Comédie, Drame

[CRITIQUE] Adieu Jean-Pat, de Cecilia Rouaud

Le pitch : À 35 ans, Etienne n’a toujours pas pardonné à son « copain » Jean-Pat, qui lui a mené la vie dure pendant toute son enfance. Quand il apprend le décès de ce dernier, on ne peut pas dire qu’Etienne soit vraiment dévasté… Pourtant, il va se retrouver malgré lui à organiser l’enterrement de son pire ennemi. Une chose est sûre : Jean-Pat n’a pas fini de lui pourrir la vie.

Avec Adieu Jean-Pat, Cecilia Rouaud (Je Me Suis Fait Tout Petit, Photo de Famille, Les Complices…) propose une comédie qui semblait taillée pour interroger la rancune, l’amitié forcée et les petites lâchetés du quotidien avec une bonne dose d’humour mordant et une mise en abîme des travers humains commun. Entre le poids des humiliations d’enfance et la mascarade des conventions sociales, cette belle idée se dilue dans un récit apathique, où l’humour peine à exister et où le drame n’assume jamais vraiment sa gravité.

Adieu Jean-Pat opte pour une chronique douce-amère, mais la tonalité choisie reste étrangement trop terne pour séduire. Là où l’on espérait un récit rythmé par les quiproquos et les éclats d’une comédie grinçante, le film s’éparpille en une suite de dialogues sans véritable lien ni intérêt autre que de dresser un état des lieux, comme autant de petites scènes imaginées en salle d’écriture (du scénario, pourtant portée par Fabcaro et le feu Laurent Tirard) et assemblées maladroitement. Cela donne l’impression d’assister à un long patchwork d’anecdotes ressassées, sans jamais permettre à l’histoire de se construire dans une lecture ayant un véritable sens.

Le personnage principal, éternel « people pleaser », aurait pu être le ressort d’une satire sociale pertinente : celui qui, incapable de dire non, s’enfonce dans une situation grotesque. Mais Cecilia Rouaud ne parvient jamais à lui donner le recul, ni une véritable évolution. L’histoire est prise au piège dans son absurdité, au départ amusante mais qui finit par tourner en rond. En réalité, Adieu Jean-Pat n’aboutit à rien d’autre qu’à souligner l’indécision chronique de son héros, tiraillé entre ses traumas d’enfance et son incapacité à s’engager auprès de sa femme. Notons d’ailleurs qu’on ne découvre que tardivement qu’il est marié et pas « uniquement » en couple, alors qu’il fait tout pour retrouver son flirt d’adolescence…

Adieu Jean-Pat m’a fait penser à Belle-Fille de Méliane Marcaggi (2020) : pas excellent, certes, mais qui partait d’un postulat similaire (le plan cul qui décède et l’héroïne se retrouve à accompagner la mère de se dernier qui pense qu’il s’agissait de sa petite-amie) et qui a su tirer partie du quiproquo pour cultiver le comique de situation, quitte à forcer le trait.
Sauf que dans ce film, tout semble volontairement retenu, bridé, comme si la peur de tomber dans la farce empêchait la comédie d’exister. Résultat : les personnages se ressemblent tous, parlent de la même manière mécanique et monotone, finissant par se former en une galerie de clowns tristes ternes jamais vraiment attachants.

Au final, Adieu Jean-Pat rate toutes les cases que cette comédie aurait dû facilement cocher. Les thématiques comme la rancune, la peur de l’engagement ou même le harcèlement adolescent sont noyés dans une écriture trop sage et mal assumée, comme si le décor de la veillée funèbre et de l’enterrement plombait littéralement l’ambiance. J’espérais de l’humour et de la satyre aigre-douce sur les souvenirs d’enfance idéalisées, mais Cecilia Rouaud laisse le spectateur à distance,  comme invité malgré lui à une cérémonie où l’on s’ennuie poliment.

Au casting, Hakim Jemili (Le Routard, Les SEGPA, Chasse Gardée…) déçoit : brillant dans L’Amour, C’est Surcoté, il reste ici enfermé dans son persona habituel, bridé et sans nuance (à mon avis, limité par sa vie personelle #iykyk). Autour de lui gravite une galerie de personnages surtout féminins, réduits à des rôles de faire-valoir : Constance Labbé (Cat’s Eyes, Le Bonheur des Uns…) peine à exister en meilleure amie sortie de nulle part, Nora Hamzawi (Hors du Temps, Alice et le Maire…) s’enlise dans un cynisme convenu, tandis que Valérie Karsenti (L’Homme Parfait, Le Poulain…) recycle ses tics de Scènes de ménage. Même constat côté seconds rôles : Fanny Sidney (Dix Pour Cent, Selfie…) en épouse transparente, Alice David (Bref.2, Demi-Soeurs…) éternel fantasme d’ado, Gustave Kervern (Rosalie, Panda…) et Meryem Serbah (Le Prix du Succès, Demi-Soeurs…) tirant l’ensemble vers une sinistrose pesante. Quant aux rares personnages masculins notables, Thibault de Montalembert (Dix Pour Cent, Miss…) en tête, ils se résument à des caricatures méprisantes, entre beaufs arrogants et figures désuètes.

En conclusion, Adieu Jean-Pat rate le coche de la comédie qu’il promettait d’être, et laisse surtout l’impression d’un rendez-vous manqué. À éviter.

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