
Le pitch : Avec pour toile de fond un monde rétro-futuriste inspiré des années 1960, “ Les 4 Fantastiques : Premiers pas ” de Marvel Studios présente la première Famille Marvel : Reed Richards/M. Fantastique, Sue Storm/La Femme Invisible, Johnny Storm/La Torche Humaine et Ben Grimm/La Chose alors qu’ils affrontent leur plus grand défi.
Une chose est sûre : Les 4 Fantastiques reviennent de loin. Créés dans les années 60, en plein âge d’or de la conquête spatiale, ils ont connu diverses adaptations, des séries animées à deux films signés Tim Story dans les années 2000. En 2015, la Fox tente un reboot pour garder la licence, mais le fiasco du film de Josh Trank enterre (encore) la First Family. Il faudra attendre le rachat de la Fox par Disney pour entrevoir enfin leur retour officiel dans le giron du MCU, aux côtés des Mutants (qu’on attend toujours).
Entamant la fin de la Phase 5 le début de la Phase 6 du MCU, Les 4 Fantastiques – Premiers Pas est un film qui doit tout à la fois ressusciter l’équipe, préparer le terrain pour Avengers : Doomsday, raviver l’intérêt du public après une série de productions Marvel inégales… et tenir tête à Superman et Jurassic World – Renaissance au box-office. Sans oublier un objectif très clairement attendu par les fans : réhabiliter Galactus, après l’affront nuageux qu’a été sa version dans Les 4 Fantastiques et le Surfeur d’Argent (2007) !

Sur le papier, Matt Shakman (WandaVision…) coche toutes les cases. L’esthétique rétro-futuriste façon Terre-828 (à ne pas confondre avec la Terre-838 vue dans Doctor Strange 2) fonctionne à merveille, la direction artistique est maîtrisée, et la bande originale signée Michael Giacchino sublime l’ensemble. Dès l’arrivée de la Surfeuse, puis lors de l’affrontement avec Galactus, le film trouve ses meilleurs moments. Ces séquences et des virées dans l’espace donne une véritable ampleur cosmique et visuellement alléchante, donnant enfin à Galactus la prestance qu’il mérite. Mais en dehors de ces pics, de son approche esthétique singulière et surtout de son contrepoint séduisant à la surenchère numérique des grosses productions hollywoodiennes, Les 4 Fantastiques – Premiers Pas se révèle plutôt sage, linéaire et définitivement trop simple.

Marvel évite l’origin story classique, conserve un certain sens du spectacle mais s’effrite rapidement dans une narration académique qui peine à maintenir de l’émotion et de l’enthousiasme sur la durée. La dynamique d’équipe, pourtant essentielle aux 4 Fantastiques, manque d’épaisseur : les interactions manquent de relief, tandis que la narration reste figée dans un format générique et balisé. Les héros eux-même ne sont pas suffisamment creusés : la bromance entre Ben et Johnny est bien présente, mais discrète, mais cette itération de Reed Richards est plutôt éloigné des abords du génie parfois insensible qu’il peut être dans sa version papier. L’intrigue du film se recentre sur la grossesse de Sue Storm, un choix original mais mal équilibré, qui plombe le rythme après une introduction au souffle épique.

Et pourtant, c’est cette sous-intrigue qui sera la base du récit. Si ce n’est pas pour totalement déplaire, le point faible du film c’est qu’il s’avère un peu, beaucoup, trop simplet. Marvel Studios joue la carte de la sécurité et refuse de prendre le risque de s’éparpiller, en se concentrant sur la menace XXL. Le ton reste sérieux, le déroulé est fonctionnel, cochant doctement les cases attendues… Où est donc passée la légèreté des films Marvel ? En choisissant d’établir cette team familiale dans une Terre alternative où ils sont les seuls super-héros, Les 4 Fantastiques – Premiers Pas est dépouillé de l’esbroufe qu’ont habituellement les films qui introduisent de nouveaux héros dans le MCU depuis la Phase 1 (Doctor Strange, Les Gardiens de la Galaxie, Black Panther, Spider-Man – Homecoming…). Ou peut-être ce sont les accueils glacés qu’ont reçu Les Éternels, The Marvels ou encore le nouveau Captain America – Brave New World qui ont eu raison de l’esprit aventureux des studios Marvel ? Peut-être que la sécurité ultralisse des 4 Fantastiques – Premiers Pas est le cinéma qu’on mérite, après tout…

