
Le pitch : Quelques années après les événements sur le vaisseau Nostromo, un groupe de jeunes colons de l’espace travaillent en tant que mineurs dans l’espoir de rejoindre une autre planète verdoyante. Un des membres propose d’utiliser une station spatiale abandonnée en orbite autour de la planète dans le but de voyager eux-mêmes vers cette planète. Cependant, ils se retrouvent face-à-face avec la forme de vie la plus terrifiante de l’univers alors qu’ils fouillent les profondeurs de cette station…
Alien, Le Huitième Passager de Ridley Scott (1979) est mon film préféré de tous les temps. Je voue un culte au xénomorphe et à la quadrilogie dont je pardonne les quelques défauts. Si j’ai accepté Prometheus comme étant un film indépendant réussi (minus les 3 dernières minutes) et que je tente de pardonner Covenant pour le mal qu’il m’a fait, j’ai toujours frémi à l’annonce de nouveaux projets autour d’Alien, qu’il s’agisse de série ou du projet avorté de Neill Blomkamp. Alors forcément, quand celui de Fede Alvarez a été validé, j’ai tremblé : Papa Scott n’a pas complètement réussi à nous embarquer dans sa nouvelle prélogie et Hollywood a tendance à faire des remakes sans saveur, qui vont se précipiter vers l’action pour séduire la jeune génération. Mais Fede Alvarez (Evil Dead, Don’t Breathe, Millénium : Ce Qui Ne Me Tue Pas…) rassure les fans, en disant qu’il est un “TAP boy” (entendez fan de Terminator, Alien et Predator) et promet un film qui plaira aussi bien aux fans, qu’à ceux qui découvriront la saga. Le réalisateur uruguayen a confié avoir consulté Ridley Scott et James Cameron lors de la production du film, tant il a délibérément choisi de se rapprocher de la structure narrative et visuelle de leurs films. Un film de fan, fait par un fan pour les fans, donc. Soit. J’ai tout de même fait l’autruche devant les bandes-annonces, suis partie en vacances au moment de la sortie et à mon retour, j’ai foncé en salles.

Et j’ai été SOULAGÉE !
D’abord j’ai été soulagée de voir à quel point Alien : Romulus s’inspire et rend hommage à la quadrilogie sans les annuler, faisant même un lien avec le film Prometheus. Toute la direction artistiques retrouvent la saveur des films originaux : bien que l’histoire se situe dans le futur (en 2142, soit 20 ans après les événements du premier Alien et 37 ans avant ceux d’Aliens), la technologie semble toujours sortir tout droit des années 70-80, tandis que le décor reprenne une ambiance à la fois industrielle et sombre qui accentue toujours le huis-clos oppressant des films Alien. Pour ceux qui connaissaient bien la saga, on pourrait même découper le film pour reconnaître à quel film cette partie du film fait référence (même si en réalité, c’est assez linéaire). De la naissance du xénomorphe qui rappelle le premier Alien jusqu’au dernier acte qui questionne la matrice humaine comme dans Alien Résurrection, Fede Alvarez ne manque pas de faire d’énormes clins d’œil et autres appels du pied à la quadrilogie, à travers une micro installation militaire ou la revisite d’un certain baiser mortel.

Ensuite, j’ai aimé la façon dont le xénomorphe et toutes ses étapes sont représentées. Fede Alvarez ajoute quelques nouveautés (comme le cocon), mais conserve la seconde lecture autour de la maternité et la matrice (de la fécondation à la naissance) et de la symbolique du prédateur (sexuel). Alien : Romulus donne suffisamment d’espace au lore de sa créature et des films pour exister et évite soigneusement les pièges de la précipitation, ce qui contribue à installer une tension et un suspens savoureux, même quand le spectateur sait très bien ce qu’il va se passer. Fede Alvarez sait prendre son temps, à l’image des deux premiers films, Alien et Aliens, pour installer ses personnages puis amener le xénormorphe. Et même une fois arrivée à ce stade, le film se retient de céder à la carte du slasher pour en mettre plein la vue et installe le jeu du chat et de la souris qui a fait le succès des premiers film. Insidieuse et alarmante, la traque vers les humains joue avec les nerfs du spectateurs, tout en gardant un regard mi-admiratif mi-terrifié quand il s’agit de montrer les fameux crocs du (ou des) xénomorphe(s). Une lenteur que j’ai appréciée, là où Papa Scott avait cédé aux sirènes de la hâte et de la précipitation dans Alien : Covenant, en montrant des aliens brutaux et sanguinaires, comme s’ils s’agissaient de simples bêtes enragées (pffff !). Avec Alien : Romulus, le spectateur continue d’osciller entre les deux camps : on a envie que certains personnages s’en sortent et en même temps que le ou les créature(s) les attrape(nt).

