Mi-biopic, mi-comédie musicale, Rocketman part à la rencontre d’Elton John, ou plutôt de Reginald Dwight, à travers un film qui retrace le parcours aussi bien artistique que personnel du chanteur. Derrière les apparences flamboyantes, j’ai découvert une histoire poignante où la musique est un véritable outil de narration et non posée là pour réveiller la trame. Porté par un Taron Egerton excellent, le film de Dexter Fletcher permet de (re)découvrir un Elton John sans fard, à travers des détours prévisibles certes mais néanmoins captivants. Fan ou non de la star british, Rocketman est un récit électrisant, étonnamment bouleversant et accessible.
Le pitch : Rocketman nous raconte la vie hors du commun d’Elton John, depuis ses premiers succès jusqu’à sa consécration internationale. Le film retrace la métamorphose de Reginald Dwight, un jeune pianiste prodige timide, en une superstar mondiale. Il est aujourd’hui connu sous le nom d’Elton John. Son histoire inspirante – sur fond des plus belles chansons de la star – nous fait vivre l’incroyable succès d’un enfant d’une petite ville de province devenu icône de la pop culture mondiale.
Quelques mois à peine après le succès de Bohemian Rhapsody, récompensé entre autres par 2 Baftas, 2 Golden Globes et 4 Oscars – dont celui du Meilleur acteur pour Rami Malek (!), c’est au tour d’une autre légende, toujours en vie celle-ci, de voir son histoire racontée à travers un biopic musical. Rocketman revient sur la vie d’Elton John, de son enfance jusqu’à la gloire, en passant par son don pour le piano, sa relation avec ses parents, ses amours et surtout ses peines, jusqu’à l’inévitable chute libre qui a bien failli le perdre. Si le découpage narratif est sans surprise, le film parvient à le mettre en scène de façon formidable et prenante.
Pour ma part, je n’étais pas hyper emballée par Rocketman. À vrai dire, je suis pas mal revenue sur mon emballement post-Bohemian Rhapsody, car le film était bien plus porté par la musique géniale de Queen et le concert final, que par la performance de Rami Malek ou encore l’écriture édulcorée de l’histoire de Freddie Mercury. La comparaison est donc inévitable avec Rocketman et la différence est visible : si le biopic sur Freddy Mercury se reposait beaucoup sur les grands tubes phares de Queen pour animer son intrigue, Rocketman choisit d’opter pour une comédie musicale pure et utiliser les chansons pour faire avancer l’histoire. Cela permet de rendre les chansons plus explicites et engagées dans l’évolution du biopic, mais également de ne pas laisser sur le bas-coté ceux qui ne connaissent par forcément le répertoire d’Elton John – ce qui est mon cas.
En effet, j’ai aimé l’accessibilité de Rocketman qui reprend le parcours du chanteur, depuis sa tendre enfance où on le découvre coincé entre une mère pleine de rancœur pour un mari émotionnellement absent. Entre sentiment d’abandon et besoin de se faire aimer, le parcours du jeune Reginald Dwight va se façonner dans les apparences qui vont devenir de plus en plus clinquantes pour mieux masquer ses blessures béantes. Découvrir qui était l’homme derrière la star connue pour ses tenues excentriques rend le film plus intense, alors que la solitude muette du chanteur résonne en bruit de fond, installant une tristesse extrêmement palpable et touchante qui contraste avec la frénésie chatoyante du chanteur. Dexter Fletcher, qui avait finalisé Bohemian Rhapsody après le départ forcé de Bryan Singer, façonne un récit poignant qu’il sublime par une mise en scène géniale alors que les chansons permettent de naviguer d’une émotion à une autre avec une aisance incroyable.
