Très attendue, la première adaptation cinématographie que Wonder Woman débarque enfin, porteuse de nombreux enjeux et espoirs. Autant dire que le film de Patty Jenkins est une superbe réussite tant le film parvient à allier le coté spectaculaire du genre super-héroïque tout en le conjuguant au féminin, sans rendre son personnage principale cruche ou fragile. Patty Jenkins livre une origin story solide, qui n’a rien à envier à Batman ou autre Superman : badass, boosté par de l’action à couper le souffle et une photographie ambitieuse. Wonder Woman est-il le meilleur film du DC Extended Universe ? C’est très probable !
Le pitch : C’était avant qu’elle ne devienne Wonder Woman, à l’époque où elle était encore Diana, princesse des Amazones et combattante invincible. Un jour, un pilote américain s’écrase sur l’île paradisiaque où elle vit, à l’abri des fracas du monde. Lorsqu’il lui raconte qu’une guerre terrible fait rage à l’autre bout de la planète, Diana quitte son havre de paix, convaincue qu’elle doit enrayer la menace. En s’alliant aux hommes dans un combat destiné à mettre fin à la guerre, Diana découvrira toute l’étendue de ses pouvoirs… et son véritable destin.
Plus qu’un simple film de super-héros, Wonder Woman est un véritable défi. Créée en 1941 et incluse dans ce qu’on appelle la Trinité DC Comics aux cotés de Batman et Superman, Wonder Woman est probablement la super-héroïne la plus connue et la plus symbolique des comics books. Déesse, amazone, princesse guerrière, femme, elle est devenue au cours des années un symbole féministe alliant la beauté et la grâce à une force extraordinaire et des valeurs morales justes. Pourtant, alors que ses alter egos masculins enchaînent les adaptations télévisées et cinématographies, Wonder Woman reste sur le carreau et n’aura le droit qu’à une seule série télé, Les Aventures de Wonder Woman (de 1975 à 1979) où l’héroïne est interprétée par Lynda Carter. Héroïne et sex symbol, Wonder Woman fait fantasmer plus qu’elle n’inspire, devenant l’exemple parfait d’un monde machiste et patriarcal qui se contente de la mettre dans un coin, plutôt que de suivre son parcours glorieux et indépendant dans les comics.
Il aura fallu attendre les années 2000 pour qu’un projet Wonder Woman soit remis sur le tapis, au moment où les films de super-héros ont commencé à fleurir sur nos écrans. Après une première tentative abandonnée (à l’origine confiée à Joss Whedon, d’ailleurs), puis une seconde sous forme de série télé à nouveau abandonnée et c’est au moment où l’idée d’un DC Extended Universe (DCEU) a émergé qu’une nouvelle adaptation de Wonder Woman est devenue inévitable. Seulement voilà, après des années de sexisme, volontaire ou non, il faut dire que les super-héros aux féminins abordés sur grand écran n’ont jamais connu un véritable succès à part entière. Side-kick badass et sexy comme la Veuve Noire (Scarlett Johansson) chez les Avengers et Catwoman (Anne Hathaway) dans Dark Knight Rises ou noyée dans la masse comme Tornade ou encore Jean Grey dans la saga X-Men, la femme super-héros est encore approchée avec des pincettes ou des stéréotypes usants. Et pour cause, les rares fois où un solo movie avec une super-héroïne a été tenté, cela a été un véritable désastre. La version Catwoman de Pitof (2003) n’avait rien à voir avec sa version comics et misait bien plus sur le sex-appeal de Halle Berry pour faire avaler son intrigue bancale, mais le coup de grâce est arrivé un an plus tard avec Elektra de Rob Bowman, le spin-off du déjà ridicule Daredevil (interprété par Ben Affleck) qui a réussi l’exploit de transformer une extraordinaire et redoutable tueuse à gages en farce romantique, faiblarde et complètement à coté de la plaque.
