Comédie, Drame

[CRITIQUE] West Side Story, de Steven Spielberg

Si le nom de Steven Spielberg ne suffit pas à vous convaincre, cette nouvelle vision de West Side Story est superbe réussite, alliant l’émotion contagieuse d’une romance shakespearienne et une revisite moderne du New York des années 50 où la salsa rencontre le rock’n’roll. Alors je ne sais pas si ça vaut le spectacle sur scène, ni si ce West Side Story 2.0 fidèle à l’histoire (vu que je n’ai vu ni l’un ni l’autre), mais je crois qu’on a besoin de romance et de chaleur au cinéma. Comme toujours, Steven Spielberg tombe à pic pour nous enchanter.

Le pitch : Upper West Side, années 1950. Deux bandes de jeunes s’affrontent : d’un côté les Sharks — dirigés par Bernardo — et de l’autre les Jets, avec Riff à leur tête. Tony, lié au Jets, et Maria, la sœur de Bernardo, tombent amoureux. Cependant, du fait de leur appartenance à ces bandes opposées, il s’agit d’un amour impossible.

3 ans après avoir revisité la pop-culture à travers le blockbuster Ready Player One, aussi nostalgique que spectaculaire, le cinéaste Steven Spielberg (Pentagon Papers, Le Bon Gros Géant, Le Pont des Espions…) revient avec un projet qui a mis sept ans à aboutir. En effet, en 2014, Steven Spielberg avait déjà annoncé son projet de réadapter la comédie musicale culte West Side Story, depuis le film de 1967 réalisé par Jerome Robbins et Robert Wise qui adaptait déjà la comédie musicale originale écrite par le trio Leonard Bernstein, Stephen Sondheim et Arthur Laurents en 1957. Plus de soixante ans plus tard et une renommée mondiale, West Side Story s’octroie une nouvelle jeunesse, car si le film date, son intrigue – partagée entre les amours impossibles et la xénophobie qui entourent ses personnages – reste intemporelle. Cependant, on pourrait être frileux devant un tel projet : d’une part, l’histoire old school et le coté musical pourraient refroidir ceux qui n’ont pas vu le film et encore moins sa reprise sur scène, et, d’autre part, je me souviens d’un autre réalisateur plutôt solide qui s’est incroyablement vautré en adaptant une autre comédie musicale culte : je parle bien de Tom Hooper et du son catastrophique Cats !

Heureusement, là il s’agit d’un des maîtres du cinéma de notre époque, à savoir Steven Spielberg, le créateur de films qui ont marqué plusieurs générations depuis Les Dents de la Mer, jusqu’à Ready Player One, en passant par Rencontre du Troisième Type, Jurassic Park, E.T. L’Extraterrestre, Indiana Jones, Minority Report, Il Faut Sauver le Soldat Ryan, La Guerre des Mondes, Arrête-Moi Si Tu Peux, Le Pont des Espions… La liste semble ne plus finir et même si je n’ai pas accroché à tous ses films, il est difficile de contester la qualité aussi bien narrative que scénique et visuelle de ses œuvres les plus marquantes. West Side Story en est pour moi la preuve supplémentaire, puisque je fais partie de ceux qui n’ont jamais vu le film de 1967 et qui ne s’intéressent pas vraiment aux comédies musicales. Du coup, j’appréhendais un peu ce film, craignant d’être lassée par ces personnages qui poussent la chansonnette entre deux pirouettes.Au début, West Side Story m’a déroutée : si Steven Spielberg nous immerge instantanément dans ce New York estival des années 50, son ambiance rockabilly et son effervescence métissée, dès les premiers entrechats je me suis demandée si je n’allais pas assister à un désastre. Ajoutons à cela une rivalité de gangs basée purement sur du racisme et de la xénophobie à peine voilés, les premières minutes de West Side Story m’ont mise mal à l’aise. Mais rapidement, le film installe son contexte à travers son ouverture rythmée et musclée, pour mieux présenter ses personnages et les raisons qui les opposent, avant de petit à petit introduire la trame romantique qui fera tout basculer d’ici la fin.

Directement inspirée de la pièce Roméo et Juliette de William Shakespeare, West Side Story porte un récit familier : la rivalité de deux mondes (dans l’indifférence d’une société en pleine mouvance), l’amour interdit, le bal et la scène du balcon, les affrontements mortels, le mensonge qui précipite la chute… Le film coche tous les codes de la tragédie romantique classique qui, ici, voit les sérénades shakespeariennes transformées en ritournelles rock’n’roll et en show colorés. Petit à petit, j’ai été conquise par West Side Story dont la simplicité est réhaussée par une partie musicale conquérante et, surtout, le charme rafraichissant de ses protagonistes.

