Les dinos sont de retour pour nous en mettre plein la vue avec toujours plus de dents ! Sous la houlette de Juan Antonio Bayona, Jurassic World : Fallen Kingdom se révèle être un divertissement en demi-teinte. Dense et rythmé, le film sert un divertissement haletant et des héros moins caricaturaux, dans un ensemble bien réalisé où la mise en scène et la photographie sont à saluer. Si Juan Antonio Bayona maîtrise ses armes de prédilection (noirceur et frissons), le scénario – toujours écrit, en partie, par Colin Trevorrow – manque sérieusement d’imagination, cédant trop souvent à la facilité ou à la simple copie du film original, quitte à transformer l’ensemble en une suite un chouilla bordélique et illogique. Où est donc passé l’esprit aventurier des premiers films ?
Le pitch : Cela fait maintenant trois ans que les dinosaures se sont échappés de leurs enclos et ont détruit le parc à thème et complexe de luxe Jurassic World. Isla Nublar a été abandonnée par les humains alors que les dinosaures survivants sont livrés à eux-mêmes dans la jungle. Lorsque le volcan inactif de l’île commence à rugir, Owen et Claire s’organisent pour sauver les dinosaures restants de l’extinction. Owen se fait un devoir de retrouver Blue, son principal raptor qui a disparu dans la nature, alors que Claire, qui a maintenant un véritable respect pour ces créatures, s’en fait une mission. Arrivant sur l’île instable alors que la lave commence à pleuvoir, leur expédition découvre une conspiration qui pourrait ramener toute notre planète à un ordre périlleux jamais vu depuis la préhistoire.
En 2015, Jurassic World venait réveiller la saga culte Jurassic Park en offrant une nouvelle vie aux célèbres dinosaures créés par Steven Spielberg (et adaptés des romans de Michael Crichton). Réalisé par Colin Trevorrow, le film a beaucoup divisé mais a néanmoins su réunir plusieurs générations. Dans tous les cas, si le parc était enfin ouvert, il n’a évidemment pas fait long feu et trois ans plus tard, Jurassic World – Fallen Kingdom vient constater les dégâts. Si le film de Juan Antonio Bayona fait penser au second volet de la première saga, Le Monde Perdu, c’est bien normal : l’ère Jurassic World ne cache vraisemblablement pas sa volonté de faire du fan-service simple et efficace en reprenant une recette qui a déjà fait ses preuves. Cependant, avec le choix d’un réalisateur tel que Juan Antonio Bayona, connu pour des films bien plus sombres tels que L’Orphelinat en 2007 ou encore le magnifique Quelques Minutes Après Minuit en 2016, marquait le début d’un tournant décisif pour cette nouvelle franchise : fini le film d’aventures familial, place au divertissement un peu plus… mordant ! Pour ma part, c’est ce que j’attendais, car le coté terrifiant des dinosaures n’a jamais vraiment été exploré dans les films Jurassic. Or, avec Jurassic World, les têtes pensantes derrière le reboot de cette franchise ont mis le doigt sur un sujet qu’ils exploitent dans cette suite : en effet, si les premiers films avaient tendance à faire réfléchir sur la responsabilité humaine dans les avancés scientifiques (et ses conséquences), Jurassic World : Fallen Kingdom décide de replacer le curseur sur une notion essentielle et actuelle : la protection de la vie animale.
Alors oui, vu comme ça, on dirait que je parle d’un drame indépendant, bien loin du divertissement explosif promis par les bandes-annonces ! Qu’on se rassure, Jurassic World : Fallen Kingdom est bien le festival de dinosaures et de cris en tout genre annoncé. Si l’ensemble m’a laissée perplexe, il y a tout de même du positif. D’un coté, ma faiblesse pour les grosses bébêtes n’a pas pu s’empêcher de frétiller de plaisir au moment des retrouvailles avec les dinosaures et Chris Pratt, tandis que le duo Pratt-Howard est exploré de façon moins caricaturale. Ce qui saute aux yeux et séduit d’emblée, c’est surtout la réalisation de Juan Antonio Bayona qui nous réserve, dès l’ouverture, des scènes léchées où la tension palpable est multipliée par l’appréhension générale et une photographie soignée (même les scènes nocturnes et/ou sous la pluie sont lisibles). Le réalisateur espagnol sait mesurer ses effets et permet à Jurassic World : Fallen Kingdom de souvent flirter avec des codes horrifiques assez plaisants qui donnent enfin une dimension flippante aux dinosaures (au-delà de leur simple apparence). Là où le film surprend également, c’est dans la densité de sa trame, tant le rythme ne ralentit jamais. Si Jurassic World avait été malmené à cause de sa trop longue mise en place, cette suite ne perd pas de temps et ne relâche jamais la pression, faisant de chaque scène un moment à ne pas manquer. Un choix risqué, car en restant toujours sur le fil du rasoir, Jurassic World : Fallen Kingdom manque de dynamisme et de scènes véritablement marquantes. Cependant, ce condensé d’action et de rebondissements rend l’ensemble prenant, tandis que le récit offre des détours vers l’émotion plutôt inattendus et salvateurs (attention aux plus sensibles !).
