
Le pitch : Nos vies sont la somme de nos choix. Suite du film Mission: Impossible – Dead Reckoning.
Près de deux ans après le dernier opus et un changement de nom plus tard, Tom Cruise et Christopher McQuarrie dévoilent enfin le dernier opus de la saga Mission: Impossible. Le film reprend directement après la fin de Dead Reckoning avant de nous lancer dans une course contre la montre effrénée, spectaculaire et haletante de presque 3 heures !
À ce stade, la franchise n’a plus rien à prouver côté action : les cascades sont toujours plus folles, les poursuites millimétrées, la tension constante et les poumons de Tom Cruise sont d’une autre planète ! Mais il faut bien l’admettre, les enjeux se densifient au fil des épisodes, et ce huitième film ne fait pas dans la facilité. La menace, aussi invisible que redoutable, s’inscrit dans une complexité qui reflète parfaitement les dérives technologiques de notre époque, mais qui rend finalement l’histoire un poil trop compliquée.

En effet, il y a presque trente ans, les premiers films Mission: Impossible revisitaient les classiques du film d’espionnage, rappelant l’univers de la série des années 1980 : agent désavoué et liste de noms perdue en 1996, virus mortel entre les mains d’une doublure psychopathe en 2000, une mystérieuse “patte de lapin” égarée en 2006, l’agence discréditée par un attentat en 2011 puis le mystérieux Syndicat sur les opus Rogue Nation (2015) et Fallout (2018)… Autant dire qu’Ethan Hunt n’a jamais vraiment eu le temps de souffler, toujours prêt à tout sacrifier pour sauver le monde, quitte à y laisser quelques plumes.
Avec Dead Reckoning, la saga opérait un virage plus contemporain en s’attaquant à l’intelligence artificielle, menace diffuse, insaisissable, et terriblement d’actualité. Présenté comme le premier chapitre d’un diptyque final, le film portait haut les ambitions de la franchise : spectacle total, adrénaline à chaque scène, et un Tom Cruise toujours au sommet de son art, prêt à défier la gravité pour le plaisir du public.

Et ça continue avec ce fameux Mission: Impossible – The Final Reckoning : Tom Cruise continue de bondir de situations extrêmes en situations extrêmes à travers la planète. Sur terre, dans les airs ou sous l’eau, l’inarrêtable Ethan Hunt et son équipe portent le poids d’un monde sur le déclin. La tension est permanente et, malgré la durée du film, le rythme soutenu permet de rester en alerte. Plusieurs scènes sont à couper le souffle, tant on considère à la fois la performance de l’acteur principal (qui joue quand même avec le feu, faut l’avouer) et les enjeux de l’histoire. D’ailleurs, si depuis le 4e volet, Protocole Fantôme, les films avaient pris l’habitude de bien plus mettre en avant l’esprit d’équipe des personnages, jusqu’à recruter un nouveau -love interest- membre dans le dernier opus, Mission: Impossible – The Final Reckoning revient à la source en mettant Tom “Ethan Hunt” Cruise sur le devant de la scène, telle une figure héroïque quasi-mythologique, seul contre tous, hanté par les responsabilités et les sacrifices.

Cette fois, plus question de faire semblant : Mission: Impossible est devenu l’œuvre-somme de Tom Cruise, son Graal, son testament cinématographique. Ethan Hunt n’est plus seulement un agent secret, il est érigé en figure quasi messianique, invincible, inébranlable, et surtout indispensable à la survie de l’humanité. Dès son ouverture, le film signé Christopher McQuarrie déroule une véritable ode à son héros : récapitulatif de carrière, emphase dramatique, regards appuyés… Tout est fait pour rappeler que seul Ethan Hunt / Tom Cruise peut endosser ce rôle… Et c’est un peu trop.

Difficile de ne pas repenser à l’anomalie Mission: Impossible 2, dirigée (plus ou moins) par John Woo, où Tom Cruise, jeune fringant et avide de reconnaissance dans le registre action, avait pris le contrôle du montage final et insisté pour effectuer lui-même toutes les cascades, quitte à gruger son assurance. Résultat : un film devenu vitrine à ego, où l’intrigue servait surtout de prétexte à une démonstration de force un brin excessive.
Vingt-cinq ans plus tard, Tom Cruise a passé la soixantaine, mais la logique reste la même : prouver qu’il est encore capable, toujours au sommet, prêt à tutoyer la mort pour notre pur plaisir de spectateur. Et même si l’on ne remet pas en cause l’impressionnante maîtrise de certaines séquences, spectaculaires, vertigineuses et tout adjectif dithyrambique similaire, on peut se demander si toutes sont réellement justifiées narrativement. Ce culte de la performance ne finit-il pas par phagocyter le film, le transformer en temple dédié à une seule idole, au détriment parfois de la tension, de l’équilibre ou même de l’émotion ? La question mérite d’être posée.

