Monstre sacré de la fin des années 80 (après Alien), The Predator revient pour une nouvelle partie de chasse à l’homme sous la houlette défaillante d’un Shane Black un peu paumé entre l’hommage un peu foireux et le conceptuel bâclé. Étrangement, l’ensemble n’est pas déplaisant : si on met de coté le film original de John McTiernan, The Predator possède un je-ne-sais-quoi complètement foutraque et en roue libre qui, entre ses personnages qui oscillent du loufoque au succédané moderne de la team Schwarzy et le spectacle graphique et sanglant, parvient à capter l’attention. Globalement, c’est du grand n’importe quoi qui, personnellement, m’a fait beaucoup rire amusée. Comment ça, ce n’était pas le but ?
Le pitch : Les pires prédateurs de l’univers sont maintenant plus forts et plus intelligents que jamais, ils se sont génétiquement perfectionnés grâce à l’ADN d’autres espèces. Alors qu’un jeune garçon devient accidentellement leur cible, seul un équipage hétéroclite d’anciens soldats et un professeur de science contestataire (???) peuvent empêcher l’extinction de la race humaine.
Peu avant 1987, John McTiernan, un jeune réalisateur à peine repéré après son premier film méconnu, voit la chance lui sourire lorsqu’Arnold Schwarzenegger, superstar des films d’actions de l’époque, le choisit pour réaliser Predator, premier du nom. Arrivé à point nommé dans une ére guerrière où les héros super virils faisaient rage (type Commando, Rambo ou encore Conan Le Barbare), Predator a su séduire un large public en proposant un film qui mêlait chasse à l’homme et fibre fantastique, à travers un vilain effrayant, sanguinaire et visiblement venu d’ailleurs. Véritable survival singulier, Predator offrait un face-à-face nerveux (et transpirant :D), original grâce à une menace inexpliquée mais redoutable, qui a certes un peu mal vieilli mais conserve impeccablement le panache badass des bonhommes des années 80 (ce bras de fer majestueux au début du film restera gravé à tout jamais dans les annales du cinéma).
La suite, on la connait : John McTiernan est devenu un réalisateur reconnu et Predator, la pierre angulaire d’une saga culte. Une saga qui connait des suites difficiles : si Predator 2 (1990) avait eu la bonne idée de quitter la jungle littérale pour transposer son personnage dans une jungle plus urbaine, il aura fallu attendre 2010 (et subir un crossover innommable au passage) pour revoir le monstre aux rastas et à la dentition improbable sur grand écran. Malheureusement, la version de Robert Rodriguez rate le coche en proposant une resucée du film de John McTiernan, portée par un Adrian Brody qui, malgré ses efforts et une voix très caverneuse, n’avait rien d’un Arnold Schwarzenegger.
Huit ans plus tard, c’est donc Shane Black qui propose sa vision pour un nouvel opus de Predator qui choisit de rebooter la saga. Un clin d’œil sympathique étant donné que le réalisateur avait fait ses débuts devant la caméra dans… Predator ! Plébiscité pour Kiss Kiss Bang Bang et le plus récent The Nice Guys – un peu moins pour Iron Man 3, Shane Black portait les espoirs de plusieurs générations à travers ce projet de reboot. Mais voilà, scandale autour du film mis à part, dès les premières minutes, on comprend que The Predator va partir en vrille total.
Oubliez le concept original, ou presque. Si le premier opus proposait une menace inconnue, The Predator cherche à tout prix à comprendre et à expliquer l’existence de cette bestiole à dreadlocks. Un choix qui aurait pu être intéressant, si l’ensemble n’était pas un condensé d’idées et d’intentions sans queue ni tête. Démarrage en mode Star Wars, enchaînement avec des mercenaires en pleine jungle, bifurcation vers de l’action SF avec des tripes à l’air… En quelques minutes, Shane Black donne le tournis en traversant toutes les facettes du Predator pour installer une trame qui, certes, s’annonce virulente, mais manque déjà de cohérence (envoyé un colis blindé d’armes extraterrestres à sa famille ? C’est toujours une bonne idée !).
Commençons par le positif : si The Predator m’a fait délirer, c’est parce que le film ne suit aucune règle ! Les personnages sont aussi caricaturaux qu’imprévisibles, ce qui fait osciller les échanges entre la lourdeur de vannes péquenaudes à des touches d’humour perspicaces et salvatrices. Bargeots sur les bords, Shane Black se fait porte parole des têtes brûlées (ou chiens de la casse) et finalement, c’est bien normal : il faut bien avoir un grain pour se lancer à la poursuite d’un Predator. Ajoutons à cela une tendance à l violence qui frôle parfois le gore horrifique ; malgré des scènes parfois illisibles, l’action parvient à tâcher l’écran de touches d’hémoglobines bien ragoutantes et sympathiques qui rendent la menace plus saisissante.