Mais objectivement, sans forcément regardé en arrière, je pense que le film de Matt Shakman aurait mérité une sous-intrigue supplémentaire, de quoi donner du fil à retordre avec des personnages secondaires plus marqué (l’Homme-Taupe, vraiment ?), pendant qu’ils se préparent pour l’affrontement final. Doctor Strange doit maîtriser la magie et les assauts de Kaecilius avant d’affronter Dormammu ; Black Panther affronte Ulysses Klaue et le secret de son père avant de faire face à Killmonger ; Captain Marvel revient sur Terre et rapièce le puzzle de son passé avant de confronter l’Intelligence Suprême ; Shang-Chi doit retourner chez son père et contrecarrer ses plans avant de détruire l’hôte des Ténébres, Les Éternels doivent se regrouper et partir sur les traces des Deviants, avant de réaliser la vérité sur leur existence et empêcher la destruction de la Terre… et ainsi de suite. Et pourtant, malgré les exemples d’une recette qui a fonctionné à maintes reprises, Les 4 Fantastiques – Premiers Pas se cantonne à un récit basique, là où le manque d’un autre antagoniste complémentaire à l’histoire, quitte à rappeler Les 4 Fantastiques 2 – Le Surfeur d’Argent de Tim Story (2007), créée une forme de frustration face à un film bien en deçà de ce qu’il aurait pu être.
Car le problème est bien là : en tentant d’effacer le souvenir des itérations ratées passées, Marvel livre ici un film qui fait le minimum syndical : visuellement séduisant, thématiquement sage, structurellement trop prudent et manquant de rythme. À vouloir rassurer son public, Les 4 Fantastiques – Premiers Pas en oublie de l’enthousiasmer. C’est un film qui fonctionne sur le papier, mais dont l’exécution manque d’âme et d’audace. Je dois l’avouer, c’est bien la première fois que je m’ennuie devant un film du MCU (alors qu’Ant-Man – Quantumania existe…) !

Heureusement, tout n’est pas à jeter. De la simplicité nait la qualité : Matt Shakman signe un film visuellement rafraîchissant, porté par une esthétique rétro maîtrisée qui rend un bel hommage aux planches des comics. Certaines scènes, notamment celles dans l’espace, révèlent une vraie ambition visuelle, avec des élans de mise en scène inspirés. L’arrivée de Galactus — enfin traité avec la grandeur qu’il mérite — redonne au film un souffle bienvenu, confrontant la petite équipe à une menace titanesque sans perdre de vue l’esprit de famille et d’équipe qui caractérise les 4 Fantastiques (là où il a fallu toute une armée pour vaincre Thanos).
Sans sombrer dans le technoblabla ni les cours de physique-chimie tout droit sortis du collège (*lorgne du coté de Tim Story*), le film parvient à exploiter les compétences des héros sans lourdeur, et s’offre même quelques moments d’élégance dans l’écriture. Si tout ne convainc pas, Les 4 Fantastiques – Premiers Pas a le mérite de proposer un spectacle grand public, accessible et familial. Matt Shakman livre un divertissement calibré, qui pourrait bien trouver son public… malgré ses limites.

Bref, l’honneur est sauf (le film ne fait pas pire que la version de 2015 !) mais peut-on parler de victoire pour autant ? Pas vraiment. Dans un MCU en perte de souffle, ces retrouvailles attendues avec les 4 Fantastiques, juste avant Avengers – Doomsday, laisse un arrière-goût d’inachevé. En moins de deux heures, difficile de tenir toutes les promesses. Et c’est là que le bât blesse, Les 4 Fantastiques – Premiers Pas aurait pu éviter ce récit trop balisé, réduit à une opposition classique entre gentils et grand méchant cosmique. En 2025, après plus d’une décennie de saga super-héroïque, on était en droit d’attendre mieux.
En plus, Les 4 Fantastiques – Premiers Pas ne répond à aucune question quant à son intégration dans le récit du MCU (cf. scène post-générique de Thunderbolts*). Fantastic Bof.

Au casting, difficile de ne pas jouer aux jeux des comparaisons entre la version Tim Story et celle-ci (sauf peut-être la performance de Jessica Alba) : Pedro Pascal (The Last of Us, The Materialists, Eddington…), décidément incontournable, passe après Ioan Gruffudd et propose un Reed Richards un peu tiède, Joseph Quinn (Gladiator 2, Sans Un Bruit : Jour 1, Stranger Things…) parait plutôt sage pour une tête brûlée et j’aurai aimé qu’Ebon Moss-Bachrach (The Bear, Andor, Le Challenge…), décidément toujours aux fournaux, puisse incarné une Chose un poil plus massive, avec une voix plus marquante. Seule Vanessa Kirby (Mission Impossible : The Final Reckoning, Napoléon, The Crown…) est parfaite en Sue Storm, même si, comme beaucoup, je pense qu’elle aurait fait une meilleure Emma Frost.

Face à eux, on devine les traits et la voix caverneuse de Ralph Ineson (Nosferatu, La Malédiction : L’Origine, The Creator…) dans le rôle du géant Galactus, tandis que Julia Garner (Wolf Man, Inventing Anna…) n’est pas vraiment mémorable même si son personnage anime plusieurs scènes réussies dans le film.
À l’affiche également, on retrouve plusieurs seconds couteaux par-ci par-là, comme Paul Walter Hauser (Moi, Tonya, Cruella…), Natasha Lyonne (Glass Onion, Ses Trois Filles…), Sarah Niles (F1 Le Film, Ted Lasso…) ou encore Mark Gatiss (Mission Impossible : The Final Reckoning, Le Problème à Trois Corps…).

En conclusion, Matt Shakman signe le retour de la famille super-héroïques dans un film visuellement élégant, qui coche sagement toutes les bonnes cases, y compris celle de rendre à Galactus l’immensité qui lui revient. Ceci dit, Les 4 Fantastiques – Premiers Pas se démarque surtout par son absence de prise de risque et une approche trop lisse et linéaire. Le film manque de souffle et du panache habituel des studios, ne parvenant pas à faire de l’introduction de ces figures majeures du giron Marvel un acte mémorable pile avant un Avengers – Doomsday à la production de plus en plus inquiétante. À voir.

PS : il y a deux scènes bonus, une mid-générique et une à la toute fin. On en reparle bientôt.
