Attendu, mais tout de même craint, Black Panther fait son retour en salles après la tragédie qui a secoué le MCU. Entre deuil et héritage, le film de Ryan Coogler est porté par une dimension plus grave mais tout aussi fédératrice que le premier opus. Abouti mais pas exempte de défauts de réalisation, Black Panther – Wakanda Forever conclue la phase 4 avec brio.
Le pitch : La Reine Ramonda, Shuri, M’Baku, Okoye et les Dora Milaje luttent pour protéger leur nation des ingérences d’autres puissances mondiales après la mort du roi T’Challa. Alors que le peuple s’efforce d’aller de l’avant, nos héros vont devoir s’unir et compter sur l’aide de la mercenaire Nakia et d’Everett Ross pour faire entrer le royaume du Wakanda dans une nouvelle ère. Mais une terrible menace surgit d’un royaume caché au plus profond des océans : Talokan.
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En 2018, Marvel Studios créé l’événement avec le très attendu Black Panther. D’une part parce que le personnage, incarné à l’époque par Chadwick Boseman, avait fait une entrée remarquée dans Captain America – Civil War, et d’autre part parce que le film semblait être un marqueur important dans le cinéma hollywoodien estampillé « so white », de son casting presque exclusivement Noir à sa célébration de la culture noire via un melting-pot africanisé. Devenu le 13e film le plus rentable de tous les temps, Black Panther a été un succès étourdissant qui, au-delà d’être un simple film de super-héros, est devenu un emblème fédérateur aussi bien pour la communauté noire dans le monde que pour les minorités trop souvent boudées ou stigmatisées dans le cinéma tout public. Preuve en est que le salut wakandais a été adopté par de nombreux fans.
En août 2020, une tragédie assombrit le paysage du MCU alors que l’acteur Chadwick Boseman décède des suites d’un cancer contre lequel il luttait depuis des années. Le choc est retentissant auprès des fans, suivi par une décision tranchée par Marvel Studios : celle de ne pas re-caster d’acteur pour reprendre le rôle de T’Challa (malgré l’avis contraire des proches de l’acteur qui auraient voulu voir ce rôle perdurer sur le grand écran), ni de « re-donner » vie à Chadwick Boseman par l’intermédiaire d’effets spéciaux.
C’est donc avec cet énorme défi à surmonter que Black Panther – Wakanda Forever arrive sur nos salles : poursuivre le récit sans son acteur principal, en plus de devoir conclure la Phase 4 du MCU, jalonnées par une série de films et de séries aux succès mitigés. D’ailleurs, face aux résultats des derniers films Marvel en salles, Black Panther – Wakanda Forever a failli ne pas sortir sur nos écrans mais directement sur Disney+. Heureusement pour nous, la législation n’aurait pas rendu possible l’arrivée de ce film sur la plateforme de VOD avant au moins deux ans ! Un mal pour un bien donc, car je pense qu’un tel film s’apprécie mieux au cinéma.
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Un bien, oui, car le film de Ryan Coogler (Fruitvale Station, Creed – L’Héritage de Rocky Balboa…) parvient à se hisser à la hauteur du premier Black Panther et pourrait bien être le meilleur film que le MCU nous ait offert depuis quelques temps (hors films Avengers).
Alors que la réalité rejoint la fiction, Black Panther – Wakanda Forever utilise la perte de l’acteur pour reposer les bases de ses personnages, de leurs raisons d’être à leurs enjeux. Si la protection du vibranium reste au centre de l’intrigue, c’est bel et bien l’avenir du Wakanda et sa place parmi les puissantes mondiales qui se joue en sous-sol. Ryan Coogler s’éloigne ainsi du point de vue engagé qu’il explorait dans le premier film, pour se recentrer sur des problématiques plus immédiates (et plus blockbusteriennes). Bousculé entre le chagrin et le courage, le nouveau chapitre de Black Panther est tourné vers l’intérieur, alors qu’une menace venue des profondeurs des océans fait littéralement surface.
Avec ce trentième film, Marvel Studios introduit un Namor différent des comics, rattaché à la culture méso-américains (inspiration maya, mais mise en abîme plus proches des coutumes aztèques). Une différence compréhensible puisque dans les comics Namor (Marvel) et Aquaman (DC Comics) sont assez similaires, il s’agit donc de ne pas marcher sur les platebandes du film de James Wan. Ce que Ryan Coogler réussit d’ailleurs, une fois qu’on s’émancipe du matériau d’origine, puisqu’avec ce Namor, Black Panther – Wakanda Forever continue d’explorer la notion d’héritage familial et culturel, ainsi que les responsabilités d’un leader devant protéger son peuple coûte que coûte.