D’un autre coté, le résultat m’a tout de même fait grincer des dents. Le premier problème est évidemment le scénario : l’intrigue est à la fois bordélique et trop prévisible, Jurassic World : Fallen Kingdom part dans tous les sens et, malgré ses efforts, souffre d’un scénario peu imaginatif et souvent illogique, qui – au lieu de rendre hommage au film original – se contente de reproduire (et de répéter) des scènes ou gimmicks cultes. Oui, le film de Juan Antonio Bayona choisit un traitement différent et plus musclé que le premier Jurassic World (voire, toute la saga Jurassic Park, en fait), mais la sortie de route n’est pas très loin ! En allant trop vite, Jurassic World : Fallen Kingdom manque de respiration, ce qui empêche le spectateur de reprendre son souffle ou bien de capter les tentatives d’humour du film. En voulant trop bien faire, le fan service vire parfois au too much bancal (une larme de dino par ci, un sourire carnassier par là, une énieme redite de la scène de la cuisine de Jurassic Park…) et ne parvient pas à masquer les incohérences d’un scénario qui semblent parfois raccorder ses scènes avec des bouts de ficelles. Par conséquent, l’aspect un peu sérieux du divertissement bat de l’aile et rend parfois ses ressorts totalement crétins.
Globalement, le divertissement est là, entre beaucoup d’actions et un peu d’émotions honorables, même si l’éloignement du concept aventurier au profit des manipulations génétiques qui tournent mal reste discutable. Cependant, ce sous-texte autour de la protection animale permet de répondre à la saga Jurassic Park qui voyait ses dinosaures comme des jouets créés par des hommes qui se prenaient pour Dieu. Dans l’ère Jurassic World, les films pointent du doigt la responsabilité de l’homme et questionne surtout l’avenir de ces animaux en danger. Une réflexion habile qui fait écho à un problème bien réel (préservation des espèces en danger, protection de l’environnement, etc…) et qui mérite d’être saluée.
Au casting, Chris Pratt (Avengers: Infinity War, Les Gardiens de la Galaxie Vol. 2, Les Sept Mercenaires…) et Bryce Dallas Howard (Gold, Peter et Elliott Le Dragon, Black Mirror…) reprennent du service. Si notre dompteur de vélociraptors favori n’échappe pas à son personnage de héros viril à souhait, les deux personnages sont nettement moins caricaturaux que dans le premier Jurassic World, permettant notamment au personnage de Claire de se départir définitivement de son approche trop précieuse pour devenir une femme d’action. Autour d’eux, de nouveaux venus : la jeune et novice Isabella Sermon est le rappel « spielbergien » du film familial, Justice Smith (La Face Cachée de Margo…) et Daniella Pineda (Jamais entre amis, The Originals…) jouent les pom-poms girls attachants mais anecdotiques (comme l’étaient Lauren Lapkus et Jake Johnson dans le film de Colin Trevorrow), tandis que le reste du casting, incluant Rafe Spall (The Big Short, Et (beaucoup) Plus Si Affinités…), James Cromwell (The Young Pope, Les Nouveaux Héros...), Ted Levine (Here And Now…) et Toby Jones (Le Bonhomme De Neige, Atomic Blonde…), se succèdent pour servir les intérêts de la trame.
À noter également, les apparitions souvent accessoires mais jamais désagréables de B.D. Wong (Gotham, Un Monde Entre Nous…), Geraldine Chaplin (Quelques Minutes Après Minuit, The Impossible…) et l’irremplaçable Jeff Goldblum (L’Île aux chiens, Thor : Ragnarok, Independence Day: Resurgence…).
En conclusion, je suis restée mitigée devant Jurassic World : Fallen Kingdom, partagée entre ma passion pour les monstres pleins de dents et la solidité vacillante de cette suite un chouilla foutraque. La réalisation de Juan Antonio Bayona est efficace, les héros toujours aussi attachants et les dinosaures sont plus féroces que jamais… mais la tournure de l’intrigue me laisse assez sceptique pour la suite (s’il y en a une). À voir, évidemment.
PS : il y a une petite scène bonus à la toute fin du générique 😉