Nouveau rattrapage de films sortis en 2019 : deux adaptations, deux histoires de peaux inspirées par des faits réels, qui se rejoignent par un parcours aussi bien empreint de courage que de haine.
Dirty God de Sasha Polak
Le pitch : Le visage à moitié brûlé et une petite fille de deux ans. C’est tout ce qu’il reste de la relation de Jade à son ex, qui l’a défigurée à l’acide. À la violence de cette histoire, succède désormais celle du regard des autres. Pour ne pas couler, Jade n’a d’autre choix que de s’accepter, réapprendre à sourire et à aimer.
En salles le 19 juin 2019
Avec Vicky Knight, Katherine Kelly, Eliza Brady-Girard…
Pour son troisième long-métrage, la réalisatrice néerlandaise Sacha Polak à l’idée de Dirty God en rencontrant un femme avec des marques de brûlures dans un festival de musique et en réalisant qu’elle était constamment dévisagée. S’intéressant à ses profils particuliers, Sacha Polak découvre une tragédie réelle, celle de femmes brûlées à l’acide, une « punition » révoltante connue au Moyen-Orient mais qui atteint de plus en plus les pays occidentaux.
Dirty God est donc l’histoire condensée de toutes ces femmes à travers le parcours de Jade, une jeune femme survivante d’une attaque à l’acide et qui doit réapprendre à vivre avec un physique marqué à vie. Entre regards inquisiteurs (ou moqueurs) des autres, acceptations de soi et reprise d’une vie plus ou moins normale, l’héroïne va devoir lutter pour apprivoiser ce changement forcé d’apparences, à défaut de pouvoir le masquer. Comment guérir de ses blessures quand on ne peut plus camoufler ses cicatrices ? Comment se retrouver en tant que femme quand son visage attire trop l’attention et comment être une mère quand son enfant nous prend pour un monstre ? Ce sont toutes ces questions que le film tente d’évoquer, conservant une fierté salvatrice qui évite le misérabilisme. Peut-être est-ce grâce à Vicky Knight, l’interprète de Jade, elle-même grande brûlée dans la vie réelle, mais Dirty God dépeint le portrait d’une guerrière, souvent paumée, certes, mais jamais vaincue.
Le film de Sasha Polak est porté par une flamme incandescente qui tient à illustrer tous les aspects possibles de son histoire. Du nouveau rapport à la séduction à sa résistance à la moquerie, en passant par la confrontation avec sa famille, ses rêves de chirurgie esthétique ou encore les revers inattendus que la vie lui réservent encore, Dirty God a beaucoup (trop) de choses à dire. Le problème, c’est que la trame s’étire en longueur, car le récit s’éparpille dans les différents sujets qu’il explore, sans jamais trouver de fil conducteur dominant. Du coup, malgré ses 1h30, le film de Sasha Polak parait beaucoup plus long, car trop bavard et bien trop ampoulé par des écueils orphelins. Le film observe beaucoup plus qu’il ne transmet, si bien qu’au-delà de l’empathie que suscite le parcours de Jade, Dirty God ne cultive jamais cette émotion et marque le chemin enragé d’une femme dans une tranche de vie sans véritablement laisser de traces.
Au casting, Vicky Knight livre une belle performance, même si son assurance naturelle est souvent en contradiction avec le parcours de Jade (notamment sa coiffure, illogique par rapport à l’envie de se camoufler de l’héroïne).
Skin, de Guy Nattiv
Le pitch : L’histoire vraie de Bryon “Pitbull” Widner, membre d’un gang de néo-nazis qui fera face à des conséquences mortelles lorsqu’il décidera de changer de vie…
Sortie Direct-to-DVD le 2 octobre 2019
Avec Jamie Bell, Danielle MacDonald, Vera Farmiga…
Avant d’être un film, Skin est d’abord un court-métrage du même nom, qui a été récompensé par l’Oscar du Meilleur court-métrage en 2019. Pour la version longue de son projet, Guy Nattiv revient sur l’histoire de Bryon Widner, un ancien membre d’un groupe de skinhead , qui décide de changer de vie, ou plutôt de la démarrer, aussi bien pour protéger celle qu’il aime que pour échapper à la vie de violence qu’il menait.