En parallèle, pendant que Tom Cruise s’envole dans les airs ou s’enfoncent dans les eaux glacées, il faut bien avoir quelques choses à raconter. C’est là que le scénario d’Erik Jendresen montre ses limites : sur le papier, l’affaire est simple : neutraliser une IA devenue consciente et dangereuse, mais à l’écran, le pitch se transforme en labyrinthe. Pour y parvenir, Mission: Impossible – The Final Reckoning choisit un chemin alambiqué pour cocher toutes les cases de la franchise. Pour être honnête, j’ai été perdue en cours de route, tant le film nous abreuve d’infos au réalisme et à la tangibilité discutable (une clé 5D ? c’est à dire ???).
Définitivement, la trame reste suffisamment punchy pour nous tenir en haleine et l’univers parait toujours bien construit, surtout comparé à certains blockbusters qui zappent l’écriture pour en mettre plein les yeux. Ceci dit, on peut légitimement se demander si toutes ces infos gadgets servent vraiment l’intrigue, ou si elles ne font que légitimer les péripéties d’Ethan Hunt (même si je ne comprends toujours pas l’intérêt d’avoir fait disparaître Isla pour intégrer un nouveau love interest dont les aptitudes se sont fast-and-furiousées d’un film à l’autre…). Clé, code, sous-marin… autant de prétextes plus que de vrais enjeux, conçus surtout pour justifier les cascades et entretenir la frénésie, plus que pour porter le récit.

Résultat, si la franchise avait su s’élever, Mission: Impossible – The Final Reckoning offre un baroud d’honneur survolté et haletant à l’ère Ethan Hunt. Le film ratisse large et s’applique à revisiter les fondations de la franchise tout en livrant des séquences denses et à couper le souffle (âmes thalassophobes et vertigineuses, accrochez vous). C’est du grand spectacle, calibré pour en mettre plein les yeux, et sur ce point, le contrat est rempli. Mais avec un peu de recul, difficile de ne pas voir dans ce chapitre final un pur egotrip dopé à l’adrénaline, entièrement drivé par un Tom Cruise visiblement peu enclin à lâcher le gouvernail.

Au casting, autour de Tom “demi-dieu” Cruise (Top Gun: Maverick, Barry Seal: American Traffic, La Momie…), on retrouve les habitués et les petits nouveaux en arrière-plan, dont Ving Rhames (Dope Thief, The Instigators…), Hayley Atwell (Paddington au Pérou, Doctor Strange in the Multiverse of Madness…), Simon Pegg (L’Âge de Glace : Les Aventures de Buck Wild, Ready Player One…), Pom Klementieff (Les Gardiens de la Galaxie Vol. 3, Avengers: Endgame, Westworld…) et Greg Tarzan Davis (Jurassic World: Le Monde d’Après, The Equalizer 3…).
Si chacun aura son petit moment de lumière, ce sera à peine suffisant pour les démarquer de la toile de fond qui compte de (très) nombreux visages connus comme Henry Czerny (Sharp Objects, Quantico…), Angela Bassett (Black Panther: Wakanda Forever, 9-1-1…), Shea Whigham (Spider-Man : Across the Spider-Verse, Fast and Furious 9…) ou encore Esai Morales (Titans, Ozark…).

On retrouve aussi des come-backs et des seconds couteaux plaisants comme Rolf Saxon (disparu depuis le premier Mission Impossible…), Hannah Waddingham (Ted Lasso, Sex Education…), Nick Offerman (Civil War, Parks and Recreation…) ou Holt McCallany (Nightmare Alley, Un Homme en Colère…). À ce stade, je m’attendais presque à revoir Thandiwe Newton (Mission: Impossible 2…).
En conclusion, Mission: Impossible – The Final Reckoning assure le spectacle et repousse encore les limites physiques de Tom Cruise. C’est blindé d’adrénaline et d’action XXL, mais le film de Christopher McQuarrie peine à embarquer à travers un scénario trop complexe. Néanmoins, le film propose un baroud d’honneur explosif et réjouissant, mais clairement centré sur sa star, plutôt que sur l’émotion attendue sur un dernier acte ou la finesse du scénario. À voir !

