Action, Aventure

[CRITIQUE] Mulan, de Niki Caro (Disney+)

Plus proche de la légende, Mulan mélange les genres et les références pour s’émanciper de la version Disney, entre films épiques et wu xia pan traditionnels. Le résultat est conquérant, malgré ses faiblesses de rythme et les seconds rôles peu exploités, Mulan compense grâce à son héroïne solide portée par Liu Yifey, excellente dans le rôle, et une photographie superbe et léchée. Niki Caro signe une réalisation superbe, qui donne envie de voyage et de s’immerger dans l’aventure, à travers des plans qui sont à tomber. Un grand oui pour moi.

Le pitch : Lorsque l’Empereur de Chine publie un décret stipulant qu’un homme de chaque famille du pays doit intégrer l’armée impériale pour combattre des envahisseurs venus du nord, Hua Mulan, fille aînée d’un vénérable guerrier désormais atteint par la maladie, décide de prendre sa place au combat. Se faisant passer pour un soldat du nom de Hua Jun, elle se voit mise à l’épreuve à chaque étape du processus d’apprentissage, mobilisant chaque jour un peu plus sa force intérieure pour explorer son véritable potentiel… Commence alors pour Mulan un voyage épique qui transformera la jeune fille en une guerrière aux faits d’armes héroïques, honorée par tout un peuple reconnaissant et faisant la fierté de son père.

Quelle année, mes aïeux, quelle année ! Alors que ce film devait sortir en mars dernier, la crise sanitaire a eu raison de sa sortie cinéma. Plusieurs reports puis une annulation qui a fait du bruit à son annonce, notamment auprès des exploitants de salles, complètement déçus de voir un film grand public et familial porté par le géant Disney laisser un vide, alors que nous sortions d’un premier déconfinement cet été. Finalement, le film de Niki Caro (L’Affaire Josey Aimes, La Femme du Gardien de Zoo…) sera disponible sur la plateforme Disney+ dès le 4 décembre 2020, une belle déception pour ma part car si l’abonnement coûte moins cher (au mois) qu’une place de ciné, je pense que cette version ciné de Mulan méritait vraiment sa place sur grand écran.

Et pourtant, ce n’était pas gagné. Après des adaptations plus ou moins revisitées, de Cendrillon à Aladdin, en passant par La Belle et la Bête, Maléfique ou encore Le Livre de la Jungle ; des exemples décevants comme Le Roi Lion ou encore Dumbo récemment, c’est au tour de la légende de Mulan de se voir réinventer en prises de vues réelles. Là encore, le projet accuse quelques bémols : si les studios s’appliquent à éviter le whitewashing, plusieurs relectures ont choqué : pas de chanson, pas de Mushu au programme et encore moins de Shan-Yu, le chef des Huns – qui pour ma part est un des méchants les plus flippants de l’écurie Disney – ce dernier étant remplacé par la menace d’une sorcière.
Déception donc, quand on réalise que cette redite de Mulan sera potentiellement moins fantaisiste. Et pour cause, car avant le dessin animé, il y a d’abord une légende chinoise, celle de Hua Mulan, la jeune fille qui s’est déguisée en homme pour prendre la place de son père trop vieux, alors que l’empereur de Chine ordonne une mobilisation pour combattre un royaume anonyme. La suite, on la connait à peu près, même si dans la légende, sa dissimulation dure de nombreuses années avant qu’elle ne soit découverte.
Cette histoire a évidemment été adapté en Chine dès 1928, mais on ne se mentira pas en admettant que c’est Disney qui nous a fait découvrir cette histoire à travers un des meilleurs contes de sa collection (dans mon top 3 pour ma part).

À l’arrivée, ça donne quoi ? Copié-collé sans saveur comme Le Roi Lion ou revisite bienvenue comme Le Livre de La Jungle. Pour moi, c’est la seconde option, notamment parce que le film de Niki Caro a la bonne idée de se rapprocher de la légende au lieu de prendre le risque de se faire comparer au-dessin animé. De ce fait, si les grandes lignes de l’histoire sont les mêmes, le récit devient alors nouveau et plein de surprises. Sans compter le fait qu’avoir une héroïne badass et asiatique dans une époque post-#metoo où la cancel culture et les SJW dénoncent à outrance, ce n’est pas du refus. Par conséquent, Fa Mulan (re)devient Hua Mulan et les ritournelles enlevées sont envoyées au panier.

Si le film démarre en en faisant des caisses pour poser le décor, à travers une scène d’ouverture sensée démontrer le caractère déjà insoumis de Mulan dès l’enfance (et sa prédisposition au Parkour, ce qui reviendra plus tard), le film trouve ces marques dans une première partie conquérante. La fantaisie du dessin animé avec Mushu, les animaux expressifs et autres criquets chanceux laissent la place à des références à la culture et aux croyances chinoises, notamment la maîtrise du « chi » qui devient une forme de puissance que les femmes doivent camoufler pour ne pas être considérées comme des sorcières, ainsi que la présence d’une autre créature légendaire qui volettera ça et là pour guider notre héroïne.
De la relation à son père – qui la comprend – à ses déboires au sein de l’armée, Mulan cristallise et pointe du doigt des traditions et autres notions archaïques concernant la place de la femme, tout en saluant des vertus humaines et fédératrices telle que l’honnêteté, le courage et surtout l’honneur. Des vertus au poids énorme qui pèse sur tous les personnages que l’on croise, tous prêts à perdre la vie plutôt que leurs honneurs.