Alors que je ne connaissais pas grand chose d’Elton John, et que ce dernier admet volontiers qu’il s’agit d’une version un peu surréaliste de sa vie, j’ai aimé découvrir son histoire et les combats qu’il a pu mener notamment contre lui-même pour réussir à se sortir de la spirale infernale qui l’engloutissait peu. Rocketman n’édulcore rien, au contraire, le film assume les problèmes d’alcoolisme et de toxicomanie qu’il affiche même comme un étendard, tandis que l’homosexualité du chanteur n’est certainement pas cachée (contrairement à Bohemian Rhapsody qui l’évoque très rapidement). De plus, sans connaître les chansons d’Elton John, j’ai été facilement embarquée dans l’histoire puisque chaque séquences musicales est intégrée au récit, sachant qu’il ne s’agit pas uniquement de ses tubes les plus populaires. Le film ne se contente pas uniquement d’observer la chute du personnage, ce qui marque surtout c’est la façon dont il encaisse tous les coups, les trahisons et les blessures de ses proches, tout en s’accrochant à son rêve quitte à s’y perdre. Le parallèle entre l’homme qui s’effondre et la star qui accède à une renommée folle est saisissant, le récit prend la pas finalement sur la bande-originale – et je ne me suis jamais sentie à l’écart, parce que je ne connaissais pas les tubes d’Elton John.
Dexter Fletcher livre un film poignant, attendu pour son excentricité mais finalement porté par des émotions contagieuses qui se traduisent aussi bien à par les mises en scène, que par la qualité des décors made in 70s et des costumes renversants reprenant les tenues iconiques d’Elton John. Rocketman est le tableau d’une époque décomplexée, euphorisée par ses icônes légendaires qui font tout pour maintenir l’illusion d’une vie de paillettes malgré une réalité faite de substances plus ou moins légales pour combler, en vain, le vide et/ou l’absence d’un amour inconditionnel. Comme un ascenseur émotionnel, Dexter Fletcher nous entraîne d’un bout à l’autre de son histoire, sans avoir peur de toucher le fond pour livrer un final certes moins grandiose que celui de Bohemian Rhapsody mais dont la signification l’emporte en concluant ce parcours humain sur une note parfaite.
La vraie star du film, c’est surtout Taron Egerton. Découvert en trublion devenu agents secrets dans Kingsman – Services Secrets, l’acteur avait déjà collaboré avec Dexter Fletcher pour Eddie The Eagle et donné de la voix sur « I’m Still Standing » dans le film d’animation Tous En Scène. Après un deuxième Kingsman très moyen – où l’acteur côtoyait déjà Elton John, tout est lié ! – et des films moyens (Legend et le douloureux Robin des Bois), Taron Egerton s’envole en incarnant Elton John à travers une performance remarquable et bouleversante, tout en chantant réellement chaque chanson avec un talent certain. C’est un vrai plaisir de le redécouvrir dans ce registre et de pouvoir savourer son talent qui apporte beaucoup de charisme au personnage qu’il incarne avec un plaisir évident. Autour de lui, on retrouve également Jamie Bell (Les 4 Fantastiques, Snowpiercer…), discret mais convaincant, Richard Madden (Game of Thrones, Bodyguard…) qui a bien du mal à faire oublier l’accent de Robb Stark tout en restant un personnage savoureusement détestable, ainsi que Brice Dallas Howard (Jurassic World: Fallen Kingdom, Peter et Elliott le Dragon…), dans le rôle de la mère caustique d’Elton John. À l’affiche également, on reconnaîtra Gemma Jones (Bridget Jones Baby…), Steven Mackintosh (Wanderlust…) ou encore Steven Graham (Pirates des Caraïbes : La Vengeance de Salazar…).
En conclusion, Rocketman nous embarque dans un biopic musical généreux, bouleversant et effervescent, porté par un Taron Egerton époustouflant. En choisissant le début de la carrière d’Elton John, le film de Dexter Fletcher parvient à rendre son récit accessible, que l’on connaisse ou non le répertoire du chanteur, en mettant en scène les chansons au service de l’histoire. D’ailleurs, cela m’a donné envie de découvrir cet artiste et la bande-originale de Rocketman tourne à présent en boucle dans mes écouteurs ! À voir.