Épouvante-horreur, Thriller

[CRITIQUE] Us, de Jordan Peele

Jordan Peele est de retour avec un nouveau thriller aux pendants horrifiques. Visant une Amérique à double visage à travers une métaphore à peine voilée, Us démarre avec de bons arguments pour mettre en appétit dès les premières minutes : une réalisation soignée et une Lupita Nyong’o glaçante dans son deuxième rôle. Seulement, à l’arrivée, entre trop plein d’expositions et des longueurs contemplatives, il manque l’essentiel : une intrigue solide. Mal exploité et franchement long, Us est une déception cinglante après le succès euphorisant qu’avait été Get Out.

Le pitch : De retour dans sa maison d’enfance, à Santa Cruz sur la côte Californienne, Adelaïde Wilson a décidé de passer des vacances de rêves avec son mari Gabe et leurs deux enfants : Zora et Jason. Un traumatisme aussi mystérieux qu’irrésolu refait surface suite à une série d’étranges coïncidences qui déclenchent la paranoïa de cette mère de famille de plus en plus persuadée qu’un terrible malheur va s’abattre sur ceux qu’elle aime. Après une journée tendue à la plage avec leurs amis les Tyler, les Wilson rentrent enfin à la maison où ils découvrent quatre personnes se tenant la main dans leur allée. Ils vont alors affronter le plus terrifiant et inattendu des adversaires : leurs propres doubles.

En 2017, il aurait fallu vivre sur une autre planète pour ne pas avoir entendu parler du phénomène Get Out, une pépite horrifique qui a fait mouche en mêlant préjugés et paranoïa à une trame angoissante. Couronné par plusieurs nominations honorables et, surtout, l’Oscar du Meilleur Scénario original, Jordan Peele a eu le vent en poupe et son nouveau film, Us, fait partie des événements de l’année. C’est donc avec les regards braqués sur lui et un budget qui a été multiplié par cinq (4,5 millions pour Get Out contre 24,6 millions pour Us !), que le réalisateur, scénariste et producteur livre son nouvel objet sur fond de hype à laquelle j’ai joyeusement cédé.

Pour faire court : j’ai été déçue. Malgré un soupçon d’idées, l’intérêt de Us s’évanouit dès que les doubles étranges apparaissent, il n’y a plus aucune évolution dans une histoire qui va patauger vaguement entre une partie de chasse à l’homme en dents de scie très PG-13 (les scènes un poil explicites sont très édulcorées) et une explication à rallonge qui anéantit les effets voulus du micro-twist (prévisible) final. Mais que s’est-il passé entre l’incisif Get Out et ça ?
Us démarre avec des personnages qui sont sur la route des vacances avec, cette fois, une famille dont la mère est hantée par des souvenirs traumatisants de son enfance. Le film parvient à installer un climat inconfortable grâce à l’attitude angoissée de cette femme, de plus en plus alerte face aux coïncidences qui se multiplient en toiles de fond. La mise en scène est subtile et discrète, il faudra un temps avant d’apercevoir les bugs dans la matrice (*wink wink*), mais Us réussit à accrocher avec une première partie qui entre rapidement dans le vif du sujet.

Oui mais voilà, à partir de là, Us tourne en rond. Évoquant vaguement un complot national pour camoufler la pauvreté aux États-Unis, Jordan Peele peine à renforcer son histoire et mise tout sur ses personnages dédoublés qui se courent après ou se plantent allègrement à coup de ciseaux tranchants, sans pour autant se positionner entre le thriller et l’horreur. En effet, l’ensemble manque de matière pour servir une trame transparente au possible, tandis que la mise en scène n’assume jamais son caractère horrifique qui se retrouve ramasser hors-champ ou masquer par la pénombre. Le film mange à tous les râteliers et bavarde beaucoup (trop) pour faire gagner du temps, montrant par-ci par-là le comportement étrange de ces doubles tordus. On s’habitue bien trop vite aux délires erratiques et pas vraiment crédibles de ces clones, quand ils ne virent pas au ridicules.

Et pourtant Jordan Peele y met du sien : la réalisation manque d’identité mais pas d’imagination, Us tente de jouer la carte du symbolisme à tous les étages, mais pas toujours de façon subtile. Les efforts sont visibles mais malheureusement pas suffisants : le scénario est plat et éparpillé, les personnages n’ont quasiment aucun contexte en dehors de l’héroïne, tandis que l’ensemble ne tient pas vraiment debout. C’est à se demander si Get Out n’était pas simplement chance du débutant, doublé d’un sous-texte corrosif qui a su viser juste puisque Jordan Peele maîtrisait le sujet. Ici, malgré son titre au double sens évident et le fait de pointer du doigt la charité américaine qui ne fait que cacher la misère sous le tapis (ou dans les égouts, haha) sans jamais réellement creuser le sujet, Us fait l’effet d’un soufflé qui retombe amèrement et ce, dès la première demi-heure du film. Us tente de viser large mais ne parvient pas à se construire autour de cette idée. Du coup, l’intrigue oscille sans conviction entre les souvenirs de l’héroïne et un lien vague avec une association obscure des années 80, ce qui finalement n’apporte rien à l’intrigue principale, déjà peu épaisse. Laborieux et de moins en moins attrayant, Us se délite de minutes en minutes vers une conclusion aux explications aussi poussives qu’un poil inutiles vu l’absence de conséquences dans l’environnement éteint du film. C’est long, mais pas très bon.

Au casting : seul point positif du film c’est Lupita Nyong’o (Black Panther, Le Livre de la Jungle, 12 Years A Slave…), fabuleusement dérangeante dans la peau du double angoissant de son personnage. L’actrice parvient à faire naître une tension dès son apparition, suscitant des attentes bien trop hautes quand on voit le reste du film. À ses cotés, Winston Duke (Black Panther, Avengers – Infinity War…) et Elisabeth Moss (The Handmaid’s Tale, Top of the Lake…) participent à la ronde, tandis que les jeunes Evan Alex et Shahadi Wright-Joseph font leurs premiers pas sur grands écrans. Anna Diop (Message From The King…) et Yahya Abdul-Mateen II (Aquaman…) font également quelques apparitions.

En conclusion, forcément après Get Out que j’avais beaucoup aimé, Us fait office d’une bonne douche froide qui s’illustre surtout dans son format contemplatif, creux et sans surprise, bien loin du frisson et/ou de la satyre attendus. Bref, c’est raté. À éviter.

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