
Le pitch : Dans un bar de la ville, Kathy, jeune femme au tempérament bien trempé, croise Benny, qui vient d’intégrer la bande de motards des Vandals, et tombe aussitôt sous son charme. À l’image du pays tout entier, le gang, dirigé par l’énigmatique Johnny, évolue peu à peu… Alors que les motards accueillaient tous ceux qui avaient du mal à trouver leur place dans la société, les Vandals deviennent une bande de voyous sans vergogne. Benny devra alors choisir entre Kathy et sa loyauté envers le gang.
Décidément, Jeff Nichols et moi, c’est une grande histoire de déception. Après l’excellent Take Shelter, je n’ai pas été convaincue par ses films suivants, notamment Mud : Sur Les Rives du Mississipi (2012) et Midnight Special (2016) – j’ai refusé de donner de mon temps à Loving. J’ai toujours l’impression de me faire avoir sur la marchandise, notamment avec une bande-annonce et un plot qui semblent promettre moultes profondeurs et révélations réfléchies… À l’arrivée, je me retrouve devant un film sans épaisseur et extrêmement fadasse. The Bikeriders ne fait pas exception à la règle.

Inspiré par le recueil d’un photographe qui aurait suivi des bikers durant les années 60, The Bikeriders survole l’histoire d’un groupe de motards, par le prisme d’une jeune femme qui finira par épouser l’un d’eux. Survoler, c’est bien le mot puis que Jeff Nichols raconte ou fantasme ses personnages, mi-âmes rebelles mi-vieux types plus ou moins alcooliques qui s’ennuient dans des bars, rodent en groupe sur les routes ou font régulièrement des pique-niques en plein air. Bon. Rien de bien folichon comme postulat de départ mais alors que j’en espérais plus, je découvre rapidement que The Bikeriders ne raconte rien de plus.

Le récit est en pointillés et ne mène finalement nulle part. Des amitiés se font et se défont, des alliances et des rivalités apparaissent, puis la réputation des bikers dévie vers la délinquance… The Bikeriders tournicote autour de ses personnages et des embryons de sujet, sans réussir à s’arrêter sur l’un d’eux. Je n’ai pas compris ce que le film cherche à raconter. Les personnages principaux ont l’épaisseur d’un protège-slip, la narration (et l’accent agaçant) de Jodie Comer ne sert qu’à faire de la surexposition au cas où des spectateurs se seraient endormis au fond de la salle, tandis que les personnages masculins s’observent comme des carpes dans un doux relent de bière frelatée et clopes industrielles.

Désincarné, The Bikeriders suit des motards bien trop sages ou bien trop beaufs pour faire rêver, leurs camaraderies semblent forcées, jusqu’au moment où les uns se retournent contre les autres pour une vague jalousie ou revanche à peine palpitante. Même l’amourette entre les héros est balayée au second plan tant le film se borne à un personnage masculin qui joue les ersatz de Ryan Gosling circa Nicholas Winding Refn (Drive, Only God Forgives…), dans une version encore plus mutique et surtout très vide. D’ailleurs son personnage disparait en cours de route sans explication pour réapparaître juste à la fin. Pourquoi ?!

Jeff Nichols peine à faire le portrait de son Amérique paumée, entre errance et fin du rêve américain, vu qu’on ne sait finalement rien de ses personnages ni de ce qui les animent réellement, à part le manque d’ambition et un vague sentiment d’appartenance. C’est peut-être à travers le vide, la pauvreté et l’ambiance white trash que le film cherche à fabriquer les restes abimés d’une décennie de rêve qui n’aura pas su embarquer tout le monde, ce qui explique la création de ce groupe de semi-marginaux. Et pourtant, une fois les présentations faites, il n’y a aucun enjeu ni storytelling qui se démarque suffisamment qui pourrait justifier un quelconque intérêt pour l’ensemble, si ce n’est l’envie passive de mater la belle gueule d’Austin « James Dean » Butler. J’ai passé deux heures à observer un sandwich de tranches de vies empilées les unes sur les autres, sur fond de discours sur la loyauté, ce qu’est un vrai homme et de bruits de moteur, le tout sans aucune saveur.

L’attente m’a donnée l’impression d’être captivée par le film, mais au final The Bikeriders m’a tout simplement déçue par sa vacuité désarmante. On est loin d’un récit sulfureux qui retracerait la réalité ou les origine de groupes comme les Hell’s Angels.
Autant de talents devant et derrière la caméra pour un résultat aussi chiant, c’est presque remarquable.
Au casting, justement, Jodie Comer (Le Dernier Duel, Free Guy, Killing Eve…) adopte la voix et l’accent le plus irritant de son répertoire pour geindre la narration et battre des cils telle une biche effarée, face à un Austin Butler (Dune – Partie 2, Elvis, The Dead Don’t Die…) qui donne tout pour recréer le charisme d’un James Dean et donner de l’envergure à un personnage écrit sur un post-it. Tom Hardy (Venom, Venom 2, The Revenant…) abandonne son symbiote le temps de rouler des mécaniques mais ne parvient qu’à donner une vague performance correcte, qui rappelle un mix improbable entre ses rôles dans Lawless et The Drop.

Autour d’eux, contexte oblige, c’est une Oppenheimer (à savoir peu de femmes et beaucoup d’hommes Blancs interchangeables) : Mike Faist (Challengers, West Side Story…) joue les photographes, Norman Reedus (Triple 9, Sky…) essaie de nous faire croire qu’il peut autre chose que son Daryl Dixon (de The Walking Dead), Boyd Holbrook (Indiana Jones et la Cadran de la Destinée, The Predator…) se fond dans le décor, tandis que Damon Herriman (Le Serpent, Once Upon A Time… In Hollywood…), Beau Knapp (Road House, The Guilty…), Emory Cohen (Blue Bayou, Brooklyn…), Toby Wallace (The Society…) complètent, entre autres, un ensemble interchangeable.
Évidemment, Michael Shannon (The Flash, Amsterdam, Bullet Train…) est au rendez-vous – comme dans tous les films de son ami Jeff Nichols.
En conclusion, The Bikeriders, malgré un casting prometteur, échoue à captiver par son récit décousu et ses personnages sans profondeur. Le film de Jeff Nichols peine à trouver sa direction et laisse le spectateur sur sa faim. Si vous voulez des beaux mecs à bécane, de l’esprit rebelle et du ‘merica f-ck yeah, autant se remater Sons of Anarchy. À éviter.

