Super héros

[CRITIQUE] Madame Web, de SJ Clarkson (sans spoiler)

Le pitch : Cassandra Web est une ambulancière de Manhattan qui serait capable de voir dans le futur. Forcée de faire face à des révélations sur son passé, elle noue une relation avec trois jeunes femmes destinées à un avenir hors du commun… si toutefois elles parviennent à survivre à un présent mortel.

Fraîchement sorti, Madame Web crée la polémique dans les salles, mais malheureusement, ce n’est pas pour de bonnes raisons. Sony Pictures s’agrippe désespérément au monde des super-héros avec ce qu’ils leur restent de la franchise Spider-Man, mais entre deux Venom discutables et le fiasco Morbius, le « Sony’s Marvel Universe » peine à convaincre, oscillant entre le passable et le carrément honteux. Malgré la « super-hero fatigue » et la grève des scénaristes en 2023 qui a chamboulé les calendriers des grands studios concurrents, Sony Pictures persiste avec trois films en 2024, dont Kraven The Hunter et Venom 3, probablement pour éviter la faillite. Et oui, tel est la cruelle vérité sur l’existence de ces films annoncés alors que les super-héros avait encore le vent en poupe. C’est en 2019 que Sony Pictures dévoile son intention de créer un film sur Madame Web, suscitant déjà des interrogations chez les amateurs de comics, en raison de la nature peu accessible du personnage, et cinq ans plus tard, il s’avère que nos craintes étaient finalement infondées, puisque les têtes pensantes autour du film ont préféré faire n’importe quoi !

Le problème n’est pas tant le personnage. Initialement Madame Web, de son vrai nom Cassandra Webb, est un personnage de l’ombre, né paralysé et aveugle, doté de super-pouvoirs de médium supérieur. Et surtout, c’est une vieille dame lorsqu’on la découvre, c’est même la grand-mère de la quatrième Spider-Woman, Charlotte Witter. Pour le film, Sony Pictures décide de réécrire l’origin story du personnage et de faire de gros appels du pied vers le Spiderverse. Jusque là, rien de grave…. c’est dans sa mise en abîme que l’ensemble s’effondre !

Réalisé par SJ Clarkson (Anatomie d’un Scandale, The Defenders, Jessica Jones…), habituée du petit écran, et écrit par beaucoup trop de scénaristes pour un storytelling aussi faiblard, le film part à la rencontre d’une ambulancière new-yorkaise, donc le chemin va la mener sur les traces de trois jeunes femmes et d’un méchant très méchant. À la fois décousu et creux, Madame Web s’éparpille dans un scénario qui tient avec des bouts de ficelles et ne parvient jamais à nous embarquer dans son récit peu maîtrisé. Entre flashbacks et visions du futur, le film appâte avec des extraits de spider-women en action et des allusions aussi subtiles que des poutres apparentes à un certain Peter Parker, sans jamais réussi à générer un quelconque intérêt pour les personnages, puisque le futur entraperçu semble bien plus attrayant que le présent qui évolue sous nos yeux.

En fait, Madame Web donne l’impression d’avoir parié sur le mauvais cheval. Alors que l’héroïne du film s’embarque dans course contre la montre échevelée sans véritable raison, le film aurait probablement plus intéressant s’il s’était plutôt intéressé à l’histoire autour de ses Spider-women. Enfin, futures Spider-women, car c’est également un des problèmes du film : Madame Web ne fait que teaser des super pouvoirs qui n’arrivent jamais. Qui sont ces trois jeunes filles, comment deviennent-elles des Spider-women et pourquoi s’en prennent-elles à ce méchant très méchant ? On ne le saura jamais ! Le film de SJ Clarkson slalome à travers les trous béants de son scénario, balance des personnages accessoires pour faire avancer le plot mais ne prend jamais le temps de rendre l’ensemble cohérent – surtout quand le méchant utilise une technologie bien trop avancée pour 2003 (volée à la NSA qui, visiblement, ne cherche pas à la récupérer).

Et oui, car ce n’est pas tout que de vouloir surfer sur la vague Spider-Man, il faudrait a minima proposer des personnages solides. En dehors d’une araignée à la longévité improbable et des bonhommes perdus au fin fond du Peru qui parlent un anglais impeccable, Madame Web opte pour le service minimum et expéditif pour poser les bases de sa pseudo intrigue, encombrée par des marionnettes aux étiquettes interchangeables et à la profondeur d’un dé à coudre pour Barbie. SJ Clarkson navigue à l’aveugle (sic) de scènes en scènes avec des intentions d’installations toujours plus brouillonnes. Entre placement de produit flagrant pour Pepsi (why ?) et une revisite improbable d’un moment Coyote Girls avec en musique de fond Toxic de Britney Spears, il faudra suivre une Cassandra Webb qui passe son temps à conduire son ambulance comme si elle auditionnait pour le prochain Fast and Furious ! Épuisant.