Moins solennel ou politisé, le film de Ryan Coogler met l’accent sur l’action, à travers l’arrivée de nouveaux personnages, sans jamais délaisser son fil conducteur tissé dans l’émotion. Un équilibre maîtrisé qui permet à Black Panther – Wakanda Forever de sortir de sa prison endeuillée pour se laisser aller au divertissement attendu. Ainsi, les étapes du deuil s’intègrent subtilement à l’intrigue principale qui évoluent entre chagrin, injustice et colère, avant de trouver l’issue de ce parcours initiatique façonné par le renoncement et la renaissance. L’histoire atteint une gravité rarement vue dans le MCU, contexte oblige, mais l’ensemble reste calqué sur les traces du premier opus en ne manquant pas d’occasion pour évoquer les revers de la colonisation, qui ont marqué aussi bien nos héros que le peuple (revisité) de Namor.
L’humour Marvel, auquel on reproche trop souvent de desservir le pendant dramatique de certaines scènes, devient ici presque salutaire, tant le film se construit dans des tableaux sombres. Une chose est sûre, c’est que la Phase 4 se place définitivement sous le signe de l’héritage et de l’avenir, Black Panther – Wakanda Forever ne fait pas exception alors que le passage de flambeau prend forme. De plus, le film s’offre un vilain de taille : si l’histoire de Namor et Black Panther dans les comics donnait déjà envie de voir ce personnage en prises de vues réelles, Ryan Coogler choisit avec justesse d’opposer deux mondes qui se ressemblent mais qui, pour notre grand plaisir, ne parviennent pas à se mettre d’accord. À l’instar d’un certain Thanos, l’antagoniste du film est animé par son coté humain et sa responsabilité en tant que roi, ce qui rend le face-à-face plus prenant alors que nos héros sont face à des choix difficiles.
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Ceci étant dit, il s’agit toujours d’un film de super-héros et ce qu’on veut aussi, c’est en prendre plein les yeux ! Même si l’émotion est présente, Black Panther – Wakanda Forever conserve sa fougue féroce, notamment grâce à la présence des implacables Dora Milaje. L’arrivée et la force de frappe de Namor crée une tension immédiate dès leurs premières apparitions qui flirtent même avec le frisson. Dense, mais maîtrisé, le film livre le spectacle attendu à travers des combats bardés d’effets spéciaux, on y coupera pas, et nos héros font face à un ennemi aussi puissant que dangereux.
À l’image, Ryan Coogler continue de sublimer le Wakanda, depuis les costumes de ses personnages jusqu’aux décors visités dans le film. Le vrai challenge, cependant, c’était de donner vie à Talokan, surtout en passant après l’Aquaman de James Wan. Le film fait tout pour éviter la comparaison et se construit en puisant son inspiration sur un mélange de créatures maritimes (réelles ou imaginaires), de cultures aztèques et de références discrètes à des films comme L’Étrange Créature du Lagon Noir (1954) ou encore Les Dents de la Mer (1975). Ryan Coogler évite ainsi l’application parfois psychédélique et surréaliste à la James Wan pour proposer un univers aquatique proche du monde terrestre, grâce à son héros (mutant) et une origin story logique. Pas de pieuvre jouant de la batterie à signaler, mais les fans apprécieront que le MCU ait assumé jusqu’au bout l’une des particularités physiques du Submariner, à défaut de dépeindre fidèlement le royaume d’Atlantis des comics.
Derrière la touche fantastique, le MCU assure la continuité de ses ingrédients reconnaissables : autour des personnages centraux, les garde-fous sont toujours présents, à travers le retour ou la présences de personnages transverses, mais aussi avec l’arrivée d’Iron Heart.