Ce qu’il y a d’intéressant dans Mulan, c’est que le film ne peut pas se réfugier derrière la mignonnerie habituelle des contes de fée Disney. Quelques parts entre le film de guerre d’époque et une bonne dose de « wu xia pan » (ce qui explique les bonds de cabri), le film de Niki Caro assume le tempérament guerrier de son héroïne, la violence et la dureté du contexte (toujours en étant family friendly, donc pas une goutte de sang malgré les nombreux « pourfendages » de bides en série), tout en conservant la force tranquille et solide de Mulan, qui finira par se libérer quand elle révélera enfin son identité.
Dans l’ensemble, j’ai trouvé que cette nouvelle version de Mulan portait le même message que sa version animée, à savoir qu’une femme peut être aussi forte et puissance qu’un homme, que sa parole et sa place ont de la valeurs au sein de n’importe quel groupe. Et surtout, qu’en se cachant ou en cachant ses « dons », une femme ne pouvait que se saborder jusqu’à se perdre, ce que l’on découvrira à travers l’antagoniste de Mulan, Xian Lang aka « la sorcière ».
Dans le fond comme dans la forme, le film de Niki Caro va plus loin que le dessin animé, en en faisant parfois trop dans le mélange des genres. Coté scénario, la transition entre la partie d’exposition et la partie plus active est fluide : j’ai aimé re-découvrir le parcours de Mulan, loin des chansons et des artifices Disney-like. Cependant, les références au film d’animation sont nombreuses, que ce soit à travers le nom des personnages, des clins d’œil (rares) à Mushu, évidemment des reprises de scènes existantes dans le dessin animé. Et surtout, on retrouve également des airs de musique familiers ou des dialogues qui font échos aux chansons phares du film, ce qui fait sourire mais sans trop entacher la sobriété de l’ensemble. Et la romance dans tout ça ? Comme dans le dessin animé, cet aspect est éludé… bien que suggéré de manière intéressante entre bromance et, hum… disons des insinuations qui n’auraient pas plu aux imbéciles qui s’en sont pris à La Belle et la Bête aux US !

À la réalisation, Mulan vise le grand spectacle. Les tons rouge et or sont omniprésents pour rappeler les couleurs de la Chine et surtout la signification qui se cache derrière (le rouge symbolisant la révolution, couleur qui entourera toujours Mulan). Des séquences d’entraînements aux scènes de combats, en passant par des plans larges qui donnent des envies d’évasion, Niki Caro soigne sa mise en scène, tandis que la photographie chaude renforce ces intentions – malgré les quelques couacs, comme les bords flous désagréables.
Personnellement je pardonne aisément les ressorts peu crédibles qui entourent l’histoire et ça m’a parfois fait grincer des dents, comme l’assaut final en nombre très réduit, l’absence de sang ou encore le twist un peu trop facile… Le tout, au profit d’une aventure enthousiasmante, féminine – certes – mais surtout porteuse d’un message fort (pour ne pas dire nécessaire). L’ensemble pèche un peu en seconde partie, ce qu’on excuse dans le dessin animé, j’aurai aimé le voir mieux adapté sur grand écran et avoir un final plus massif et plus spectaculaire, au lieu de séquences isolées, comme si l’empire Chinois était constitué que d’une centaine d’habitants !
Entre légende puissante et féminisme soft, Mulan sort des sentiers battus et parvient à éviter la platitude du déjà-vu en rendant partiellement ses armes à la légende chinoise, à travers une toile proche de l’épique qui aurait gagner beaucoup en étant plus frontale. Mais bon, on est chez Disney quand même, il faut que cela reste accessible à toute la famille – même si le film est déconseillé aux moins de dix ans 🙂

Au casting : Liu Yifei, actrice méga connue en Asie, a la lourde tâche d’incarner Mulan, dont les émotions sont mises en berne pendant la majeure partie du film. L’actrice parvient à livrer une belle performance en incarnant cette fameuse force tranquille à merveille – soulignée largement par des slow-motions contemplatifs. Autour d’elles, pas mal de visages connus : la fabuleuse Gong Li (Mémoires d’une Geisha, La Cité Interdite…) n’est pas au sommet de son art mais reste convaincante, même si son talent est desservi par une écriture transparente ; Donnie Yen (xXx: Reactivated, Ip Man…), Jet Li (Expendables, Danny The Dog, Le Baiser Mortel du Dragon…, et Tzi Ma (Skyscraper, Premier Contact…) sont également de la partie. Sans pouvoir forcement citer son nom, le visage de la marieuse est familier car elle est incarnée par Cheng Pei Pei (Tigre et Dragon), tout comme Rosalind Chao, la mère de Mulan qui jouait… Pei-Pei dans Freaky Friday, entre autre. Chacun ses références 😛
Enfin, Yoson An (En Eaux Troubles…) est en retrait, dans un rôle de side-kick admirateur qui fait souvent écho aux partenaires habituellement féminines qui cours aux cotés de Tom Cruise des actions heroes.
Ah et une petite surprise fait son caméo à la fin du film, il s’agit de [SPOILER]Ming-Na (Wen), l’actrice de Agents of SHIELD qui a, à l’époque, donné sa voix à la version originale de Mulan[/SPOILER].

En conclusion, je préfère voir un Disney s’émanciper du dessin animé qu’un énième copié-collé, même si le résultat montre tout de même des failles de rythme. Niki Caro, sous la houlette de Mickey, a pris des risques dans cette adaptation de Mulan, l’héroïne qui se réalise en se battant pour sauver son père et sa patrie, au lieu d’attendre le prince charmant et le mariage. Une légende comme on aimerait en entendre ou en voir plus souvent pour les générations à venir. Plus risqué sans Mushu ni chanson, certes, mais plus surprenant du coup. À voir.

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