Super héros

[CRITIQUE] Black Adam, de Jaume Collet-Serra

Le pitch : Dans l’antique Kahndaq, l’esclave Teth Adam avait reçu les super-pouvoirs des dieux. Mais il en a fait usage pour se venger et a fini en prison. Cinq millénaires plus tard, alors qu’il a été libéré, il fait régner sa conception très sombre de la justice dans le monde. Refusant de se rendre, Teth Adam doit affronter une bande de héros d’aujourd’hui qui composent la Justice Society – Hawkman, le Dr Fate, Atom Smasher et Cyclone – qui comptent bien le renvoyer en prison pour l’éternité.

Cela fait 15 ans, et oui 15 ans, que Dwayne Johnson alias The Rock attendait ce moment. Alors que l’ex-catcheur s’est fait remarquer dans le rôle du Roi Scorpion, d’abord dans le film Le Retour de la Momie (2001), puis dans le film éponyme sorti l’année suivante, la question des films super-héroïques commençait déjà à travailler les studios. Avec les films X-Men puis Spider-Man version Raimi qui cartonnaient au box-office, chacun voulait sa part du gâteau. À l’époque, Shazam (à l’époque Captain Marvel) était dans les starting-blocs et les studios espérait que Dwayne Johnson accepte ce rôle. Mais l’acteur a toujours clamé haut et fort qu’il préférait l’anti-héros Black Adam. Les années passent et l’univers super-héroïque du début des années 2000 mute en ce qu’il est aujourd’hui : l’affrontement entre l’univers partagé et solide du MCU (Marvel Studios) contre les visions chaotiques du DCEU et des films standalones proposés par DC/Warner Studios.

Enfin ça, c’était avant le Covid, quand Marvel Studios frôlait le sans-faute avec la conclusion colossale de son Infinity Saga, car depuis, admettons-le, le MCU a livré des films et séries plutôt mitigées sur ces deux dernières années (on y reviendra). Cependant, coté univers DC Comics, ce n’est pas la fête non plus. Si le film The Batman a su raviver la flamme des fans, le débat entre le maintien du Snyderverse (Justice Leaque, Wonder Woman, The Flash…) et les films indépendants, type The Suicide Squad, reste encore agité, principalement parce que les studios n’arrivent toujours pas à se mettre d’accord quant à la vision à suivre.
Et donc, ces indécisions donnent des films comme « Josstice » League, Wonder Woman 1984 ou Shazam!, où l’ambition dark est abandonnée pour aller vers une tonalité plus family friendly et colorée. Oui, un peu comme les films Marvel Studios.

C’est donc là que Black Adam cherche à s’imposer : fini le super-héros gentil ou l’antagoniste initialement méchant mais qu’on transforme en gentil (*tousse* Venom *tousse* Morbius *tousse*), place à la castagne et à la tuerie sans limite. Quelqu’un a compté le nombre de morts dans ce film ?
En effet, l’intrigue du film de Jaume Collet-Serra (Jungle Cruise, The Passenger, Instinct de Survie…) est relativement simple : Black Adam se réveille et il est pas content. Pourquoi ? Et bien il faudra patienter un moment avant de le savoir. En attendant, le film délivre une salve d’action ahurissante dès les premières minutes.
Objectivement (oui), le film tient ses promesses. Dwayne Johnson avait annoncé du costaud et un changement de règles du jeu, c’est bien le cas. Le (anti-)héros est bien décidé à affirmer son retour sur ses terres d’origine et ça se traduit par un body count qui ne cesse de grimper (le nouveau héros DC est un meurtrier PG-13, youpi). Black Adam en fait des caisses sur la glorification de son personnage, lui offrant des scènes d’actions surléchées, blindées de micro-ralentis admiratifs sur son physique hyper-musclé, son air patibulaire et chacune de ses démonstrations de force hyper testostéronées. Les raisons de sa colère s’accumulent sur son passage : entre son pays opprimé par des terroristes (?), des super-héros qui tentent de l’arrêter et un artefact capable de littéralement déclencher l’enfer sur Terre, Black Adam n’en finit plus de se bastonner. C’est une déferlante d’affrontements et d’effets spéciaux plus ou moins lisibles qui s’emparent des 2h05 du film, pour épater le public et montrer qui est le maître.