Après un état des lieux de l’univers super-héroïque en général qui brille surtout grâce à ses personnages masculins, une adaptation de Wonder Woman était risquée. Comment adapter cette héroïne, le symbole de la femme suprême, qui puise sa force et sa détermination dans ses émotions, sans en faire un faire-valoir ni minimiser son aura ? Et pour ajouter un peu de piment, le DCEU rame à faire face à la machine à succès Marvel qui enchaîne les films à succès (qu’ils soient moyens, bons ou même excellents), car coté DC/Warner, seul Man Of Steel a su tirer son épingle du jeu sans vraie encombre. En effet, si le premier film de Zack Snyder a été sujet à débat, il a plutôt été bien reçu, ce qui n’a pas été le cas de Batman V Superman – largement rattrapé par une version longue salvatrice – et encore moins le cas de Suicide Squad qui, malgré un Oscar (!), est une belle déception. Alors que Wonder Woman était sensée n’être qu’une étape avant le prochain Justice League (novembre 2017), le film de Patty Jenkins est devenu LA dernière chance du DCEU pour convaincre ses fans et faire taire ses détracteurs – surtout après les récents événements dramatiques qui ont touché Zack Snyder, l’amenant à confier la fin de la production de son film à… Joss Whedon (c’te girouette) !
Finalement, s’il y avait bien quelqu’un capable de relever un tel pari, c’était bien une femme. Ou plutôt, des femmes. Avec Wonder Woman, Patty Jenkins (Monster…) avait une revanche à prendre : prouver qu’une femme pouvait aussi réaliser un film de super-héros qui en jette, surtout après ses déboires avec Marvel Studios qui l’ont rejetée alors qu’elle devait réaliser Thor – Le Monde Des Ténèbres ! Si la critique américaine applaudit déjà Wonder Woman, je me joins à eux pour saluer un film spectaculaire, fun et prometteur. À travers une origin story puissante et aboutie, Patty Jenkins retrace les débuts de Diana Prince dans un film à l’empreinte originale, qui se démarque brillamment de l’univers sombre et nocturne des films du DCEU, en proposant une photographie ensoleillée et une réalisation à couper le souffle. Sans jamais perdre de vue l’identité de son personnage titre, Wonder Woman conjugue la féminité de son héroïne à tous les niveaux, de la découverte de ses terres natales (Themyscira aka Paradise Island) dominée par des femmes battantes, de ses aventures dans le monde moderne qu’elle appréhende avec une naïveté habilement modulée avec des touches d’humour bienvenues et décomplexées et des scènes d’action guerrières et explosives. De la narration au traitement visuel, Wonder Woman capte à la perfection les traits de caractère de son héroïne, faisant de sa sensibilité et de son sexe une véritable force, qui se traduit surtout à travers des scènes de combats fantastiques qui m’ont laissée bouche bée.
Wonder Woman n’a rien à envier à ses acolytes, du Batman bourru et taciturne au Superman qui se cherche entre humanité et responsabilités, au contraire : le film permet de découvrir l’histoire de Diana en même temps que son héroïne, mettant ainsi le spectateur au même niveau. N’en déplaise aux fans inconditionnels des films DC Comics, Wonder Woman s’éloigne drastiquement de l’ambiance trop sérieuse et solennelle des films de Zack Snyder et pour cause : Diana Prince est une héroïne solaire et volontaire, une battante dont le seul tord dans ce film est sa découverte du monde moderne que Patty Jenkins utilise – un peu trop souvent – pour alléger la trame… À travers une découpe en trois chapitres, le film de Patty Jenkins est bercée par un enthousiasme et une admiration communicatifs qui rendent l’ensemble éclatant, oscillant entre de l’action impressionnante mais aussi de l’humour et de l’émotion, sans pour autant virer au ridicule – même quand elle s’extasie sur un bébé ! La réalisatrice soigne son héroïne, lui conférant la grâce et la force qui lui revient, tout en jouant avec la naïveté de l’Amazone, alors qu’elle découvre l’austérité et les inégalités du monde moderne. Ça fait de bien de voir un film qui rend hommage aux femmes tout en acceptant leurs féminités – et les travers qui vont avec – et leurs sensibilités, sans les réduire à des créatures émotives et dépendantes de la volonté des hommes ! Ici, Wonder Woman attire l’admiration et la sympathie, grâce à une adaptation fidèle des débuts de l’héroïne tout en la rendant plus accessible pour ses débuts au cinéma. En effet, si dans les comics, l’héroïne n’en est plus à ses débuts, Patty Jenkins narre de façon crédible la genèse de Wonder Woman, tout en parvenant à l’intégrer dans un cadre plutôt risqué. En effet, il n’est jamais facile de réécrire l’histoire, surtout dans un blockbuster et particulièrement dans un film de super héros. Avec ses faux airs de Captain America – The First Avenger en 2011 – son alter ego masculin et symbolique de Marvel d’ailleurs ! – l’origin story de Wonder Woman se situe également pendant une guerre mondiale, la première cette fois, et réussit à mener une double intrigue de front. Si la guerre semble le terrain idéal pour mettre en scène l’Amazone, le film de Patty Jenkins n’oublie pas le véritable combat de son héroïne : celui de vaincre don propre ennemi afin de sauver son peuple et l’humanité. Entre mythologie et réalité contemporaine, Wonder Woman mêle habilement ses deux univers pour proposer une histoire solide qui assume son pendant fantastique, parfois surréaliste et farfelue dans un ensemble drôle, multiple et conquérant.
