
Le pitch : Le 3 juin 2017, Reality Winner, vingt-cinq ans, est interrogée par deux agents du FBI à son domicile. Cette conversation d’apparence banale parfois surréaliste, dont chaque dialogue est tiré de l’authentique transcription de l’interrogatoire, brosse le portrait complexe d’une milléniale américaine, vétérane de l’US Air Force, professeure de yoga, qui aime les animaux, les voyages et partager des photos sur les réseaux sociaux. Pourquoi le FBI s’intéresse-t-il à elle ? Qui est vraiment Reality ?
Reposant entièrement sur une histoire vraie, le film Reality est la retranscription des dialogues issues de l’interrogatoire de Reality Winner par les agents du FBI. Cela explique donc la durée courte du film, qui fait à peine 1h23, mais surtout cela enjoint le spectateur à ne surtout pas faire trop de recherche avant d’aller voir le film.
En effet, tout le film mis en scène par Tina Satter, dont c’est le premier long-métrage, repose sur une question : pourquoi ? La réponse est forcément sur internet, mais Reality est bien plus prenant quand on le découvre en ayant le minimum d’infos – c’était mon cas. Par conséquent, c’est avec un introduction très brève que le film démarre l’interrogatoire, alors que la jeune femme est découvre deux agents du FBI qui l’attendent devant chez elle.

Entre asservissement conditionné et stupéfactions, Reality nous place immédiatement du coté de son personnage principal, alors que les réponses sont distillées au compte-goutte. Rapidement le film inquiète alors que les protagonistes s’observent constamment du coin de l’oeil, entre suspicion et envie de montrer patte blanche. Grâce aux méthodes de travail du FBI, le film parvient à faire monter une certaine tension alors que les langues mettent beaucoup de temps à se délier. Dans un premier temps, Reality m’a rappelé le film Compliance de Craig Zobel (2012), cette histoire sordide mais vraie d’une jeune femme qui se retrouvait aux prises d’un pervers se faisant passer pour un policier – par téléphone. Mais rapidement, le film de Tina Satter estompe les doutes en abattant ses cartes, notamment sur le métier de Reality, avant de creuser un peu plus l’interrogatoire avec des questions de plus en plus précises.

Victime ou coupable, la réponse à cette question est inévitable. Là où Reality subjugue c’est grâce à la performance des acteurs principaux qui, malgré un scénario laissant peu voire aucune liberté, animent l’ambiance du film. Malgré des échanges polis, aucune brutalité et voire même de la bienveillance, il suffit d’un emboitement de pas trop hâtif ou d’un regard en coin pour réveiller un doute inquiétant qui restera latent jusqu’à l’ultime révélation. En effet, le film semble se dérouler sur une pente raide où chaque écart pourrait compromettre uen Reality scrutée à la loupe par les deux agents du FBI.

Tina Satter soigne la réalisation : tournage dans les lieux réels, et surtout sur une location afin de resserrer encore plus le cadre qui nous enferme dans un huis-clos pendant la seconde partie du film. Des inserts de documents officiels et d’enregistrements audios, ainsi que la censure de certains passages viennent appuyer le caractère à la fois sérieux et véridique de l’histoire. Là où d’autres réalisateurs auraient peut-être rajouté plus de contexte avant d’en venir au fait, j’ai aimé la façon dont Reality entre dans le vif du sujet sans s’encombrer de détails qui auraient pu vendre la mèche trop tôt.
J’ai trouvé l’ensemble extrêmement captivant : le film n’en fait pas trop et installe rapidement une ambiance tendue et pesant qui donne envie d’avoir toute les réponses. De la carapace de l’héroïne se fissure aux tactiques des agents, Reality se vit comme une partie de poker trépidante, où chaque participant cache bien son jeu derrière des sourires de façade. Comme quoi, il est toujours possible de faire des films passionnants sans qu’ils ne durent trois heures !

Au casting : Sydney Sweeney, découverte dans la série Euphoria, Sharp Objects et la première saison de The White Lotus, est absolument incroyable dans le rôle de Reality, qui repose essentiellement sur son interprétation et les émotions que son personnage explore. Face à elle, Josh Hamilton (The Walking Dead, Tesla, Ray Donovan…) et Marchánt Davis (Le Jour Viendra Où…) ne sont pas en reste, à travers des personnages qui alternent souvent le chaud et le froid pour conserver cette ambiance souvent malaisante.
En conclusion, Tina Satter livre avec Reality un thriller captivant, porté par des performances exceptionnelles et une mise en scène réaliste. Une expérience intense à ne pas manquer pour les amateurs de mystère (et surtout ne fouiller pas internet avant d’aller voir ce film !). À voir.

