Attendrissant et joliment fait, Le Bon Gros Géant est un conte visuel sublimé par une réalisation superbe qui allie le charme britannique d’antan et des personnages attachants. Cependant, la narration souffre de beaucoup de moments de creux qui rendent parfois le film inégal, alors que Steven Spielberg s’égare dans un Pays des Rêves trop inconsistant malgré son approche maligne et presque féérique. Si l’ensemble est charmant, il n’est pas vraiment captivant.
Le pitch : Le Bon Gros Géant ne ressemble pas du tout aux autres habitants du Pays des Géants. Il mesure plus de 7 mètres de haut et possède de grandes oreilles et un odorat très fin. Il n’est pas très malin mais tout à fait adorable, et assez secret. Les géants comme le Buveur de sang et l’Avaleur de chair fraîche, sont deux fois plus grands que lui et aux moins deux fois plus effrayants, et en plus, ils mangent les humains. Le BGG, lui, préfère les schnockombres et la frambouille. À son arrivée au Pays des Géants, la petite Sophie, une enfant précoce de 10 ans qui habite Londres, a d’abord peur de ce mystérieux géant qui l’a emmenée dans sa grotte, mais elle va vite se rendre compte qu’il est très gentil. Comme elle n’a encore jamais vu de géant, elle a beaucoup de questions à lui poser. Le BGG emmène alors Sophie au Pays des Rêves, où il recueille les rêves et les envoie aux enfants. Il va tout apprendre à Sophie sur la magie et le mystère des rêves…
Steven Spielberg est un réalisateur qu’on ne présente plus, d’Indiana Jones à Jurassic Park, en passant par Les Dents de la Mer, Minority Report, Rencontre du Troisième Type, et bien évidemment E.T. L’Extraterrestre. Le cinéaste américain a jalonné le cinéma contemporain de films aujourd’hui cultes, qui ont bercé l’enfance et l’imaginaire de beaucoup d’entre nous. Pourtant, quand on pense Spielberg, on pense rarement aux films jeunesses, d’une part parce que les films comme E.T. ou encore Hook possède une lecture suffisamment large et dramatique pour toucher un public varié, mais aussi par qu’il n’est jamais aussi bon que lorsqu’il chamboule un cinéma de genre trop engoncé dans ses habitudes (même si, selon moi, il n’a rien fait de vraiment bon depuis Arrête-Moi Si Tu Peux en 2002). Du coup, ce n’était pas vraiment étonnant de voir l’accueil mitigé qui a été réservé à son dernier film, Le Bon Gros Géant, lors de sa présentation au dernier Festival de Cannes hors compétition.
Adapté du roman du même nom de Roald Dahl (auteur britannique dont plusieurs romans ont déjà été adaptés au cinéma comme Charlie et La Chocolaterie, Matilda, Fantastic Mr Fox et mon favori Les Sorcières), Le Bon Gros Géant narre une histoire d’amitié entre une jeune orpheline et un géant gentil dans un monde où les autres géants croquent les enfants comme des friandises. Comme dans beaucoup de livres de Roald Dahl, l’histoire se met à la hauteur de sa jeune héroïne pour dépeindre un monde d’adultes sombre, autour d’une base fédératrice compilant tous les atouts pour créer un décor à la fois attachant, touchant et toujours empli de mystère et de malice. Steven Spielberg connait bien ces codes et les applique soigneusement dans une première partie conquérante, partagée entre une gamine pétillante et mature à l’accent so british qui détonne avec son jeune âge et un géant vraiment gentil à la bouille adorable et au verbe confus. Le contraste de leurs mondes fait mouche et la découverte du Bon Gros Géant est rehaussé par des rencontres hautes en couleur et pleines d’humour qui égayent une trame parfois poussiéreuse mais prometteuse, autour du mécanisme des rêves ravivant les craintes et les espoirs de chacun.