En bref, rien ne fonctionne. Dès les premières minutes, le film anéantit tout espoir de voir des Spider-women en action en révélant un affrontement final qui n’aura jamais lieu (wtf) – un peu comme le teasing de Rhino dans les toutes dernières minutes de The Amazing Spider-Man 2 alors que cela faisait partie de la promo du film à l’époque ! Madame Web fait l’effet d’un teaser extrêmement long qui s’étire à l’infini (enfin 2 heures) pour espérer vendre une suite, tant le film cumule toutes les allusions possibles à l’univers Spider-Man (détenu par Marvel Studios). Ou alors, l’idée est de donner envie de voir ses Spider-women en action contre les méchants du Sonyverse ?

Malheureusement, le résultat est le même : Madame Web est une succession de scènes désolées qui s’emboîtent avec la conviction d’une poule décapitée, animée par de l’actions anémiée, un méchant très méchant et des adolescentes hurlantes, qui seraient bien plus à leurs places dans un slasher que dans un pseudo film de super-héros.
Je suis souvent restée pantoise devant la vacuité aberrante du film, que j’avais pourtant envie d’apprécier, ne serait-ce que pour son casting. Mais malheureusement, la seule raison pour laquelle Madame Web pourrait rester en mémoire, c’est en s’inscrivant comme un nouvel exemple désastreux de ce qui arrive lorsqu’on essaie de construire un univers en carton avec des personnages secondaires à peine crédible. Si cette fois il ne s’agit pas de méchants faussement devenus gentils pour le besoin d’un scénario bancal, Madame Web reste néanmoins un accident de parcours qui parviendrait presque à détrôner Morbius dans le panthéon des pires films super-héroïques de ces deux dernières décennies.

Au casting, Dakota Johnson (The Lost Daughter, La Voix du Succès, Suspiria…) s’essaie au genre blockbuster sans véritablement y croire (il suffit de voir ses interviews pour comprendre qu’elle ne s’est jamais intéressée à un comic de près ou de loin, même après avoir décroché ce rôle) et parvient tout juste à ne pas rendre son personnage détestable grâce à son naturel nonchalant, qui fait qu’on ne sait jamais si elle se prend au sérieux ou si elle est sarcastique. À ses cotés, Sydney Sweeney (Reality, The White Lotus, Euphoria…), Isabela Merced (Father of the Bride, Apprentis Parents, Sicario : La Guerre des Cartels…) et Celeste O’Connor (SOS Fantômes : L’Héritage, Freaky…) jouent des caricatures de lycéennes à peine crédibles, donc la majeure activité est d’observer ce qui se passe les yeux écarquillés et de courir en criant. Face à elles, Tahar Rahim (Napoleon, Don Juan, Désigné Coupable…) joue les méchants interchangeables et ne parvient pas à nous attacher au cocon vide qui lui sert de personnage.
Dans le fond, des visages connus participent à cette farandole débilitante, dont Adam Scott (Severance, Big Little Lies…), Emma Roberts (American Horror Story, The Hunt…) ou encore Zosia Mamet (Girls, The Flight Attendant…). Et l’expression « un film pour soi et un film pour les impôts studios prend tout son sens »…

En conclusion, malgré une tentative de réinvention du personnage, Madame Web s’effondre dans une mise en abîme décousue et foutraque, animé par un scénario faiblard et des personnages sans âme. Le film de SJ Clarkson illustre la difficulté – que dis-je… l’inutilité de créer un univers autour de personnages secondaires du Spiderverse, en espérant vaguement que Marvel Studios cède à la supplication à peine voilée de faire un crossover. À tenter, pour les plus masos (comme moi).

Ps : pas de scène post-générique, encore heureux !

1 réflexion au sujet de “[CRITIQUE] Madame Web, de SJ Clarkson (sans spoiler)”

  1. Super critique, tu soulève beaucoup de points que je trouve hyper juste par rapport au film avec un vocabulaire varié et beaucoup de sarcasme comme j’aime haha
    Merci à toi 💗

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