Super héros

[CRITIQUE] Kraven The Hunter, de J. C. Chandor

Le pitch : Kraven The Hunter raconte la genèse sanglante et explosive de l’un des super-vilains les plus iconiques de l’univers Marvel. Kraven, un homme dont la relation complexe avec son père, l’impitoyable Nikolai Kravinoff, l’entraine vers une vengeance aux conséquences brutales, l’appelant à devenir non seulement le plus grand chasseur du monde, mais aussi l’un des plus redoutés.

Rarement un film aura donné une telle impression d’abandon, de désintérêt manifeste, que Kraven The Hunter. Placé en bout de course d’un univers cinématographique à l’agonie (à l’instar du dernier Aquaman et Le Royaume Perdu côté DCEU), ce dernier opus du SSU (Sony’s Spider-Man Universe) s’apparente davantage à une corvée exécutée sans passion qu’à une tentative sincère de raconter une histoire captivante. Ce qui aurait pu être un projet un chouille divertissant se transforme en un désastre filmique dépourvu de vision artistique, trahi par un scénario fainéant et une direction sans relief.

Dès les premières minutes, l’impression d’assister à un bricolage mal assemblé s’impose. Le film est construit autour d’un schéma narratif terriblement convenu : une série de scènes fonctionnelles mais mécaniques, où chaque élément est mis en place pour servir un objectif immédiat (présentation d’une fiole mystique pour un usage immédiat, arrivé d’un nouveau bad guy qui accepte de s’en prendre à Kraven sans raison apparente… la liste est longue !), sans aucune réflexion sur la cohérence ou l’impact global. Les origines du protagoniste, ses relations familiales et son évolution vers le rôle d’anti-héros sont expédiées avec l’adresse d’un gamin de trois ans jouant avec ses premiers Lego Duplo. L’ensemble donne l’impression que les scénaristes ont coché des cases sur une liste de stéréotypes sans se soucier ni d’apporter de la profondeur aux personnages, ni de tisser une intrigue captivante.

Le réalisateur J. C. Chandor, pourtant talentueux sur des projets plus intimistes (A Most Violent Year, All Is Lost…), semble totalement perdu face à la tâche de diriger un blockbuster à vocation grand public. Les scènes d’action, censées être le point fort du film, peinent à convaincre : chorégraphies génériques, effets spéciaux sans éclat, et une caméra qui semble chercher désespérément un angle pour sauver des séquences déjà condamnées. À aucun moment l’intensité ni la violence promise par le personnage de Kraven n’émerge. Au contraire, le héros parade avec une assurance aussi vide que le contenu du film, confondant brutalité gratuite et charisme véritable. On dirait Dwayne Johnson dans Black Adam – ce qui est intéressant vu la fameuse pose soi-disant « bad ass » que prend Kraven à la fin du film !

Je m’y attendais, mais le constat reste le même : Kraven The Hunter est d’une nullité sans nom. Pire, là où un Venom 2 agaçait ou qu’une Madame Web s’illustrait par un storytelling imbécile, le film de J. C. Chandor se démarque à travers l’absence d’âme de l’ensemble et l’indifférence qu’il suscite. Le comble du désastre réside dans le traitement des personnages secondaires, en particulier celui de Rhino – repêché d’un précédent échec (The Amazing Spider-Man 2) pour servir de méchant de service particulièrement affligeant. Sa présence, et le survol de ses relations fracturées entre Kraven et sa famille, semble dictée uniquement par le besoin d’aligner des conflits, sans jamais investir dans leur développement ou dans leurs motivations. Les dialogues, d’une pauvreté affligeante, achèvent de discréditer tout effort narratif : certaines répliques frôlent le grotesque et plongent le film dans un ridicule qu’il semble même incapable d’assumer pleinement.

En cherchant à mimer un modèle de film d’anti-héros brutal façon Deadpool ou Logan, Kraven The Hunter rate lamentablement la cible. La violence, édulcorée par une classification PG-13, perd toute sa force et son impact, tandis que l’absence totale de second degré ou d’autodérision rend l’expérience pesante et insipide. Le film ne fait qu’emprunter ses vagues bonnes idées dans d’autres œuvres existantes (Captain America – Civil War avec le coup de l’hélicoptère par exemple) et proposer des effets de styles aux détails incohérents (les pieds nus anti-dérapants…), avant de pomper grassement Harry Potter et La Chambre des Secrets pour expliquer vaguement pourquoi notre Kravenito n’aime pas les araignées.
Si le film de J. C. Chandor peine à tenir la route en tant que simple film d’action, niveau adaptation de comics, c’est une catastrophe. Les néophytes peineront à comprendre les pouvoirs du héros (qui prend la peine de briller des yeux deux ou trois fois dans le film) ni son rapport avec les animaux, tandis que tous les autres aspects de l’origin story de Kraven et autres antagonistes sont si appauvris qu’ils n’en restent que des bribes sans intérêts.

Au casting : alors que je me faisais une joie de reluquer Aaron Taylor-Johnson (The Fall Guy, Bullet Train, Tenet…), j’ai rapidement été déçue. Au-delà du fait qu’il montre à peine ses abdos, j’ai trouvé que l’acteur cabotinait affreusement, avec un mélange étrange d’un trop plein d’assurance et de mauvais acting. Autour de lui s’agitent un ensemble d’acteurs plus ou moins bons qui tentent de faire vivre leurs personnages écrits sur un unique post-it commun : Ariana DeBose (West Side Story, Wish – Asha et La Bonne Étoile, Argylle…) et Fred Hechinger (The White Lotus, Gladiator 2…) se confondent dans le décor, le Rhino d’Alessandro Nivola (L’Étrangleur de Boston, Amsterdam…) parvient à surpasser la mocheté du Morbius de Jared Leto, tandis que Christopher Abbott (Pauvres Créatures, Possessor…) est… présent, quoi.
À l’affiche également, il y a bien évidemment Russell Crowe (L’Exorciste du Vatican, Thor: Love and Thunder, Enragé…) qui a définitivement abandonné toutes intentions de jouer la comédie de films en films depuis quelques années tant il donne l’impression de toujours incarner le même personnages.

En conclusion, Kraven The Hunter n’est pas seulement une déception, c’est un cas d’école du gâchis industriel non assumé. Là où l’univers Marvel (ou même DC) parvient (parvenait ?) encore parfois à surprendre ou, a minima, à divertir, le SSU livre ici son chant du cygne dans l’indifférence générale, enterrant définitivement tout espoir pour ses futurs projets. À éviter.

PS : Inutile de rester pendant le générique de fin. Même s’il y a une scène bonus, elle n’aurait aucun intérêt vu que le SSU est fini ^^

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