Guy Nattiv dresse donc le portrait révoltant d’un quotidien d’une bande d’extrémistes xénophobes et violents, à travers le parcours d’un jeune homme qui porte son affiliation sur sa peau. Tatoueur et tatoué de partout, Bryon est un homme cocooné par groupe de skinhead a la hiérarchie abstraite mais surement encadré par des figures vaguement parentales et prompt à la pression menaçante. Au détour d’une réunion, il va croiser la route d’une jeune mère de famille et entamer une relation avec elle, s’éloignant peu à peu de sa famille de cranes rasés et tatoués. Mais le prix de son émancipation passera par de la défiance et encore plus de violence, alors que le héros réalise peu à peu le cercle vicieux dans lequel il évolue, tandis qu’en parallèle, un membre d’une association à vocation rédemptrice lui tendra la main pour l’aider à s’en sortir.
Forcément, Skin fait penser à American History X, alors que le personnage d’Edward Norton, ancien second dans un groupe haineux similaire, décide de changer de vie et de surtout sauver son jeune frère de cet engrenage, notamment grâce à l’aide de son ex-proviseur Noir. Les grandes lignes se ressemblent, mais grâce à des flash-forwards qui jalonnent le film, on peut deviner que l’issue de Skin sera moins tragique. Cependant, Guy Nattiv parvient à tisser une trame captivante, explorant les méthodes et les agissements d’un groupe de skinhead, l’apparentant parfois à des méthodes sectaires. En se basant sur le point de vue de son ange gardien, Daryle Jenkins, un homme Noir qui lutte contre le racisme, Skin a tendance à justifier les choix de ses protagonistes en dressant un schéma de manipulation à travers un couple chefs de gangs qui « recrutent » des gamins des rues pour mieux leur laver le cerveau.Si ce cas de figure est des plus plausibles, cette explication à des airs d’excuses, pour mieux nous attacher à ce héros qui agissait mal « malgré lui ». Et pourtant, même si le film tente de nous attacher au désir de rédemption de Bryon, l’insistance du film à vouloir installer ses ficelles manipulatrices donne l’impression que Guy Nattiv cherche à diminuer la responsabilité d’un homme, certes devenu skinhead très jeune, mais finalement devenu adulte et capable de discerner le bien du mal. Alors, pouvons-nous vraiment excuser ses actes et nous extasier sur le fait qu’il ait changer de vie ? Pas vraiment, puisqu’en dehors de vouloir échapper à son ancienne famille, Skin n’évoque jamais les regrets du personnage envers les communautés qu’il a pu insulter, blesser et agresser. Pour ce qu’on en sait, Bryon a finalement un ami Noir mais s’est simplement extirpé d’un groupe de xénophobes affirmés sans pour autant avoir montrer un quelconque changement intrinsèque. Tout cela pour dire qu’il pourrait toujours être autant raciste mais discret une fois le film et ses belles paroles terminées.
Au casting, Jamie Bell (Rocketman, Les 4 Fantastiques…) joue les durs à cuire, entouré par Danielle MacDonald (Patti Cake$, Unbelievable…) et Mike Colter (Luke Cage, Girls Trip…) trop souvent relégués au second plan, contrairement à Bill Camp (Les Baronnes, Joker…) et Vera Farmiga (Godzilla 2 : Roi des Monstres, Captive State…) qui incarnent les leaders diabolisés des skinheads.
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En conclusion, Dirty God et Skin portent à l’écran deux histoires fortes, gravée à jamais dans la peau de personnages, des survivants des temps modernes. D’une femme victime d’un crime atroce, Sasha Polak livre un récit polarisé par une rage de vaincre, même par à-coups éparpillés et vains, tandis que Guy Nattiv cherche la rédemption dans l’obscurité à travers l’histoire d’un ancien skinhead. Deux parcours fascinants, mais qui sont desservis par une narration qui capitalise sur la dramaturgie de l’histoire, ce qui n’est finalement pas toujours suffisant pour livrer la puissance émotionnelle voulue. À voir.