Si l’intérêt de ce remake est discutable, le film de Steven Spielberg brave la critique générale sur la paresse du cinéma hollywoodien actuel, en prouvant qu’un remake n’est pas nécessairement synonyme de flemmardise. Derrière un projet qui lui tenait à cœur, il propose une vision fascinante et aboutie qui conjugue subtilement la tonalité old school de West Side Story avec une touche adéquate de modernité qui filtre à travers une réalisation incroyable. C’est en grande partie ce qui m’a séduit dans ce West Side Story car j’en ai pris plein les yeux : de la mise en scène à la photographie, en passant par les jeux de couleurs (bleu vs rouge), Steven Spielberg signe une œuvre fantastique et captivante, déployé dans des tableaux qui donnent plus de vie et d’ouverture à ce qui est à l’origine un spectacle en salle. Le film est soigné et inspiré, à cheval entre l’impression d’avoir voyagé dans le temps tout en restant dans un cadre de spectacle – là où on pourrait croire à des décors inachevés. L’attention aux détails force l’admiration, jusqu’au costumes des personnages qui en disent parfois plus long que les chansons et autres dialogues (cette robe bleue !). Aussi, la grande pomme est littéralement réduite à un quartier, soulignant encore plus l’absurdité de la rivalité des deux gangs, mais l’ensemble est si immersif qu’on y voit presque du feu.

C’est aussi la force du film, qui doit probablement plus à ses auteurs originaux qu’à Steven Spielberg, car l’histoire de West Side Story, au-delà de sa romance, a su (malheureusement) traversé les âges : la haine d’un groupe envers les origines d’un autre, l’immigration et ses implications, l’hyper masculinité toxique et ses conséquences, ou encore le fait que l’affrontement concerne finalement qu’une poignée de personnages dans l’indifférence d’une ville qui a déjà prévu de les absorber dans son entreprise de gentrification… Ce qui n’était qu’une romance so fifties devient aujourd’hui, grâce à Steven Spielberg, le témoin inattendu d’une histoire moderne qui se répète, au fur et à mesure que la société évolue et se métisse (volontairement ou non). Un métissage qui se traduit à nouveau à l’écran, aussi bien à travers le casting et l’écriture de personnages que via les tableaux dansants hauts en couleurs et des chansons qui n’ont pas pris une ride.

West Side Story était une totale découverte (j’en avais une vague idée et ne connaissais que la chanson « I like to be in America », sans plus) et j’admets que j’y allais à reculons mais avec foi en Steven Spielberg pour m’ébahir… Ca n’a pas loupé. Alors que les premières minutes devant ses mecs qui enchaînaient les arabesques et les propos douteux m’avaient fait grimacer, j’ai été cueillie presque par surprise ou malgré moi par la beauté du film d’abord et enfin par l’émotion en fin de route. Une émotion qui doit beaucoup à son casting.
En tête d’affiche on retrouve Ansel Elgort (Baby Driver, Le Chardonneret…), ce qui reste un poil gênant vu le scandale auquel il a été mêlé, dans le rôle de Tony, face à Rachel Zegler (future Blanche-Neige dans un film live-action de Disney), formidable dans le rôle de Maria, qui lui vole largement la vedette aussi bien vocalement que par sa performance à la fois douce et forte. Autour d’eux, Ariana DeBose (Hamilton, The Prom…) est remarquable en Anita, aussi capiteuse que fière, épaulé par David Alvarez qui donne vie à Bernardo. Face à eux, un groupe un poil moins solide (ou peut-être moins fédérateur à cause de leurs rôles ?) porté par Mike Faist et des seconds couteaux où même Maddie Ziegler (la révélation forcée de la chanteuse Sia) passe inaperçue. Enfin, Corey Stoll (First Man, Ant-Man…) et Brian d’Arcy James (Les Baronnes, Le Grand Jeu…) squattent les arrière-plans, mais je retiendrais surtout la multirécompensée Rita Moreno, l’ex-Anita du premier film, aussi gracieuse que touchante dans son rôle.

En conclusion, Steven Spielberg se fait plaisir en s’offrant sa première comédie musicale avec l’aisance du réalisateur accompli qui peut faire ce qu’il veut… Et ça marche ! Si je ne peux pas dire si West Side Story est fidèle à ces formats originaux, cette version est d’une beauté conquérante qui enchante par surprise, grâce à son histoire fédératrice et moderne cocoonée dans des tableaux superbes où la photographie sobre et élégante tempère à merveille les émotions débordantes des protagonistes déchirés entre la haine, la jalousie et l’amour. J’ai mis du temps à le comprendre, mais j’ai adoré ! À voir.

PS : Veillez à réviser vos bases en espagnol, en VO, West Side Story ne sous-titre pas forcément tous les passages en espagnol pour rendre plus réaliste le sujet de l’intégration. C’est surprenant, mais finalement logique.

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