Malheureusement, Le Bon Gros Géant faiblit en cours de route. Si l’espièglerie de ses personnages rayonne sur le film, Steven Spielberg perd rapidement le fil, déroulant une intrigue sans véritable surprise aux bons sentiments qui débordent trop et frôlent la guimauve. Rapidement, les atouts du film se transforment en clichés, rappelant d’autres films ou histoires du même genre, comme Peter Pan par exemple, à travers des personnages trop en surface et déjà vus, de la petite Sophie maligne à ces méchants géants trop grotesques. Le film s’attarde sur du comique de situation et des quiproquos dus au langage amusant du géant, avant de tisser son intrigue un peu longuette sur le Pays des Rêves. On sourit, mais sans plus, tandis que le film offre des gags tout juste mignons dont le point d’orgue est une scène de prouts (ce qui en dit long…), avant de se conclure dans un concerto de miel un poil trop dégoulinant, tandis que la véritable action du film arrive trop tardivement et se boucle en quelques minutes (par rapport à la longueur du film).
Steven Spielberg mise trop sur le coté tendre de ses personnages pour faire appel aux bons sentiments de ses spectateurs et a tendance à oublier l’aventure qui font des histoires de Roald Dalh des œuvres dans lesquelles j’aime me replonger – même à mon âge. Ici, je regrette le fait que Le Bon Gros Géant n’explore pas plus le passé de ses personnages, notamment la vie de Sophie à l’orphelinat ou encore l’ancien « ami » du Bon Gros Géant, ce qui aurait permis de les étoffer un peu plus et d’éviter au film de se réduire à un bonbon sucré plutôt compliqué à digérer. En effet, bien que le film vise la famille, il dure tout de même près de deux heures : bon courage pour faire tenir des enfants en place pendant toute la durée du film !
Finalement, le vrai bon point du film reste sa réalisation. Entre numérique et esthétisme, Le Bon Gros Géant soigne ses apparences et offre un visuel enchanteur et coloré qui encapsule l’univers du film dans un monde plein de charme et sans époque. Steven Spielberg oscille aisément des décors austères et guindés du monde réel, aux vallées étonnantes du monde des géants, qui viennent booster une trame parfois linéaire qui se repose trop souvent sur le choc des cultures entre ses deux protagonistes. Malgré quelques creux, le film réussit tout de même à créer un sentiment d’évasion, même s’il faut parfois s’accrocher pour garder de l’intérêt.
Justement, au casting, Mark Rylance (Oscar du Meilleur acteur dans un second rôle dans Le Pont Des Espions, Wolf Hall, Gunman…) prête ses traits et sa voix à un Bon Gros Géant (doublé en VF par… Dany Boon – alors qu’il ressemble vachement à Benoit Poelvoorde si vous voulez mon avis) réussi et vraiment chou. À ses cotés, la jeune Ruby Barnhill parvient à lui donner la réplique avec autant de présence, malgré un rôle complexe qui aurait pu devenir agaçant très facilement.
Autour d’eux, beaucoup de visages connus comme Penelope Wilton (Downton Abbey, Indian Palace et Indian Palace : Suite Royale…), Rebecca Hall (Iron Man 3, Transcendence…), Rafe Spall (The Big Short, Et (Beaucoup) Plus Si Affinités…) et aussi Bill Hader (Vice Versa, Crazy Amy…) qu’il faudra reconnaître !
En conclusion, Steven Spielberg a beau être un réalisateur accompli pouvant se permettre de faire ce qu’il veut, il n’est pas à l’abri de quelques faux pas, même après l’acclamé Pont Des Espions. Attachant et coloré, il ne manquait pas grand chose pour faire du Bon Gros Géant un conte de Noël avant l’heure, mais entre longueurs et trame peu dynamique, le dernier film signé Spielberg s’étouffe dans des bons sentiments souvent superficiels dont on ne retient que l’esthétique sublime et enchanteresse. À tenter.