
Le pitch : Eddie et Venom sont en cavale. Chacun est traqué par ses semblables et alors que l’étau se resserre, le duo doit prendre une décision dévastatrice qui annonce la conclusion des aventures d’Eddie et de Venom.
La trilogie Venom touche (peut-être ? enfin ?) à sa fin avec Venom: The Last Dance, réalisé par Kelly Marcel, une scénariste qui a fait ses armes sur Cinquante Nuances de Grey, Cruella et les premiers Venom. Et comme on le sait, les scénaristes qui deviennent réalisateurs sont toujours une bonne surprise (non). Ceci dit, rendons à César ce qui est à César : Tom Hardy a également co-signé l’histoire du film !
Ce troisième opus reprend l’histoire là où Venom: Let There Be Carnage l’avait laissée, non sans oublier de faire un clin d’oeil aux événements de Spider-Man : No Way Home. Kelly Marcel signe un film brouillon et paradoxal : tout en étant un « baroud d’honneur » pour le duo Eddie/Venom, il est aussi le symbole des dérives et des limites des films de super-héros contemporains. Le film tente de jouer la carte de la grandeur épique, mais trébuche à chaque étape, nous offrant une expérience chaotique, maladroitement fichue et bien loin de ce que l’on pouvait espérer de la franchise – si espoir il y avait toujours.

L’intrigue de Venom: The Last Dance plonge directement dans une nouvelle menace cosmique : l’arrivée de Knull, un dieu déchu et créateur des symbiotes, retenu captif par sa progéniture et prêt à tout pour les anéantir, ainsi que la Terre par la même occasion (parce que… pourquoi pas ?). Pourtant, tout le potentiel dramatique du personnage et de son lore est sacrifié dans une toile de fond anecdotique, sans la profondeur ni l’échelle qu’un tel personnage aurait mérité. Alors qu’on nous avait teasé une adaptation du crossover « King in Black », qui, sur papier, permettait le rassemblement de plusieurs super-héros, il était évident que sous le drapeau Sony, cela n’aurait pas été possible. Kelly Marcel doit donc contourner le problème, à l’instar du fameux Captain America : Civil War qui avait dû faire sans les mutants et tout un parterre de personnages Marvel. Là où les studios Marvel sont parvenus à un résultat plutôt correct, le film de Kelly Marcel vient tout simplement piétiner tous les espoirs possibles en mettant Knull au placard, au profit d’un déferlement vomitif de CGI qui vieillira très mal.

Il est difficile de ne pas repenser au Spider-Man 3 de Sam Raimi, souvent critiqué pour son traitement de Venom et la façon dont le Peter Parker de Tobey Maguire avait été affecté. Mais plus les films Venom s’accumulent et plus Spider-Man 3 devient de mieux en mieux dans mes souvenirs (sachant que ce n’était pas non plus un mauvais film pour démarrer). Dans ce troisième volet, le personnage de Venom est devenu un gimmick, un running gag pour amuser la galerie, tandis que son statut d’anti-héros / super-vilain se délite gentiment vers celui de clown de service, près à faire quelques pas de danse ou un karaoké improvisé, alors qu’une menace potentiellement dévastatrice lui court après (tant pis, prenons le risque de danser avec Mrs Chen gratuitement lolilol). Résultat, le duo s’essouffle et je souffle fort. Leur lien, autrefois complexe, oscille désormais entre schizophrénie et bromance forcée, donnant lieu à des scènes d’humour maladroites qui tombent le plus souvent à plat.

C’est assez intéressant (ou maso) de faire également un parallèle entre le traitement de Venom et celui de Deadpool, deux personnages dont les acteurs principaux (Tom Hardy d’un coté, Ryan Reynolds de l’autre) ont tout fait pour leur donner vie sur grand écran. Deux personnages d’anti-héros qu’il faut faire basculer du bon coté pour que le public s’y attache, tout en essayant de garder leurs parts d’ombre présentes. Je pense que là où tout s’effondre pour Venom, c’est que Deadpool a su conserver son caractère violent et graphique, exploitant frontalement la violence latente de son personnage. Chez Venom, le traitement est différent : Sony reste frileux, tout public et fait semblant de faire disparaitre des têtes au moins une fois dans chaque film pour nous faire croire à son irrévérence. Malheureusement, la sauce ne prend pas. Si les deux personnages sont fondamentalement assez lourd et devenu leurs propres caricatures, chez Venom, c’est l’œil hagard que j’ai observé ce nouvel opus accumuler les gags grotesques et les effets spéciaux grossiers aux allures de chewing-gum mâchouillés s’étaler sur grand écran !

