Drame

[CRITIQUE] Roma, de Alfonso Cuarón

Contemplatif et poétique, le nouveau film d’Alfonso Cuarón vient sublimer le quotidien d’une cellule familiale dans un format très simple et tout en subtilité. Entre amours naissantes, déçues ou déchirée, Roma propose une ronde de personnages accessibles, à travers laquelle la narration linéaire devient captivante grâce à la superbe réalisation d’Alfonso Cuarón qui profite de ce projet pour oser quelque chose de plus intimiste et souvent onirique. Peut-être un peu long, certains diront vains… et pourtant Roma réserve un beau moment de cinéma et de douceur.

Le pitch : Ce film fait la chronique d’une année tumultueuse dans la vie d’une famille de la classe moyenne à Mexico au début des années 1970.

Après l’énorme succès de Gravity, récompensé par sept Oscars – dont celui du Meilleur Réalisateur – et par tant de prix qu’il y a une page Wikipédia exprès pour tous les recenser, j’attendais Alfonso Cuarón (Les Fils de L’Homme, Harry Potter et le Prisonnier d’Azkaban…) sur un nouveau film à l’envergure similaire. Et pourtant, malgré toutes les portes qui ont certainement dû s’ouvrir après Gravity, le réalisateur mexicain opte pour un film différent, plus simple et intimiste : le genre de film qu’on peut se permettre une fois bien installé et qui venant d’un cinéaste inconnu n’aurait peut-être jamais été financé. Et pour cause, Roma a tout du film d’auteur… la prétention en moins ! Récipient du Lion d’Or à la Mostra de Venise 2018, le film très attendu d’Alfonso Cuarón sortira sur Netflix – ce qui est, à mon avis, plutôt dommage de le voir sur petit écran vu sa qualité esthétique.

Roma part à la découverte d’une famille mexicaine à travers leurs domestiques, avant d’élargir la cellule familiale pour les intégrer dans cette unité mouvante. Lentement, Alfonso Cuarón observe la dynamique des relations, parfois en rappelant le rang social des uns et des autres, d’autres fois en mêlant l’ensemble pour resserrer les liens face à l’adversité, entre un pays en pleine révolution et des amours qui se croisent. En réalité, Roma est surtout une balade nostalgique tout en douceur qui se contemple et s’apprécie simplement pour la beauté de l’objet cinématographique, que le réalisateur souligne par une réalisation à couper le souffle. Outre le format en noir et blanc, Alfonso Cuarón signe un film lumineux, faisant oublier la monochromie de l’image, tandis que la mise en scène est époustouflant. L’œil se balade à chaque mouvement de caméra, les plans sont amples, toujours mouvants et captent les détails en arrière-plan tout en restant focaliser sur ses personnages. Le film est souvent vu à travers les yeux d’un personnage charnière qui relie des mondes qui cohabitent, si bien que la caméra suit d’abord ses réactions avant de suivre son regard, créant une certaine attente et évitant ainsi au film de tomber dans l’observation scolaire.

Pas de catastrophe ni de grande symbolique à l’horizon, Alfonso Cuarón prend le temps de raconter une histoire solide entre le quotidien routinier et l’évolution de ses personnages. Roma cueille au plus près chaque émotion, chaque sourire et chaque larme, ce qui donne énormément de cœur à un ensemble qui, a priori, ne payait pourtant pas de mine. Le réalisateur s’inspire évidemment de son propre vécu dans un décor familier : Mexico au début des années 70, peu de temps après les manifestations étudiantes, dont celle tragique de Tlatetolco (plus de 300 morts). Du coup, derrière le traitement paisible mais piqué par des drames de vie, Roma dessine un contexte de fond plus violent qui va souvent venir perturber brutalement la course presque tranquille des personnages centraux. Alfonso Cuarón équilibre brillamment ses thématiques et prend un plaisir visible à réaliser ce film aussi personnel et appliqué pour partager un bout d’authenticité peut-être un poil vaine mais agréablement accessible.
Cependant, il faut savoir que malgré ses qualités esthétiques et narratives, Roma compte bien ses 2h15 très contemplatives.

Au casting, Alfonso Cuarón s’entoure d’acteurs inconnus sur la scène international mais fait les bons choix avec ses actrices principales : Yalitza Aparicio apporte une certaine sérénité pleine de charme face à Marina de Tavira (Ingobernable…), dont le personnage est bien plus nerveux.

En conclusion, je ne sais pas si le film sortira dans certaines salles de cinéma, mais si c’est le cas ou si vous avez accès à un écran démesuré, prenez le temps de voir Roma. Alfonso Cuarón signe un drame intimiste et simple qu’il sublime par une réalisation époustouflante, véhiculant à merveille toutes les émotions qui traversent l’ensemble. Peut-être un peu long, mais Roma est une véritable douceur à découvrir, comme un petit cadeau de Noël en avance. À voir – en étant averti.

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