
Entre manigances et explorations du plaisir sous toutes ses formes, le nouveau film de Park Chan-Wook est une œuvre à la fois poétique que fascinante, cristallisant le pouvoir patriarcal asiatique issu des traditions, dans un jeu de dupes aussi diabolique que sensuel. Visuellement, Mademoiselle est d’une beauté époustouflante où la direction artistique et le sens esthétique aigu du réalisateur font toujours mouche, sublimant un casting impérial et une intrigue aussi captivante que perverse. Evidemment, j’ai adoré.
Park Chan-Wook c’est le réalisateur qui m’a donné ce coup de coeur incroyable en 2013 avec son premier film américain, Stoker, qui m’avait enthousiasmée et profondément touchée. Bien que ce film ait reçu un accueil controversé de la part des aficionados du réalisateur coréen, sa filmographie a toutefois tendance à mettre tout le monde d’accord, de sa trilogie de la Vengeance à Thirst, en passant par l’incontournable Old Boy.
Se plonger dans le cinéma coréen, quand on a pas l’habitude (comme moi), c’est oublier les repères narratif européens et/ou anglo-saxon. Les films de Park Chan-Wook sont inspirés par la culture asiatique, découlant de l’histoire de son pays et/ou des pays voisins, et ses sujets mêlant toujours sexe, violence et émotions puissantes (amour, colère, désespoir…) sont approchés d’une façon différente, parfois même un peu malsaines. Ajoutons à cela que le film Mademoiselle, adapté du roman Du Bout Des Doigts de Sarah Waters sorti en 2002, est en coréen ET en japonais (les sous-titres sont d’une couleur différente, mais clairement j’ai oublié le code couleur au bout de deux minutes), mais cela ne doit pas être une barrière pour vous lancer : Mademoiselle est un film fantastique et d’une beauté quasi-onirique, qui va vous emmener dans un thriller stupéfiant, machiavélique et jubilatoire.

Park Chan-Wook met en place une intrigue complexe qui installe un contexte singulier autour de ses deux héroïnes : l’une, japonaise, belle comme ce n’est pas permis, riche et aussi innocente qu’un nouveau né ; l’autre, coréenne, pauvre, rusée mais fragilisée par un manque d’éducation flagrant. D’abord contraintes à cohabiter, la relation entre les deux jeunes femmes va peut à peu déboucher vers des sentiments inattendus qui vont non seulement changer toute l’intrigue mais donner un véritable coup de fouet à un film dont apparences convenues vont soudainement prendre un nouvel aspect.

Car oui, si les personnages du film jouent continuellement au chat et à la souris, c’est aussi le spectateur qui est pris au piège par Park Chan-Wook. Mademoiselle se nourrit de la richesse de la culture asiatique pour tisser un thriller captivant, qui maintient en haleine grâce à l’écriture fantastique du scénario mais aussi grâce à une réalisation parfaite. Le film est sublimé par une imagerie et une photographie d’une beauté à couper le souffle, chaque tableau fait l’effet d’une oeuvre d’art et mon regard s’est plusieurs fois perdu dans les moindres recoins de l’écran pour apprécier ce que je voyais. Park Chan-Wook s’amuse avec ses décors et dirige ses acteurs d’une main de maître, pour mieux susciter le trouble au fur et à mesure que le film avance.
Au casting, la sublime Kim Min-hee (Un Jour Avec, Un Jour Sans, Very Ordinary Couple…) et la jeune Kim Tae-ri forment un excellent duo complémentaire et fascinant, subjuguant une trame dominé par des volontés masculines. Autour d’elles, Ha Jeong-woo (The Agent…) et Jo Jin-woong (Hard Day…) incarnent ces fameuses figures masculines, tandis que Sori Moon (Hill Of Freedom…) livre une performance troublante grâce à un personnage que l’on voit peu mais qui est très touchant.
En conclusion, Mademoiselle est, sans hésitation, l’un des meilleurs et l’un des plus beaux films de l’année. Park Chan-wook signe un thriller aussi fascinant que jubilatoire, niché au coeur d’une culture aussi riche que parfois cruelle et absurde, que j’ai pris plaisir à découvrir à travers une véritable œuvre d’art. À voir absolument !