Et c’est… ÉPUISANT !
Subjectivement cette fois, Black Adam est d’une pénibilité sans nom. Là où j’ai su que l’expérience allait me fatiguer, c’est en voyant que moins de dix minutes après le début de film, j’assistais déjà à un affrontement démesuré qui avait déjà tous les atouts d’un combat final. Quand Black Adam se réveille, il est déjà au maximum de sa force et offre une démonstration de puissance telle qu’on comprend d’entrée de jeu qu’il est quasiment invincible. Et cela se confirme dans le récit puisque le personnage ne rencontre aucune difficulté ni baisse de régime, malgré les possibilités de ses ennemis à le ralentir. Black Adam est fort, bien trop fort (il arrive même à se relooker en cours de route avec une ceinture et une cape). Si fort que lorsque la Justice Society (qui abandonne au passage le « of America) se pointe – à quatre – le spectateur sait déjà que c’est peine perdue. La suite de fait que prouver qu’à moins de trouver un terrain d’entente, tous les affrontements des « gentils » contre Black Adam seront vains.

À la réalisation, Jaume Collet-Serra se montre généreux et débordant. Il y a du super-pouvoirs et des éclairs à foison, partout, dans tous les sens. C’est une débauche numérique qui alterne des plans parfois jolis à des scènes illisibles, avec du slow-motions en guise de ponctuation. Ralenti sur Cyclone pendant qu’elle tournicote dans les airs, ralenti sur des objets qui volent sous l’impact des coups, ralenti partout et tout le temps. On est à la limite d’un Resident Evil : Afterlife, tant le film en rajoute. Je pense qu’on aurait gagné une bonne demi-heure sans tous ces effets de style inutiles. Entre étourdissement et divertissement, il n’y a qu’un pas. La surenchère de Black Adam peut impressionner et plaire, tout comme elle peut fatiguer quand on réalise qu’il ne s’agit que de surcouches de peinture pour camoufler la vacuité du storytelling.
Au-delà de l’aspect esthétique, Black Adam n’échappe pas à la comparaison et aux interprétations plus ou moins subtiles. C’est aussi là que les studios derrière les films DC Comics montrent leurs absences de vision indépendante depuis la défection de Zack Snyder. Si la colorimétrie du film ne me dérange pas tant, c’est surtout l’impression de déjà-vu déjà-fait qui me dérange : l’introduction Hawkman fleure un peu trop fort le Black Panther, tandis qu’on retrouve évidemment une bonne dose de Doctor Strange chez Dr Fate, de team-up à la X-Men (Apocalypse huhu) et autres mash-up Thor/Hulk/Ant-Man pour composer les personnages super-héroïques. Certes, tous les héros qu’ils soient DC Comics ou Marvel se ressemblent sur le papier, mais encore une fois, ce film DC/Warner passe après et encore trop tard sans parvenir à proposer du neuf ni sur l’intrigue ni sur la construction des personnages.

Du coup, l’ensemble paaaaaaaasse… plus par habitude que par conviction, ce qui est plutôt dommage concernant la Justice Society car pour une fois les « gentils » ont le rôle d’antagonistes dans un film où le « méchant » est le héros. Mais une fois que ces derniers énoncent leur action trop tardive et aveugle, on ne revient jamais sur la position de ces héros sensés protégés le monde et finalement absent lors qu’un pays entier est soumis à… des terroristes (?) ou des douaniers pas sympas (je n’ai pas compris à quoi servait l’Antigang, désolée). D’ailleurs, le film prend des proportions si énormes qu’on pourrait se demander pourquoi le reste des super-héros de l’univers DC n’intervient pas durant ce final qui aurait pu avoir des conséquences assez graves… Tout simplement parce que Black Adam tire toute la couverture à lui : dès son arrivée, le héros impose sa présence et réduit les super-héros que nous connaissons à de la décoration de chambre d’enfant. Posters et jouets représentant Superman, Batman et autre Wonder Woman sont détruits consciencieusement face caméra pour bien faire comprendre qui est le seul maître à bord.
Aux cotés des super et anti héros, il faut composer avec des personnages humains qui, comme trop souvent, sont insupportables – donc le gamin qui essaie d’apprendre des catchphrases à Black Adam (petit pompage sur clin d’œil à Terminator 2 au passage). Autant d’éléments qui auraient pu servir l’histoire qui sont finalement passés à la trappe car Jaume Collet-Serra est trop occupé à admirer son héros sous toutes les coutures.

