Épouvante-horreur, Thriller

[CRITIQUE] Esther 2 : Les Origines, de William Brent Bell

Le pitch : Esther revient ! La saga terrifiante se poursuit dans cette préquelle palpitante. Après avoir orchestré une brillante évasion d’un établissement psychiatrique, Esther se rend en Amérique en se faisant passer pour la fille disparue d’une famille aisée. Mais, face à une mère prête à tout pour protéger sa famille, son plan va prendre une tournure inattendue. Il vous reste beaucoup de choses à découvrir sur Esther…

En 2009, Jaume Collet-Serra (Jungle Cruise, The Passenger, Instinct de Survie…) épatait avec un thriller d’horreur au twist plutôt efficace, Esther, où une femme atteinte d’une forme pratique de nanisme se faisait passer pour une enfant, avant de semer la terreur dans sa famille d’adoption parce qu’elle voulait garder le papa pour elle toute seule. Inspiré par une histoire vraie (l’affaire de Kuřim, en 2007), le film a connu un certain succès au box-officemais restait, à l’époque, un one-shot. Mais ça, c’était avant.
En 2020, Paramount fouille au fond de ses tiroirs et annonce un nouveau film Esther, une préquelle cette fois, réalisé par William Brent Bell – oui oui, celui qui a réussi à saccager le concept simple de The Boy pour en faire une suite incohérente et ratée. Si cette dernière info n’est déjà pas bon signe, il faut aussi prendre en compte que l’actrice principale, Isabelle Furhman, a beau être relativement fluette, elle avait douze ans à l’époque, ce qui rendait le subterfuge crédible. Mais notre cher Willy, ce génie, et son coordinateur des effets spéciaux étaient bien décidés à masquer habilement l’apparence de l’actrice : quelques doublures enfants, des plans pris au ras du sol (avec une passion étrange pour les rats), du numérique sur le visage de l’actrice, un décor surélevé… et le tour est joué pour faire croire que notre chère Esther n’a pas bougé d’un iota. Cela aurait pu marcher, comme le coup des meubles mis plus haut pour renforcer la perspective sur la taille d’Esther, car ce sont des méthodes old school qui ont valu à des films nés bien avant le numérique d’être toujours crédibles, avec une certaine indulgence, de nos jours. Et pourtant, sans surprise, Esther 2 : Les Origines est un ratage complet.

Entre une ouverture floue en Estonie, pays notoirement connue pour ses habitants qui parlent anglais n’est-ce pas, et un prétexte encore plus foutraque pour précipiter l’arrivée d’Esther dans sa nouvelle famille, le film de William Brent Bell se repose sur un scénario approximatif, cousus de fils blancs et de détours aussi incohérents qu’improbables. Je ne parle pas du fait qu’une famille accueille une enfant sans reconnaître que ce n’est pas la leur : de nombreux faits divers existent sur des cas similaires de gens se faisant passer pour des enfants disparus. Et inutile de mentionner des empreintes ADN : tant que vous n’êtes pas fiché, il n’y a rien a comparer (alors peut-être que les parents auraient pu fournir des cheveux, par exemple mais bon… visiblement, rien n’a été fait en ce sens). En fait, si on veut rester réaliste pour une histoire se passant en 2007, une simple visite chez un médecin généraliste aurait suffi à griller la couverture d' »Esther ». Mais soit, il faut de tout pour faire un film (non), faisons semblant d’y croire… Ce qui s’avère très compliqué puisque la plupart des personnages se comportent de façon illogique, ayant toujours un regard soupçonneux sur la petite fille, sans, a priori, aucune raison valable. William Brent Bell tente de brouiller les pistes en faisant planer un doute inconstant aussi bien autour des intentions de son personnage central, que sur un entourage étrangement sceptique.

Comme pour The Boy : La Malédiction de Brahms, le réalisateur va changer les règles du jeu et inverser les rôles en plein milieu du film à travers un twist assez surprenant, qui réveille un peu l’intérêt. Les rapports de force s’inversent et le pouvoir change de camp alors qu’Esther 2 : Les Origines semblent reprendre du poil de la bête. Mais encore une fois, le scénario est rattrapé par son manque de cohérence et le twist, au lieu de renforcer l’intrigue, ne fait qu’aggraver la stupidité de la première partie du film. En voulant absolument faire son film, le réalisateur s’embourbe dans une série de prétextes qui auraient largement pu être éviter ou contourner, ce qui rend l’ensemble toujours plus agaçant. Au lieu de frissonner devant les reveals, j’étais bien plus perturbée par la bêtise des personnages et la pauvreté de la réalisation.

Partagée entre mon affection pour le premier film et ma curiosité de voir ce nouvel opus, je n’attendais pas grand chose de ce Esther 2 : Les Origines en réalité, je n’ai donc pas vraiment été surprise d’en constater la pauvreté générale. Le scénario est risible, truffés de facilités d’installations pour parvenir à ses fins – quand il n’essaie pas de valider la pédophilie au passage – et trop incohérent pour créer de la sympathie pour les personnages. L’évolution de l’intrigue ne fait qu’essayer de justifier chaque décision de ses personnages, ignorant les creux béants que celles-ci causent.
Visuellement, ce n’est pas génial non plus : beaucoup de scènes nocturnes illisibles et les stratagèmes utilisées pour faire croire à la taille enfantine d’Esther sont trop visibles et souvent grotesques. Pire, le final prévisible est expédié à la hâte pour coller au premier film Esther (et c’est finalement pas plus mal que Jaume Collet-Serra n’ait pas gardé la fin alternative). Du numérique vraiment laid tentera d’instaurer une conclusion grandiose, mais ne parviendra qu’à donner un résultat risible, comme un point final qui enfonce le clou. D’ailleurs, n’essayez pas de vous balader au milieu de flammes qui brûlent en moyenne à 1500°C : si la fumée ne vous a pas terrassé d’emblée, le corps humain cuit en commençant par les yeux qui fondent.

Au casting : Isabelle Furhman (Escape Game 2, Master of Sex, After Earth…), et ses treize ans de plus, reprend du service et maintenant que son stratagème est révélé, son personnage perd en crédibilité, même si son attitude reste toujours un poil inquiétante. Autour d’elle, Julia Stiles (Queens, Riviera, Jason Bourne…) participe au malaise volontaire, mais est victime de l’écriture pauvrette du film en entier, tout comme Matthew Finlan (My Fake Boyfriend, L’Emprise du Vice…) dont le rôle est totalement improbable. De son coté, Rossif Sutherland (Possessor, Guest of Honour…) admire le paysage, tandis que Hiro Kanagawa (Godzilla, Altered Carbon…), comme souvent, n’apporte pas grand chose à cette tambouille mal fagotée.

En conclusion, malgré de rares bonnes idées et un twist qui aurait pu rehausser le niveau, le nouveau film de William Brent Bell est, comme le précédent, une pataugeoire à idées qui ont été repêchées à l’aveugle et ficelées ensemble pourvu que ça fonctionne. Ce n’est pas le cas. À éviter.

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