Sci-fi

[CRITIQUE] Godzilla vs Kong, d’Adam Wingard

Le pitch : À une époque où les monstres parcourent la Terre, et alors que l’humanité lutte pour son avenir, Godzilla et King Kong, les deux forces les plus puissantes de la nature, entrent en collision dans une bataille spectaculaire inédite. Alors que Monarch se lance dans une mission périlleuse en terrain inconnu, et qu’il découvre des indices sur les origines des Titans, un complot humain menace d’éradiquer ces créatures – qu’elles soient bonnes ou mauvaises – de la surface de la planète.

Après deux films sur Godzilla et un film sur King Kong, le « monstroverse » de Legendary Pictures / Warner Bros livre enfin l’affrontement attendu, à savoir Godzilla vs Kong. Etonnamment, c’est Adam Wingard, un réalisateur de films d’horreur à l’efficacité aléatoire (Death Note, Blair Witch, You’re Next, V/H/S…), qui se retrouve à la tête d’une machine XXL dans laquelle se rencontre enfin deux monstres légendaires – sans jamais évoquer les sous-textes liées à leurs origines (le racisme coté Kong et le trauma de la seconde guerre mondiale coté Godzilla), en effet, on est là pour passer du bon temps donc non, ce n’est pas les US vs le Japon, loin de là. Hop, on évite le sujet.

Si le premier Godzilla de Gareth Edwards et le Kong: Skull Island de Jordan Vogt-Roberts faisaient le lien entre les humains et la découverte des titans, les présentant comme des créatures isolées puis craintes, avant d’être des sauveurs de l’humanité, c’est avec Godzilla 2 : Roi des Monstres, de Michael Dougherty, que la franchise penche vers la débauche d’effets spéciaux et de beauty shots pour épater la galerie. D’un coté, le film en mettait plein la vue, notamment pendant les faces à faces attendu entre Godzilla et Ghidorah ; de l’autre coté, le récit était souvent « encombré » par des humains qui ralentissaient les montées d’adrénalines.

Avec Godzilla vs Kong, les enjeux sont (dé)multipliés et les erreurs aussi. Si les studios ne pouvaient pas prévoir que la sortie du film rimerait avec la réouverture des cinémas outre-Atlantique à cause d’une pandémie mondiale, le film reste un pari à la hauteur de ses personnages colossaux. Accrochez donc votre ceinture car une fois passée l’introduction qui ressemble à une interface d’un tournoi de jeux vidéos, le film entre rapidement dans le vif du sujet.
Le point positif, c’est que le divertissement est là : durant près de deux heures, le film nous embarque dans une déferlante numérique où un Godzilla furax traque un Kong déraciné, et, comme dans Godzilla 2, il ne faudra pas seulement attendre la fin pour les voir passer à l’action. Le point ou plutôt les points négatifs sont encore et toujours les humains : si on ne peut décemment pas se passer d’eux, ce n’était pas nécessaire d’en avoir autant.
En effet, à l’instar du DCEU, le monstroverse continue de poser la question de la place des titans dans notre monde : sont-ils des dieux ou des dangers à maîtriser ? Alors que Godzilla vs Kong compote une histoire improbable reposant sur les théories de la Terre creuse (les humains n’occuperaient que la surface de la Terre et le milieu du globe cacherait en réalité un autre monde), pompant joyeusement les idées de Jules Vernes (Voyage au centre de la terre) et de Michael Crichton – ou Sir Arthur Conan Doyle pour les plus pointilleux – (Le monde perdu) pour créer un écran de fumée et passer le temps entre deux affrontements majeurs.
La pilule passerait presque tant on se demande où le film veut nous emmener (et on se laisse allègrement porter), mais on finit rapidement par questionner la crédibilité de cette histoire qui devient de plus en plus ahurissante et complexe au fur et à mesure que les personnages évoluent… Et oui, car en parallèle, tranquilou dans son coin, une bande d’ados et un podcaster complotiste s’infiltre incognito dans une grosse boite à la sécurité défaillante pour déterrer le plan trouble d’un méchant lambda et manichéen sorti de nulle part. Un détour inutilement complexe pour uniquement donner une excuse potable au film de faire en sorte que les deux titans trouvent un terrain d’entente avant la catastrophe.

Godzilla vs Kong essaie de faire compliquer pour rendre le récit plus crédible… Mais était-ce vraiment ce qu’on attendait d’un blockbuster opposant un gorille géant face à un lézard XXL ? À un moment il faut aussi accepter son ADN et assumer à fond son format pop-corn. Au lieu de cela, le film d’Adam Wingard multiplie les fils conducteurs (humains) tout en surfant sur des théories maladroitement exploitées (qui s’effondreraient quelques questions, même pour les cancres comme moi qui savent que le soleil ne brille pas dans le centre de la Terre, par exemple…). Tout le récit n’est en réalité qu’un simple teasing beaucoup trop capillotracté pour mettre en scène le dernier acte et dévoiler la véritable menace du film.

Globalement, bien que le film ne déçoit pas entièrement, il présente beaucoup d’imperfections qui rendent l’ensemble bien plus anecdotique que prévu. Au-delà de l’histoire épuisante, la réalisation s’embourbe dans une débauche de raccourcis commodes et d’effets spéciaux en demi-teinte. En plan large, le pari est réussi et spectaculaire. En scrutant les détails, comme souvent, c’est la débandade : problème de perspective, tailles et morphologies des titans qui varient en cours de route, mauvaise gestion des lumières qui rendent les effets trop brillants et illisibles (malgré plusieurs gros plans, j’ai bien du mal à localiser les yeux de Godzilla qui ressemble de plus en plus à un gros caillou mouvant) et des éléments qui entourent des monstres… mais c’est toute de même bon de savoir que Kong fait du free fight durant ses heures perdues, tandis que Godzilla est capable… de rire ?!
L’ensemble déborde surtout vers un final brouillon et un chouilla expéditif, pour ne pas dire bâclé, passant d’une scène de destruction massive monstrueuse à un happy end peu logique [SPOILER](et tant pis pour toi Hong Kong)[/SPOILER].

Au casting, on retrouve encore une fois beaucoup (trop) d’humains : Rebecca Hall (Tales From The Loop, Holmes & Watson, Iron Man 3…) et Alexander Skarsgård (Big Little Lies, Tarzan, The Little Drummer Girl…) prennent le lead aux cotés de Kong, tandis que Kyle Chandler (Bloodline, Godzilla 2, First Man…) reprend son rôle de façon presque cameoesque. Contrairement à Millie Bobby Brown (Stranger Things, Enola Holmes…) qui voit son personnage tête-à-claques réintégrer aux forceps, aux cotés de Brian Tyree Henry (Les Veuves, Joker…) et Julian Dennison (Deadpool 2…), tandis que Demián Bichir (La Nonne, The Grudge…) et Shun Oguri jouent les mad scientists dans leurs coins. Et pour en rajouter une couche au sujet du trop plein d’acteurs, Eiza González (I Care A Lot, Bloodshot…) fait de la figuration.

En conclusion, dans les grandes lignes Godzilla vs Kong mérite d’être vu sur grand écran pour sa déferlante d’action XXL, surtout si on aime les blockbusters qui en mettent plein la vue. Mais en refusant d’assumer son rôle de film pop-corn, le film d’Adam Wingard en fait des caisses et rajoutent trop de storylines et d’humains pour complexifier son histoire, quitte à la rendre très bancale. Dommage, mais à tester tout de même.

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