté sur grand écran avec une performance remarquable et fait sur-mesure dans ce rôle aigri, revanchard et pourtant bouleversant – ses passages répétés devant la caméra des frères Coen ont probablement balisé le terrain. À ses cotés, Woody Harrelson (La Planète des Singes : Suprématie, Insaisissables 2…), Peter Dinklage (Game of Thrones, Pixels..) et Caleb Landry Jones (Barry Seal: American Traffic, Get Out…) complètent un tableau acide, tandis que Sam Rockwell (Poltergeist, Girls Only…) cristallise avec brio le péquenot détestable, raciste, impulsif et simplet. À l’affiche également, John Hawkes (Everest…) et Lucas Hedges (Manchester By The Sea…) jouent les seconds couteaux, j’ai beaucoup aimé la présence de Samara Weaving (La Baby-Sitter…), hilarante en jolie nunuche.

En conclusion, Martin McDonagh signe une épopée vengeresse, alliant le drame social au caractère brutal et implacable du western, qui dénonce une justice impuissante et rouillée. Superbement mis en scène, 3 Billboards : Les Panneaux de la Vengeance propose une héroïne phénoménale, seule face à une Amérique d’hommes, sans limite ni justice. Fantastique. À voir absolument.

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