D’ailleurs, en parlant d’univers, Wonder Woman en impose également visuellement. Oubliez la Gotham nocturne et pluvieuses, si les rues de Londres ne sont pas plus accueillantes, la photographie et les tableaux proposés par Wonder Woman sont bien plus lumineux que la plupart des films DC / Warner (la saga de Christopher Nolan comprise). De Themyscira jusqu’aux champs de bataille, le film de Patty Jenkins soignent ses décors – quitte à avoir la main lourde coté effets spéciaux – notamment à travers une représentation fabuleuse de Paradise Island qui accueille une des scènes d’actions les plus épiques du film, tandis que les costumes sont remarquables alors qu’ils traverses les genres et les époques. Armures d’amazone, mode féminine du début du 20ème siècle… si je me serais bien passée d’une séquence à la « Pretty Woman » inutile pendant le film, le résultat est convaincant et crédible, tout en respectant le corps des femmes : mini-jupes, oui, mais pas d’exposition salace. Coté action, même si j’émets un petit bémol concernant les affrontements de Wonder Woman qui manquent d’impact visible (on ne la voit pas vraiment porter les coups, seulement l’après coup, par exemple), le film compense grâce à une mise en scène très emphatique, soulignée par des (nombreux) ralentis pour savourer ses effets et surtout grâce une héroïne badass et redoutable capable de mettre KO une armada d’ennemis avec grâce et charisme. L’action est musclée, Wonder Woman ne chipote pas : elle fonce dans le tas et n’a pas besoin d’un homme pour réussir ! Que c’est bon de voir ça !
Cependant, comme dans tout film, celui de Patty Jenkins a ses défauts. Si la première partie conquiert, entre tableaux et actions époustouflantes nichées dans un décor fantastique, le film accuse quelques mauvais points. En tête de liste, les fameux fonds verts bien trop présents sur Themyscira viennent souvent gâcher le réalisme du film, tandis que les slow-motions laissent trahir le remplacement des personnages en numérique (la scène du lasso dans le village…).
Aussi, Wonder Woman joue beaucoup la carte du choc des cultures avec humour et s’attarde un peu trop sur le décalage entre le monde de Diana et la réalité des années 10, avant de connaître un ventre mou un peu flottant tandis que l’héroïne est aspirée dans l’horreur de la guerre. En effet, la seconde partie s’étire pour mieux dresser le contexte du film, mais sa narration pèche à certains endroits, prenant le risque de rendre son personnage titre un poil geignard à certains moments.
Heureusement, Patty Jenkins parvient à redresser la barre avec des coups de boosts salvateurs (l’assaut en plein no man’s land) et des scènes d’action pêchues, avant d’amorcer sa troisième et dernière partie. Là encore, le film souffre d’inégalités : tantôt exceptionnel, tantôt décevant, Wonder Woman propose un affrontement final en-dessous de ses capacités et c’est là le seul moment où l’ombre « Snyder » se fait pesante sur le film, notamment quand on reconnait sa tendance à faire de ses héros des symboles religieux, en priorisant des croyances chrétiennes au lieu de conserver leurs approches mythologiques.