Là où le film dérape, c’est que justement, à force de ne suivre aucune règle, The Predator part dans tous les sens. L’intrigue cherche encore et toujours à personnifier ce monstre iconique, pour le démarquer du guerrier sanguinaire (why ?) et donner une raison (au public ?) d’être de son coté. Pire, le délire grossit avec l’arrivée d’un antagoniste de taille qui semble tout droit sorti du même moule que Steppenwolf, tant les effets spéciaux piquent les yeux. L’aventure continue avec un scénario plus ou moins prévisible qui accumulent illogismes et raccourcis fastoches, qui vont transformer la majeure partie des scènes d’actions en un joyeux bordel explosif à la veine vaguement irrévérencieuse, comme si Deadpool (encore lui) s’était invité à la fête. Plus le film avance, plus The Predator perd en crédibilité à travers des effets médiocres et des pirouettes de mises en scène qui permettent aux personnages de se téléporter pile au bon moment. Malgré ses grosses ficelles, le film prend des virages parfois tellement improbables que, pendant un moment, j’ai eu peur de voir débarquer un Predalien ! (Mais non, ouf !)
Difficile de voir The Predator comme une suite ou un épisode de la franchise lancée par John McTiernan, tant le film de Shane Black crée son propre univers autour du Predator. Quelques clins d’œil et références au film original viennent rappeler les racines du film ou jouer sur la vague extraterrestre (E.T. ?!), tandis que l’ensemble vivote entre l’action hero de série B et le crapahutage rétro dans la jungle pour conserver un minimum d’ADN – minimum qui sera pulvérisé dans la scène finale, je vous l’annonce de suite.
Éparpillé, bordélique et en même temps plein de bons sentiments, The Predator est un point d’interrogation qui m’a laissé perplexe et goguenarde, d’une part parce que je ne peux pas nier m’être amusée devant ce spectacle en roue libre qui jongle entre les genres avec la délicatesse d’un pachyderme sous acide, et, d’autre part parce que de Predator, le film n’en a que le nom et de vagues apparences. Nombreuses sont les questions qui restent en suspens à la fin du film et, vu la conclusion – visiblement reshootée bien après le tournage hum hum – je ne suis pas mecha méga sûre d’avoir envie de découvrir les réponses…
Au casting : à la tête d’un ensemble très masculin, on retrouve Boyd Holbrook (Logan, Narcos, Gone Girl...) qui malgré s’en sort plutôt bien en boy-scout déguisé en mercenaire. Il se fait cependant voler la vedette par Sterling K. Brown (This Is Us, Black Panther…), très bon en méchant opportuniste, et Trevante Rhodes (Moonlight, Horse Soldier...), génial en side-kick avec un sacré pet au casque. Autour d’eux, Olivia Munn (Joyeux Bordel !, X-Men : Apocalypse, Zoolander 2…) échappe au sort généralement réservé aux rares rôles féminins dans la saga en incarnant un personnage finalement fortiche – et exempt de toute sous-intrigue romantique, ce qui est pas mal. Keegan-Michael Key (Pitch Perfect 2…), Alfie Allen (Game of Thrones...), Augusto Aguilera (Grey’s Anatomy...) et Thomas Jane (The Expanse...) complètent un ensemble éclectique, tandis que Jacob Tremblay (Room, Oppression, Wonder...) se trouve une place discutable dans l’intrigue.
En conclusion, Shane Black tente de réinventer The Predator en créant une tambouille incompréhensible et piqué de défauts : scénario prévisible, traitement truffé d’incohérences, mise en scène impersonnelle, effets spéciaux moyens… Voilà qui devrait fortement fâcher les fans de la saga. Et pourtant, derrière ce gloubi-boulga explosé, j’ai passé un moment aussi déconcertant que fun avec une bande de personnages farfelus étonnamment hyper attachants et qui donnent beaucoup de peps à un ensemble qui, sans ce grain de folie salutaire, aurait été une véritable catastrophe. The Predator n’est clairement ce à quoi on s’attendait et, en même temps, ne ressemble à rien de ce qu’on aurait pu en attendre. À voir, pourquoi pas !