Super héros

[CRITIQUE] Thunderbolts*, de Jake Schreier (sans spoilers)

Le pitch : Marvel Studios rassemble une équipe de anti-héros peu conventionnelle : Yelena Belova, Bucky Barnes, Red Guardian, Le Fantôme, Taskmaster et John Walker. Tombés dans un piège redoutable tendu par Valentina Allegra de Fontaine, ces laissés pour compte complètement désabusés doivent participer à une mission à haut risque qui les forcera à se confronter aux recoins les plus sombres de leur passé. Ce groupe dysfonctionnel se déchirera-t-il ou trouvera-t-il sa rédemption en s’unissant avant qu’il ne soit trop tard ?

Dans un MCU rongé l’overdose, où chaque film semble sortir d’une usine à contenus bien huilée mais fatiguée, Thunderbolts* joue une partition inattendue : celle du renouveau par le bas, du souffle neuf porté non pas par les stars bankables, mais par les figures secondaires cabossées par leurs propres échecs. Un pari risqué, presque désespéré… et pourtant réussi. Quelques semaines après un Captain America : Brave New World bien trop tiède, ça fait plaisir de retrouver un film de super-héros qui tient ses promesses !

Jake Schreier (Beef, Kidding, La Face Cachée de Margo…) compose ici un ensemble dissonant mais étonnamment harmonieux. Son équipe de bras cassés n’a rien des héros iconiques qu’on placarde sur les affiches XXL des Avengers. Et c’est précisément ce qui fonctionne : en laissant de côté le culte du symbole, Thunderbolts* s’intéresse aux trajectoires personnelles, à la reconstruction, à la difficulté d’exister dans un monde post-Avengers. C’est là que le film trouve son cœur battant. En effet, même sans avoir vu Black Widow, Ant-Man et la Guêpe ou la série Falcon et le Soldat de l’Hiver, Thunderbolts* parvient à tisser une intrigue fédératrice et conquérante autour du rassemblement de ces second couteaux qu’on ne pensait plus vraiment revoir.

Si l’ensemble garde son estampille Marvel, entre humour bien calé, scènes d’action calibrées, montée en puissance progressive, le film va tacler une thématique un poil plus sombre et sérieuse, alors que l’intrigue s’articule autour de la naissance de son simili-Superman. En effet, la santé mentale est au centre, et si cela avait rapidement été abordé pendant la minute où Walker a été Captain America dans Falcon et Le Soldat de l’Hiver, cette fois Thunderbolts* vient gratter la surface et observer les conséquences d’un passé trouble, voire instable, mêlé à des super-pouvoirs. Et c’est intéressant, car la facilité aurait été d’à nouveau scruter la psyché de Bucky ou de revenir sur le parcours de l’ex autre Black Widow – Yelena – mais, intelligemment, Thunderbolts* évite de remuer ses anciennes sauces pour mieux construire de nouvelles bases et surtout un traitement un poil plus novateur de ses personnages. Et ça fait du bien.

Le film s’amuse de sa galerie de « losers » sans les ridiculiser, au contraire : il les humanise en ramenant leurs personnalités à des problématiques tangibles (divorce, deuil, solitude, perte de repère dans le monde actuel…), tout en parvenant à injecter une sincérité bienvenue dans un univers souvent corseté par ses propres codes.
Ce qui frappe et séduit d’emblée, c’est l’équilibre : entre le pur divertissement et un sous-texte plus sombre sur les identités fracassées, Thunderbolts* se nourrit des failles de ses personnages pour mieux les faire grandir, faisant de leurs cicatrices psychiques une volonté visible de rédemption. Sans en faire un drame existentiel, Thunderbolts* explore sans insister et dose ses intentions avec finesse. Rien de révolutionnaire, certes, mais une forme de modestie narrative salutaire qui donne de l’épaisseur à ce qui aurait pu n’être qu’un produit dérivé.

Grâce a ses personnages haut en couleurs, allant du fan favorite comme Bucky jusqu’à la réhabilitation d’un vilain anecdotique comme Ghost, le film de Jake Schreier instaure une dynamique réjouissante portée par une héroïne qui va rapidement s’inscrire en tant que leader accessible. L’écriture est solide car on s’attache tout de suite à ce groupe improbable, tandis qu’en bon film de super-héros, le spectacle est au rendez-vous grâce à des scènes d’action marquantes. Entre des combats chorégraphiés et un retour à la destruction massive ailleurs que dans un désert, Thunderbolts* maintient en haleine également par son rythme et ses enjeux à la fois simple mais accessibles, tandis qu’un nouveau personnage important des comics fait son entrée dans le MCU (Sentry, pour ceux qui n’ont pas suivi).

Alors oui, c’est toujours du Marvel. Oui, on est dans une mission à risque, des bastons spectaculaires et une menace à neutraliser… Mais dans les interstices, quelque chose se joue, comme une envie de sortir du moule et cela se voit notamment grâce à un dernier acte qui évite soigneusement la démonstration de super-pouvoirs et préfère opter pour un combat bien plus symbolique. Ou comment transformer une poignée d’inconnus cabossés par la vie en une super-équipe… un peu comme la formation impromptue des Gardiens de la Galaxie, il y a un peu plus de dix ans !

Côté casting, Sebastian Stan (The Apprentice, A Different Man, 355…) reste une valeur sûre en campant un Bucky toujours aussi sexy charismatique et accrocheur. Mais la vraie surprise (même si on s’en doutait) vient de Florence Pugh (Hawkeye, L’Amour au Présent, Dune, Deuxième Partie…), épatante de maîtrise et de présence. Elle capte la lumière sans jamais étouffer les autres, et impose une figure de leader féminine aussi naturelle que bienvenue, dans un univers souvent dominé par des têtes d’affiche masculines.
Autour d’eux, on retrouve Wyatt Russell (Night Swim, Falcon et le Soldat de l’Hiver…), David Harbour (Gran Turismo, Black Widow…) et Hannah John-Kamen (Ant-Man et la Guêpe, Ready Player One…) dans des extensions de leurs personnages respectifs mais qui ont enfin l’occasion d’étoffer un peu plus leurs légendes. Pareil pour Julia Louis-Dreyfus (Black Panther : Wakanda Forever, You People…) dont on comprend mieux le rôle de sa Valentina De Fontaine au sein du MCU. Olga Kurylenko (Super Mâles, Tyler Rake 2…) est également à l’affiche… mais on en reparlera plus tard.

Parmi les petits nouveaux, Lewis Pullman (Top Gun : Maverick, Sale Temps à l’Hôtel El Royale…) tire son épingle du jeu, en donnant un caractère gauche et attachant à son personnage, tandis que Geraldine Viswanathan (Drive-Away Dolls, Miracle Workers…) parvient à se démarquer avec un rôle secondaire.
À noter, le retour de Violet McGraw (M3GAN, The Haunting of Hill House…) qui interprétait déjà Yelena enfant dans Black Widow.

En conclusion, Thunderbolts* surprend là où on n’attendait plus grand chose du MCU : en misant sur ses bras-cassés plutôt que ses icônes et ses storylines phares, il injecte un peu d’âme et beaucoup d’énergie dans un univers en manque de souffle. S’il est trop tôt pour crier au retour en fanfare (*wink wink*) de Marvel au cinéma, le film de Jake Shreier est assurément un vrai bol d’air frais ! À voir, évidemment.

PS : il y a deux scènes bonus, une mid générique et une autre tout à la fin. On en reparle très bientôt !

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