Le film fait également choix scénaristiques déconcertants, quitte à prendre ses victimes son public pour des buses. À l’heure où on parle d’univers étendu, ce troisième volet suit à peine les traces du film précédent, faisant revenir des seconds voire troisième couteaux pour conserver un semblant de lien inutile. L’impact massif voulu par le scénario se résume finalement à une bagarre brouillonne dans un terrain vague (c’est pas mieux qu’un aéroport hin, je vous vois venir !) et une poignée de nouveaux protagonistes dont on se fiche complètement. Quel est l’intérêt de faire des suites si les personnages restent aussi accessoires ? Venom: The Last Dance s’efforce de saccager tout ce que la franchise à tenter d’installer d’images en images, à travers une coquille vide et trois ligne de scénarios qui tiennent à peine debout, Comble de l’ironie, Kelly Marcel sort son meilleur joker et nous impose la sempiternel famille à sauver, quitte à faire une redite toute droit sortie du Justice League de Joss Whedon. Aucun intérêt !

De plus, la logique de l’univers installée par le premier Venom continue de passer à la trappe. En effet, tout l’enjeu du premier film tournait autour du besoin de trouver le bon hôte pour les symbiotes, sous peine de rejet fatal. Dans Venom: The Last Dance, plus personne ne s’encombre avec se détaille pour mieux se perdre dans une tambouille numérique, à peine visible dans une photographie évidemment nocturne pour camoufler les failles d’une post-production ratée.
Malgré une durée plutôt courte, Venom: The Last Dance marque par son rythme décousu qui rend le film paradoxalement long et pénible, bondissant de scènes d’action en scène d’exposition, sans jamais trouver son équilibre. Chaque tentative de susciter l’émotion ou la tension est noyée par un scénario qui multiplie les digressions sans lien clair entre elles. Les dialogues tentent parfois de capter le ton irrévérencieux qui faisait le charme des premiers films, mais finissent par paraître artificiels et appuyés. Venom, introduit comme un anti-héros carnassier mais un peu loser est d’un coup propulsé en tant que sauveur (le Lethal Protector), mais la sauce ne prend jamais à cause d’une accumulation de gags qui parasite (hihi) l’ensemble. À l’arrivée, le symbiote n’est réduit qu’à une caricature comique, un clown grotesque dans une comédie régressive où l’on peine à trouver le moindre enjeu authentique.

Si Venom: The Last Dance semble, malgré tout, parvenir à faire ses adieux, cela se fait dans la douleur. Et pourtant, Kelly Marcel (sous la houlette de Sony) ose pousser l’audace en ponctuant le film avec deux scènes post-génériques teasant une potentielle suite ! Aberrant ! J’en ai vu des films de super-héros navrants, mais après plus de 20 ans après les premiers X-Men et Spider-Man, c’est difficile de voir un personnage si prometteur dans les comics se transformer en pantin vide à l’écran. Je pense que je préférerai revoir Morbius ou Ant-Man : Quantumania plûtot que ce film avant bien longtemps.

Côté casting, ça fait encore mal. Tom Hardy (The Bikeriders, Capone, The Revenant…), qui incarne Eddie Brock et la voix de Venom depuis le début, a pris dix ans dans la tronche et semble vidé de son énergie, comme si le poids de cette trilogie avait déteint sur lui. À ses cotés, Chiwetel Ejiofor (The Pod Generation, Doctor Strange in the Multiverse of Madness, Le Roi Lion…) peine à trouver la franchise super-héroïque qui lui sied, tandis que Juno Temple (Ted Lasso, Fargo, Maléfique : Le Pouvoir du Mal…), dont j’attendais davantage, manque cruellement de présence. À l’affiche également, Clark Backo (The Changeling…) parvient étonnamment à tirer son épingle du jeu malgré un rôle limité, Stephen Graham (Bodies, The Irishman…) fait peine à voir et Rhys Ifans (The King’s Man : Première Mission, Spider-Man : No Way Home…) vient se perdre dans ce désastre et, cerise sur le gloubi-boulga à peine digeste.
Je pense que Venom envoûte ses acteurs, leurs montrant une version plus prestigieuse du résultat et qu’ils sont tous victimes d’une hallucination collective, qui les persuadent qu’ils participent à un projet phénoménal. Sinon pourquoi Andy Serkis, après avoir réaliser l’infâme Venom 2, aurait accepté d’incarner Knull ?
En somme, Venom: The Last Dance est un désastre artistique et narratif, symbolisant les pièges dans lesquels tombent souvent les franchises de super-héros actuelles qui n’ont pas d’autres enjeux que de conserver coute que coute une licence : une surenchère d’effets spéciaux, des personnages sous-exploités, et une intrigue sans âme ni innovation. Loin de l’audace et de la fraîcheur qu’on aurait pu espérer, le film se perd dans une cacophonie de CGI mal dégrossi, offrant un spectacle stérile et une conclusion bâclée pour un personnage aussi prometteur que l’était Venom en 2018. À tenter… si vous en avez le courage.

PS : étant donné la qualité médiocre du film et le fait qu’on apprend rien de nouveau sur Knull, il n’y aura pas d’article spoilers. Et puis quoi encore !