En étant mauvaise langue, on pourrait s’attarder sur ses détails, souligner les actions héroïques de son side-kick (Chris Pine) et les personnages sensés être allemands qui parlent dans un anglais impeccable, mais la vérité c’est que Wonder Woman, en plus de rassurer concernant la possibilité de voir des femmes super-héros dans des standalones movie au cinéma, est une véritable réussite, ambitieux et pleine de panache, qui mérite rapidement une suite. Et à ceux qui pensent que Wonder Woman est trop « Marvel-like » (humour, je dirai qu’à la base ce n’est pas une héroïne nocturne et taciturne (au contraire) et ensuite… et si on admettait le fait que Marvel sait faire de bons films, toute guéguerre mise à part ? La preuve : Wonder Woman déchire.
Au casting : largement critiquée lors de son annonce officielle (moi non plus je n’y croyais pas), Gal Gadot (Fast And Furious 4, 5 et 6, Batman V Superman, Criminal : Un Espion dans la Tête…) assure dans le rôle titre : à la fois sublime, forte et convaincant sans jamais être cantonnée à son physique – alors qu’elle est sacrément sexy ! – l’actrice porte Wonder Woman avec élégance. À ses cotés, Chris Pine (Comancheria, Into The Woods, Comment Tuer Son Boss 2…) joue les side-kicks, apportant l’humour et l’ancre réaliste nécessaire au film. Autour d’eux, gravite un superbe ensemble : chez les femmes, Robin Wright (Everest, House Of Cards…) et Connie Nielsen (Nymphomaniac, 3 Days To Kill…) sont saisissantes et sublimes, Lucy Davis est adorable, tandis qu’Elena Anaya (La Piel Que Habito…) a toutefois du mal à incarner la terrifiante et implacable Dr Poison (ce qui est dommage, pour une fois qu’on a une super méchante dans un film de super-héros* !).
Chez les hommes, on retrouve aussi un panel inégal : si Saïd Taghmaoui (American Bluff, Infiltrator…) et Ewen Bremmer (T2 Trainspotting, Snowpiercer…) font sourire, Danny Huston (Big Eyes, Hitchcock…) et David Thewlis (Macbeth, Regression…) restent convaincants mais finalement accessoires et un chouilla rigides malgré l’importance de leurs rôles.
En conclusion, la femme serait-elle l’avenir du genre super-héroïque qui tourne en boucle depuis quelques temps ? Je dis OUI. Avec une adaptation de Wonder Woman aussi épique, DC et Warner ont regagné ma confiance en attendant Justice League et, surtout, j’ai mon œil braqué sur Marvel Studios et sur la Fox : les films Captain Marvel et X-Men : Dark Phoenix ont intérêt à assurer ! Wonder Woman est assurément une belle réussite : jubilatoire, badass et sublime, l’adaptation de Patty Jenkins vole bien au-dessus de mes attentes et se révèle à la fois surprenant et prometteur. À voir, évidemment.
PS : pas de scène post-générique. 🙂
Pour l’instant, je n’ai fait aucun article spoiler sur les films DC et il n’y en aura pas pour celui-ci non plus. Pourquoi ? En préparant celui de BvS, je me suis rendue compte qu’en dehors de re-raconter le film, il n’y avait rien d’inédit à ajouter en dehors de supposition creuse, et ensuite la version longue était bien plus explicite (du coup je ne l’ai jamais publié). Aujourd’hui, l’univers partagé de DC s’attache à lier et introduire ses personnages sans vraiment poser de billes pour la suite, en tout cas avant de lancer Justice League (tout comme l’a fait le MCU lors de sa Phase 1, finalement). Même si le grand ennemi commun des héros de DC sera évidemment Darkseid (l’équivalent DC de Thanos, pour faire simple) après avoir affronté Loki oups, pardon, Steppenwolf dans le premier volet de Justice League 😀 , chaque film du DCEU se suffit pour l’instant à lui-même et il est encore difficile de savoir si les easter eggs de BvS, par exemple, seront utilisés par la suite ou s’ils n’étaient que là pour nous exciter (comme les « énigmes » *wink wink* taguées sur les murs, là ou Batman et Superman s’affrontent avant de réaliser que leurs mamans ont le même prénom #WHYDIDYOUSAYTHATNAME). Affaire à suivre.
* Je ne compte pas Thalia (Marion Cotillard) dans The Dark Knight Rises pour des raisons évidents de mort stupide à l’écran. Et pis c’était Bane (Tom Hardy) le vrai méchant dans le film, finalement…