Au casting : Dwayne Johnson (Jungle Cruise, Jumanji: Next Level, Fast and Furious: Hobbs and Shaw…) incarne les gros bras d’Hollywood depuis quelques années déjà, boostant ou rebootant des franchises grâce à son charisme et ses muscles. Ici, l’acteur fait toujours la même chose, mais cette fois avec des super-pouvoirs, prouvant qu’il peut en plus être harnaché dans les airs et tendre les doigts avec un air menaçant. Quelle performance.
On retrouve Aldis Hodge (Invisible Man, Les Figures de l’Ombre…), potentiellement la bonne surprise, selon moi, du film alors qu’il incarne un Hawkman convaincant, malgré l’absence de sa moitié (voir les séries The Flash & cie, par exemple, pour en savoir plus), tandis que Pierce Borsnan (The Son, Mamma Mia, The Foreigner…) apporte un certain cachet en incarnant un Doctor Fate plus mature. Coté héros novices, Noah Centineo (À Tous Les Garçons…, Charlie’s Angels…) fait pâle figure et joue les figurants rigolos, Quintessa Swindell (Euphoria, Trinkets…) est jolie au ralenti
Autour de ce beau petit monde, Sarah Shahi (Sex/Life, Hangman…) est moins insupportable, mais presque autant, que le jeune Bodhi Sabongui (A Million Little Things…), qui incarne son fils, tandis que Marwan Kenzari (Aladdin, The Old Guard…) n’arrive toujours pas à jouer les méchants convaincants.
D’autres apparitions et caméos sont au programme, donc une particulièrement alléchante à découvrir dans la scène bonus cachée dans le générique final.

En conclusion, Black Adam c’est beaucoup et pas assez en même temps. Oui, le film délivre de l’action à tout bout de champs et un héros surpuissant qui tue à tour de bras et sans remords. Ca change. Cependant en allant trop fort et trop vite, le film ne parvient pas à étoffer ses personnages qui débarquent tous de nulle part et n’évolue finalement jamais. Trop occupé d’aller à un chaque nouveau objectif, comme une course au trésor, Jaume Collet-Serra ne ralentit jamais pour prendre le temps de poser ses personnages, pour les construire ou les rendre plus attachants. Black Adam ne fait que capitaliser que sur l’aura de son acteur principal, du coup les fans de Dwayne Johnson et de sa filmo y trouveront leur compte, ceux des comics… peut-être un peu moins.
Et puis en même temps, cette pseudo origin story édulcore le coté un poil tyrannique de la version papier (dans les comics, le peuple de Kahndaq est asservi à son régime, n’est-ce pas), alors bon… tout est permis. À tenter.

PS : si vous avez survolé cette critique, je rappelle qu’il y a une scène bonus après le premier générique. [SPOILERS]Et c’est Superman, incarné par Henry Cavill (youpi) qui se présente à Black Adam, lui faisant comprendre qu’il pouvait rester à Kahndaq mais qu’il n’avait pas intérêt à sortir de son pays – deal qu’on retrouve dans les comics. Mais comme Black Adam est un bad boy, il lui dit qu’il fait ce qu’il veut. Combat de regards super virils entre deux mecs musclés vêtus de combinaisons moulantes. Fin. [/SPOILERS]

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