Drame

[CRITIQUE] Le Successeur, de Xavier Legrand

Le pitch : Heureux et accompli, Ellias devient le nouveau directeur artistique d’une célèbre maison de Haute Couture française. Quand il apprend que son père, qu’il ne voit plus depuis de nombreuses années, vient de mourir d’une crise cardiaque, Ellias se rend au Québec pour régler la succession. Le jeune créateur va découvrir qu’il a hérité de bien pire que du coeur fragile de son père.

6 ans après le pulvérisant Jusqu’à la Garde, récompensé par 5 César en 2019, puis la co-réalisation de la série Tout Va Bien, Xavier Legrand est de retour dans les salles obscures avec un étrange et curieux film, Le Successeur. Depuis son ouverture pleine de faste au cours d’un défilé de mode et la célébration de la carrière du personnage principal, le film opère un virage à 180 degrés à travers un retour aux sources forcé.

Du chic parisien à la solitude enneigée de Montréal, Le Successeur évoque l’héritage et les secrets de famille en peignant lentement un tableau déconcertant sur ce fameux père absent et disparu. Habité par l’absence et les non-dits, Xavier Legrand dévoile son personnage comme un tableau qui prendrait forme grâce à ses espaces négatifs. Les questions se bousculent au fur et à mesure que le film avance et se heurtent au mur d’une maison pleine de terribles secrets.

Ce qui est intéressant et permet de tenir en haleine, malgré la lenteur du récit et ce personnage isolé et peu bavard, c’est la façon dont le réalisateur dépèce son personnage de tous ses atours de star montante pour le ramener, lentement mais sûrement, vers l’image d’un petit garçon pleurant son père. Le parallèle ou plutôt le paradoxe entre les images et ce que le spectateur sait est saisissant, à tel point que je suis restée bouche bée durant ces dernières minutes glaçantes. Certes, on est loin de l’uppercut viscéral décerné par le final du puissant Jusqu’à la Garde en 2017 mais une chose est sûre, Xavier Legrand maîtrise impeccablement l’art de conclure en nous laissant sur le carreau !

Au casting, Marc-André Grondin (Le Premier Jour du Reste de ta Vie, Jusqu’au Déclin, Avril et le Monde Truqué…) retrouve le chemin des salles françaises et livre une jolie performance, avec un rôle complexe car souvent mutique. Il parvient à transmettre toutes les émotions de son personnage, malgré tous les non-dits. Autour de lui, on retrouve, entre autres, Yves Jacques (Un Homme Pressé, Les Jours Heureux…), Blandine Bury (Munch…) ou encore Anne-Elisabeth Bossé (La Femme de mon Frère…) dans une ronde de personnages secondaires, qui vont servir de zones d’ombre permettant paradoxalement de dégrossir l’intrigue.

En conclusion, Le Successeur explore l’héritage familial et les secrets enfouis, à travers un drame troublant et captivant. Comme un portrait en ombres chinoises, Xavier Legrand utilise ses zones d’ombre pour révéler toute la noirceur d’une relation père-fils infernale. À voir.

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