Là où Alien : Romulus m’a véritablement conquise, c’est dans la manière dont Fede Alvarez s’approprie les codes iconiques de la saga, tout en y insufflant une énergie nouvelle. Là où Ridley Scott se penchait sur les mystères des Ingénieurs et les origines de l’humanité, et où Neill Blomkamp espérait reprendre le flambeau après Aliens en écartant les suites, Alvarez opte pour un soft reboot (ou « remoot », si l’on ose dire) qui s’intègre harmonieusement dans l’univers visuel de la série. Cette approche permet de satisfaire les aficionados de la première heure, tout en captant l’attention d’un public plus jeune, les invitant potentiellement à découvrir la saga originale, pourquoi pas Prometheus et Covenant (mais c’est tout !) La réalisation d’Alvarez se distingue par une maîtrise impressionnante de son espace et rend hommage à l’esthétique sombre et industrielle des films originaux tout en la modernisant. Les jeux de lumière, subtilement orchestrés à l’intérieur des vaisseaux aux recoins obscurs, évoquent l’atmosphère oppressante des premiers opus. Ces éclairages, mêlés à des mouvements de caméra qui magnifient chaque sursaut d’action, créent une tension palpable, une danse macabre entre l’ombre et la lumière qui fait monter l’adrénaline. Et bien sûr, le thème musical d’Alien, parfois revisité, ajoute la touche finale à ce voyage en terrain connu.
Certaines scènes, tantôt inédites, tantôt de délicieuses références aux œuvres passées, atteignent un niveau de perfection visuelle qui force le respect. Prenons par exemple l’intensité quasi insoutenable de la scène de l’ascenseur : une véritable leçon de suspense, où chaque plan est pensé pour nous faire frissonner jusqu’à la moelle.

Indépendamment de mon fangirling autour d’Alien, j’ai trouvé qu’Alien : Romulus est un film solide. Si j’ai été surprise par la jeunesse des protagonistes, j’ai aimé leurs installation et surtout l’impression de familiarité qu’on y retrouve, sans que cela fasse redite. L’ensemble est convaincant et repose sur une écriture solide, qui évite les travers des films d’horreurs bâclés, à travers une héroïne qui – pour une fois – ne joue pas les Ripley de substitution, et des enjeux de survie accessibles.
Soulagée est donc le bon mot pour correspondre à ce que j’ai pu ressentir en voyant qu’Alien : Romulus n’était pas un énorme fiasco. Cependant je peux comprendre les autres avis déplorant le fan service, mais en même temps… quand un réalisateur tente de réinventer la choucroute, on a vu ce que ça a donné dans le passé. Même en se reposant sur une saga réussie, le travail de Fede Alvarez était loin d’être simple. Comme l’ont prouvé de nombreux remakes / reboot / remoot, il ne suffit pas de reprendre les ingrédients d’une recette qui a marché pour qu’un nouveau film fonctionne. Alien : Romulus se repose largement sur une base solide, oui, mais s’autorise également à réinventer certains aspects pour rendre l’ensemble plus flippant. Car oui, cet opus assume pleinement son pendant horrifique en proposant des moments de tensions et d’angoisse savamment dosés. De la présence des xénomorphes à l’instabilité d’un certain humanoïde, le film pullule d’idées ingénieuses pour réjouir les amateurs du genre, sans dénaturer l’ADN de la saga.

Cependant, en étant un poil objective, Alien : Romulus n’est pas exempt de couacs. Si les plus jeunes auront du mal à patienter 40 minutes avant de voir un bout de “chestbuster”, le vrai souci du film, pour moi, réside dans un dernier acte qui a bien du mal à se fixer dans la temporalité qu’il s’est imposé (à cause du décompte), ce qui rend quelques scènes expédiées totalement improbables (une certaine grimpette impossible à faire à 10 secondes). De plus, j’aurai personnellement préféré que le xénomorphe reste au centre du récit jusqu’au bout. Même si les dernières minutes offrent du frisson, j’ai eu l’impression que l’histoire sortait du cadre.

Au casting : Cailee Spaeny (Civil War, Priscilla, The Craft : Les Nouvelles Sorcières…), en tête d’affiche, se distingue par une interprétation nuancée, réussissant à se démarquer des nombreuses héroïnes qui ont tenté de succéder à Ripley. À ces cotés, impossible de passer à coté de David Jonsson (Industry, Toi et Moi ?…) qui, à ma grande surprise, est la révélation du film grâce à une interprétation saisissante et conquérante. Autour du duo, Isabela Merced (Madame Web, Sicario : La Guerre des Cartels, Transformers : The Last Knight…) continue d’enchaîner les blockbusters, tandis qu’Archie Renaux (Shadow and Bone, Morbius…), Spike Fearn (Aftersun…) et Aileen Wu complètent un ensemble homogène et convaincant. Notons également Daniel Betts au casting qui portera le visage en CGI d’Ian Holm.
En conclusion, Alien : Romulus est une réussite. Fede Alvarez parvient à ressusciter (huhu) l’esprit de la saga tout en apportant une touche personnelle qui renouvelle intelligemment le mythe. Si quelques faiblesses subsistent, notamment dans un dernier acte un peu précipité, le film reste un ajout solide à l’univers Alien. Pour les fans de longue date comme pour les nouveaux venus, Alien : Romulus offre une revisite tendue et maîtrisée, à la hauteur de son illustre héritage. À voir, évidemment.

