Biopic, Drame

[CRITIQUE] Free State Of Jones, de Gary Ross

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Pour son nouveau film, Gary Ross nous plonge dans les dessous peu connus de la Guerre de Sécession, à travers un drame à la fois éprouvant et intense. Oui, mais voilà, le mot qui pourrait résumer Free State Of Jones est « trop » : trop d’Histoire, trop de sujets, trop de clichés, trop long, trop d’emphase, trop de flashforwards, trop de dates à retenir et d’annotations à lire… Malgré un ensemble plutôt engageant, entre un casting excellent et une mise en scène superbe (encore une photographie aussi brute que magnifique), Gary Ross livre un film très américain et retrace une période noire (sans jeu de mot :D) de l’Histoire américaine déjà vue trop souvent, remuant les mêmes intrigues sur lesquelles il s’attarde tellement que la véritable évolution des personnages passent finalement à la trappe. Le drame humain est remplacé par les faits historiques, et c’est dommage car en dehors de l’omniprésence de Newton Knight, il est difficile de savoir qui il était vraiment

Le pitch : En pleine guerre de Sécession, Newton Knight, courageux fermier du Mississippi, prend la tête d’un groupe de modestes paysans blancs et d’esclaves en fuite pour se battre contre les États confédérés. Formant un régiment de rebelles indomptables, Knight et ses hommes ont l’avantage stratégique de connaître le terrain, même si leurs ennemis sont bien plus nombreux et beaucoup mieux armés… Résolument engagé contre l’injustice et l’exploitation humaine, l’intrépide fermier fonde le premier État d’hommes libres où Noirs et Blancs sont à égalité.

4 ans après Hunger Games premier du nom, Gary Ross se penche sur un autre personnage révolutionnaire mais bien réel cette fois : Newton Knight, un déserteur Sudiste qui s’est rebellé contre sa propre armée.
Alors oui, à première vue, on pourrait se dire « oh lala, ENCORE un film sur la Guerre de Sécession ! », et ce ne serait pas déconnant étant donné que le sujet a déjà été traité de nombreuses fois. L’intérêt premier de Free State Of Jones est de donner la version de l’histoire d’une guerre vue de l’intérieur, à travers le parcours d’un soldat contraint de participer à cette bataille. Car, si on en parle pas beaucoup (peut-être par sceptisme, hein…), tous les soldats Confédérés n’étaient pas forcément des gros racistes qui possédaient des dizaines de Kunta Kinte (le héros de la série Racines) pour les fouetter à tour de rôle, mais il y avait finalement quelques d’hommes qui, convictions mises à part, se retrouvaient enrôler dans une guerre qui n’était pas la leur et, surtout, qui ne leur apporterait rien au final. C’est à partir de ce postulat que Gary Ross se penche sur ce héros ordinaire qui va tout bonnement refuser de participer au massacre et devenir, par effet boule de neige, le porte-parole de ceux qui subissent cette guerre : les Noirs, évidemment, mais aussi les fermiers alentours régulièrement pillés pour nourrir l’Armée au front.
Au début, Free State Of Jones accroche justement grâce à cette approche novatrice, semblant s’éloigner des sentiers battus. Le film donne envie d’en savoir plus sur ce Newton Knight qui s’impose comme le défenseur des opprimés, ou plutôt des oubliés, en désertant la guerre pour protéger ses pairs. Mais rapidement, Gary Ross alourdit sa trame, aussi bien en terme de sujets qu’au niveau du traitement parfois périlleux.

freestate5Petit-à-petit, le coté un peu inédit de Free State Of Jones se mue en une série de clichés attendus, comme si le réalisateur cochait une sorte de liste invisible. Au-delà des flashforwards (sauts en avant dans le temps) qui ruinent d’entrée de jeu la faible intrigue romantique qui profile à l’horizon, Free State Of Jones semble bien décider à donner dans le cours d’Histoire appliqué afin de ne manquer aucune étape. En effet, la Guerre de Sécession n’est qu’un point de départ et le parcours de Newton Knight va rencontrer celui d’Abraham Lincoln lors de l’abolition de l’esclavage, jusqu’à la naissance du Ku Klux Klan, le droit de votes des Noirs et autres festivités. Ajoutons à cela les conflits internes, entre racisme, longs discours et opposition musclée face aux autorités et aux Sudistes indécrottables, et Free State Of Jones frôle la soupe mélodramatique qui tient absolument à faire pleurer dans les chaumières.

Gary Ross tente d’éviter ce piège en comptant sur ses personnages qui résistent tant bien que mal au misérabilisme. Entre courage admirable et un dévouement extrême (parfois même difficilement compréhensible), Free State Of Jones tient surtout à rendre hommage à des hommes qui se sont battus pour défendre leurs causes alors que le reste du monde semblait leur tourner le dos. Si la démarche est honorable, je regrette le manque de profondeur sur les personnages du film. Newton Knight a beau être au centre, le film survolte ses personnages en se contentant d’une approche superficielle pour servir ses différents propos, mais sans chercher à les étoffer. Du coup, il est difficile de s’attacher émotionnellement aux problématiques explorées dans le film, tant le spectacle prend le dessus.
Certes, l’atmosphère prenante et parfois étouffante du film maintient en haleine qui, malgré la lourdeur prévisible de sa trame, parvient à créer des pics de tension surprenants. Gary Ross opte un traitement narratif dense et nerveux, soutenu par une mise en scène plutôt réussie qui rayonne autour d’un personnage principal omniprésent et charismatique. Du coup, même si j’ai perdu de l’intérêt pour le film en cours de route, Free State Of Jones m’a tout de même plu esthétiquement, car il parvient à communiquer toute la force et la noirceur de son intrigue à travers des images puissantes, bien que parfois trop léchée. Finalement, Gary Ross semblait presque viser le « film à Oscar » mais rate le coche, selon moi, car le film n’a pas la dramaturgie nécessaire pour émouvoir.

Au casting : il mange quasiment toute l’affiche, c’est probablement le seul nom connu du film, impossible de passer à coté de Matthew McConaughey (Interstellar, Dallas Buyers Club, Mud…) qui incarne le héros, avec un certain charisme sans pour autant être mémorable. En effet, si l’acteur Texan se donne à 100% dans le rôle, le résultat donne l’impression qu’il aurait pu être interprété par n’importe quel bon acteur de cette même génération d’acteurs « possédés » (DiCaprio, Fassbender…). À ses cotés, une chorale de seconds rôles où on y retrouve ou découvre Guru Mbatha-Raw (Belle, Jupiter : Le Destin de l’Univers, Seul Contre Tous…), Mahershala Ali (Hunger Games : La Révolte – Partie 1 et Partie 2, The Place Beyond The Pines…) et Keri Russell (The Americans, La Planète des Singes : L’Affrontement…).

En conclusion, Free State Of Jones soulève un pan épais de l’histoire qu’il étale dans un film globalement intéressant, mais bien trop chargé. Entre la pluralité des intrigues et le survol des personnages, le film de Gary Jones épuise plus qu’il ne fascine. À tenter, pour les amateurs de fresques historiques.

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4 réflexions au sujet de “[CRITIQUE] Free State Of Jones, de Gary Ross”

      1. J’ai trouvé le film extrêmement bien documenté, le montage est original et intéressant, surtout pour le descendant et son procès, scène aberrante et incroyable. Matthew McConaughey cabotine un peu trop dans ce film et l’immense majorité des dialogues (on peut même parler de monologue) viennent de lui ce qui alourdit un peu le film. En gros j’ai aimé.

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