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Pourtant, c’est aussi sur la partie visuelle que Ryan Coogler montre ses faiblesses. Alors que son premier film était déjà dense, il se « limitait » à des affrontements en one-to-one la plupart du temps, avant de se solder par une mini-guerre civile sur les terres du Wakanda. Cependant, là où devait gérer une poignée d’humains plus ou moins lambdas et « seulement » deux super-héros, avec Black Panther – Wakanda Forever il faut composer avec la présence de combattants venus des océans et la mise en scène qui va avec. Entre prises de vues nocturnes ou sous-marines, Ryan Coogler n’a pas l’habitude gérer autant de monde ni autant d’effets spéciaux et ça se voit à cause des scènes souvent difficiles à comprendre, surtout quand l’espace disponible est soit réduit, soit logiquement impraticable (pour un être humain). Résultat, si le storytelling de Black Panther – Wakanda Forever surmonte les différents obstacles qui se dressaient sur son chemin, parvenant à montrer que les films Marvel pouvaient eux aussi explorer une part plus sombre et moins légères de leurs personnages, c’est étonnement sur la cinématique de l’action que l’ensemble bat de l’aile. Certes, on peut avoir l’habitude de fonds verts (ou bleus) peut subtils, mais quelques détails semblent encore brouillons, surtout quand ils sont sensés faire écho à des effets déjà vu auparavant (par exemple, le visuel d’Iron Heart vs celle d’Iron Man).
Au casting, l’absence de Chadwick Boseman est palpable à travers l’écriture et la performance des acteurs de retour pour ce nouvel opus. Dans l’ensemble, j’ai trouvé que le casting original avait réussi à retranscrire leur chagrin avec la juste dose, permettant à la première partie du film de résonner comme un hommage final à l’acteur disparu, aussi bien de la part des personnages que du casting (et l’équipe derrière le MCU). Là encore, la réalité et la fiction se mélangent sans effort, mais surtout sans aller jusqu’au pathos qui aurait pu rebuter. On notera également que le logo Marvel au début du film est à l’image de Chadwick Boseman.
Même si vous ne vous posez pas la question : oui, j’ai pleuré.
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En tête d’affiche : Letitia Wright (Mort Sur le Nil, Tous en Scène 2, Ready Player One…), sans surprise, a la lourde tâche de porter sur ses frêles épaules l’avenir de Black Panther, aux cotés d’Angela Bassett (Mission Impossible : Fallout, Bloody Milkshake…) et Danai Gurira (The Walking Dead, Avengers – Endgame…). Un trio qui sait être aussi émouvant que féroce face à l’action, même si Letitia Wright manque un tantinet de charisme en tant que super-héroïne. On retrouve également les visages familiers de Winston Duke (Spenser Confidential, Us…) et Lupita Nyong’o (355, Little Monsters…), ainsi que le retour de Martin Freeman (Black Panther, Sherlock, Breeders…).
Parmi les nouveaux venus, on remarquera surtout Tenoch Huerta (Narcos: Mexico, Mozart In The Jungle, American Nightmare 5…), dans le rôle de Namor, très attendu (au tournant) et absolument convaincant dans son personnage à la tête d’une nation parfois flippante (et oui).
Également à l’affiche, Florence Kasumba (Le Roi Lion, Falcon et le Soldat de l’Hiver…) est de retour en Ayo, tandis que la fabuleuse Michaela Coel (I May Destroy You…) fait son entrée dans le MCU, tout comme Dominique Thorne (Si Beale Street Pouvait Parler, Judas and the Black Messiah…) qui joue une Iron Heart malheureusement accessoire.
Évidemment, d’autres surprises (et même une plutôt badass) sont à découvrir dans le film 🙂
En conclusion, en plus d’avoir beaucoup aimé Black Panther – Wakanda Forever, j’ai également été soulagée de voir que le film de Ryan Coogler réussit à transformer une tragédie bien réelle au service d’un storytelling abouti. L’émotion est là, poignante et à juste dose, tandis que la densité de l’histoire et l’action du film permet de retrouver le divertissement inhérent à un film super-héroïque. Par conséquent, Black Panther – Wakanda Forever vient relever une Phase 4 un poil décevante, grâce à un ensemble solide, malgré quelques faiblesses de mises en scène. À voir, évidemment. (Bon, par contre, si la mort de Chadwick Boseman et/ou que Black Panther premier du nom ne vous a fait ni chaud ni froid, tentez l’expérience à vos « risques et périls »)
PS : Une scène post-générique vous attend après le premier générique. Pour info, une seconde a été coupée du montage final (il parait qu’elle était trop… fatale *wink wink*). Pour plus de spoilers, c’est par ici.