Donner une suite au film de Ryan Coogler était un sacré pari, attendu au tournant. Creed 2 ne serait qu’un film de boxe à la trame ordinaire s’il n’était pas habité par le charisme flamboyant de Michael B. Jordan et porté par une volonté palpable d’emmener le public aux premières loges pour vibrer à chaque coup. Steven Caple Jr signe un film fort qui capte la rage au ventre de ses protagonistes, ce qui rend l’ensemble bien plus immersif et engageant qu’un film de boxe classique. Haletant, viscéral, magistral : l’héritage laisse place à la légende.
Le pitch : La vie est devenue un numéro d’équilibriste pour Adonis Creed. Entre ses obligations personnelles et son entraînement pour son prochain grand match, il est à la croisée des chemins. Et l’enjeu du combat est d’autant plus élevé que son rival est lié au passé de sa famille. Mais il peut compter sur la présence de Rocky Balboa à ses côtés : avec lui, il comprendra ce qui vaut la peine de se battre et découvrira qu’il n’y a rien de plus important que les valeurs familiales.
En 2016, la saga Rocky renaissait de ses cendres old school avec le film Creed : L’Héritage de Rocky Balboa, en proposant les retrouvailles entre le boxeur de légende et le fils d’un de ses célèbres opposants (puis amis), Apollo Creed. Si le film de Ryan Coogler portait bien son nom, la suite nous invite à passer à l’étape suivante en faisant de cet héritage une véritable légende.
Pour ce faire, c’est Steven Caple Jr. (The Land…) qui reprend les rênes et ce réalisateur peu connu parvient avec brio à se glisser sur les traces du premier film tout en approfondissant une trame relativement classique. Co-écrit par Juel Taylor et Sylvester Stallone himself, Creed 2 reprend les règles de tout opus numéro deux d’une saga : renouer avec un héros en pleine gloire et lui faire toucher le fond afin qu’il découvre sa propre vérité et puisse se relever avec force. De ce point de vue là, l’histoire du film est on-ne-peut-plus classique et relativement prévisible. Ce qui donne à Creed 2 son impact incroyable, c’est la précision et l’énergie aussi palpables qu’accessibles dans l’écriture des personnages.
D’une part on retrouve des héros auxquels nous sommes déjà attachés : le jeune Creed baigne dans la lumière, avec Rocky et Bianca à ses cotés, plus solide que jamais. Les voir évoluer en harmonie, une fois la colère et la rage du premier film calmées, permet au film d’installer un cadre familial et chaleureux, mais surtout prompt à basculer. De l’autre coté, Creed 2 soigne ses antagonistes : le retour du fameux Ivan Drago et de son fils Viktor, dans le décor froid de l’Ukraine et empreint d’un désir de revanche glaçant et féroce transmis de père en fils, réveille de vieilles blessures, tandis que le fils Drago ressemble à une masse silencieuse, furieuse et incoercible.
Creed 2 vise juste en proposant un duel de choc avec un ennemi à la hauteur du caractère flamboyant et punchy de son héros. A travers ce double face-à-face qui résonne comme un choc des titans, c’est le film a des airs de passation des armes, d’un père à son fils, que ce soit avec bienveillance ou avec hargne. Ainsi, alors que l’ensemble suit une trame parfaitement millimétrée en faisant toucher le fond à son héros, Creed 2 se nourrit de cette dualité où la notion de famille prend des tonalités différentes d’un camps à l’autre. Le film fait sans cesse monter la pression, les combats sont rares dans le films mais chacun font grimper le stress-o-mètre de plusieurs crans jusqu’à un inévitable affrontement final. Là encore, Steven Caple Jr. joue avec le déjà-vu mais parvient tout de même à distiller le doute cuisant jusqu’au bout, tant il fait morfler son personnage central.
Globalement, Creed 2 envoie du lourd dès les premières minutes. Après un premier film qui avait mis la barre haute, cette suite relève le défi à travers une réalisation haletante qui donne une énergie jubilatoire à chaque scène de combat ou d’entraînement. La force des personnages est impressionnante, au-delà de la musculature des acteurs, le film fait vraiment ressentir l’envie, la rage ou la soif de vaincre à travers chaque coup, chaque échauffement, chaque cri.
Le récit, aussi simpliste soit-il, parvient à faire grandir chacun de ses personnages, à travers la famille – celle dont ils viennent et celles qu’ils se créent ou retrouvent en cours de route, surtout l’émancipation du héros face à un nom trop imposant et le fait de mettre le passé à sa place. Creed 2 parvient à sceller ses ambitions dans les deux « camps » sans fatiguer.
Certes Steven Caple Jr. s’éparpille parfois et confond la réalisation d’un film avec celle d’un clip vidéo, tant il abuse souvent des ralentis contemplatifs. Mais étant donné que Creed 2 est porté par une bande-originale impeccable qui mêlent hip-hop et quelques sonorités soviétiques à certains moments (et comptant bien sûr le thème principal de Rocky), ces effets de style souligne encore plus les intentions du film : faire frémir son spectateur à chaque scène, entre émotion, tension, fébrilité et action. Pour ma part, c’est réussi : Creed 2 m’a fait transpirer, même malgré ses twists prévisibles car ces derniers servent tout de même l’histoire. De plus, au-delà du simple film de boxe, le film dresse des portraits humains, créant de l’empathie aussi bien pour les héros que leurs adversaires – notamment à travers un fils Drago finalement touchant sous sa tonne de muscle -, bouclant ainsi le chapitre de l’héritage pour donner à Creed ses lettres de noblesse bien méritées.
Au casting : Michael B. Jordan (Black Panther, Les Quatre Fantastiques, Fruivale Station reprend du service et ne déçoit, cet acteur a un charisme incroyable qui rend son personnage aussi triomphal qu’attachant. Sylvester Stallone (Evasion 2, Les Gardiens de la Galaxie Vol. 2, Expendables…) est évidemment présent pour clore son chapitre, en s’étalant peut-être un peu trop dans l’histoire mais que serait Creed sans Rocky, n’est-ce pas ? De retour également, Tessa Thompson (Annihilation, Thor : Ragnarok, Dear White People…) est toujours superbe (et bien lookée), tandis que son personnage prend un peu plus de poids… dans l’intrigue (*wink wink*) jusqu’à la bande-originale d’ailleurs !
On retrouve évidemment des visages connus avec Phylicia Rashād (Creed : L’Héritage de Rocky Balboa…), Russell Hornsby (Fences…) et Wood Harris (Blade Runner 2049…), mais c’est surtout Dolph Lundgren (Aquaman, Black Water…) qui fait un beau retour en reprenant son rôle d’Ivan Drago, ce boxeur qui ne s’est jamais remis de sa défaite. À ses cotés, le boxeur roumain Florian Munteanu est quasiment muet mais en impose littéralement, aussi bien par sa carrure impressionnante que par la force qu’il dégage à travers son attitude.
D’autres vrais boxeurs font également des apparitions dans le film, certains pour des caméos, d’autres pour un peu plus, tandis que la dernière surprise du film est le retour de Brigitte Nielsen !
En conclusion, beaucoup disent qu’il faut avoir vu Rocki IV pour comprendre Creed 2 (ou Creed II) : rassurez-vous, le film de Steven Caple Jr. aide à combler les creux et reste suffisamment ouvert pour plaire aussi bien aux fans de la saga Rocky, qu’à ceux qui ont plus ou moins découvert la franchise avec le premier Creed. Entre puissance et légende, Creed 2 est un uppercut en plein cœur 😀 À voir absolument !