Drame, Romance

[CRITIQUE] Deux Moi, de Cédric Klapisch

Le pitch : Rémy et Mélanie ont trente ans et vivent dans le même quartier à Paris. Elle multiplie les rendez-vous ratés sur les réseaux sociaux pendant qu’il peine à faire une rencontre. Tous les deux victimes de cette solitude des grandes villes, à l’époque hyper connectée où l’on pense pourtant que se rencontrer devrait être plus simple… Deux individus, deux parcours. Sans le savoir, ils empruntent deux routes qui les mèneront dans une même direction… celle d’une histoire amour ?

2 ans après Ce Qui Nous Lie, Cédric Klapisch (L’auberge Espagnole, Paris, Ma Part du Gâteau…) quitte les plaines ensoleillées et avinées qui lui servaient de décor pour illustrer ses relations fraternelles pour la grisaille de la capitale et l’observation de deux âmes esseulées. Avec Deux Moi, si l’amourette point très clairement à l’horizon, le réalisateur ne s’y précipite pas et prend le temps de raconter ses personnages. Le film suit donc l’histoire parallèle de ces voisins inconnus, voguant dans leurs quotidiens empreints d’un mal-être bien enfouis qu’ils vont petit-à-petit affronter. Se remettre d’une rupture ou trouver le sommeil, deux maux simplissimes que Deux Moi choisit comme point de départ pour disséquer ces deux âmes en peine, seules dans une grande ville et qui, surtout, se laissent porter.

Deux Moi séduit instantanément : grâce à son casting, d’une part, mais aussi via la construction de ces personnages accessibles – surtout quand on vit à Paris ou dans sa région, tant Cédric Klapisch saisit la mélancolie d’un quotidien qui glisse sur le parcours de ces personnages aux blessures invisibles. Contrairement à une comédie romantique, Deux Moi ne présence pas l’amour comme la solution à tous les problèmes, préférant se focaliser sur la psychologie de ses personnages et ce qui les rend aussi particuliers dans cette grande toile anonyme qu’est Paris.
Cependant, si Cédric Klapisch prend le temps d’installer ses personnages, le film a tendance à s’étaler. En effet, alors que Deux Moi semble avoir tout l’air d’une comédie romantique, le film déstabilise en proposant un récit sensé où les personnages doivent d’abord résoudre leur propre puzzle avant même de pouvoir s’ouvrir aux autres. Voilà un postulat moderne que l’on voit rarement au cinéma et pourtant si vrai. Mais le revers de la médaille n’est pas loin : au détour de ces quêtes parallèles, Deux Moi a tendance à se perdre en bavardages et introspections flous avant de réellement développer le but premier de son intrigue. En effet, ce n’est qu’au dernier moment que le film prend tout son sens et, par conséquent, semble se terminer là où une autre comédie romantique lambda aurait commencé.

Globalement, Deux Moi est d’une simplicité et d’une tendresse plaisante, mais cocooné dans un ensemble assez plat. D’un coté, j’ai aimé découvrir ses deux personnages et surtout m’y retrouver dans certains aspects, mais de l’autre, l’ennui n’était pas loin alors que le récit s’illustre surtout par des ventres mous paralysants. La lenteur et l’aspect parfois peu dynamiques du film ont tendance à rendre l’ensemble creux par endroits, donnant même envie de découvrir une fin moins évidente ne serait-ce que pour ressentir un quelconque effet de surprise.
Si Cédric Klapisch observe et explore les méandres de la psychologies, perçant les petites aspérités anodines pour en dévoiler les blessures dormantes, il faudra tout de même attendre le dernier quart d’heure pour retrouver un souffle de vie dans ce film quelque peu catatonique.

Au casting, Cédric Klapisch retrouve l’acteur incontournable de l’année aka François Civil (Mon Inconnue, Celle Que Vous Croyez, Le Chant du Loup…) et la douce Ana Girardot (Bonhomme, Ce Qui Nous Lie, Un Homme Idéal…), un duo charmant et souvent touchant – le réalisateur a confié que l’actrice vivait une rupture au moment du tournage, ce qui rend sa performance d’autant plus émouvante parfois. Autour d’eux, François Berléand (C’est Tout Pour Moi, Je Vais Mieux…) et Camille Cottin (Les Fauves, Photo de Famille…) tentent de démêler les nœuds, tandis que le film est piqué par quelques visages connus : Eye Haïdara (Le Sens de la Fête…), Pierre Niney (Sauver ou Périr…), Paul Hamy (Sybil…), Simon Abkarian (Rebelles…) ou encore Rebecca Marder (Un Homme Pressé…).

En conclusion, Deux Moi est dans la lignée de Ce Qui Nous Lie malgré le changement visible de décor et de contexte : Cédric Klapisch vise la simplicité humaine et accessible, ainsi que la complexité de guérir de maux antérieurs et enfouis pour pouvoir avance. Un peu trop lent et amorphe, mais intelligent. À voir.

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