Thriller

[CRITIQUE] Wake Up Dead Man – Une Histoire à Couteaux Tirés, De Rian Johnson

Le pitch : Le détective Benoit Blanc collabore avec un jeune prêtre pour enquêter sur un crime totalement inexplicable perpétré dans l’église d’une petite ville au sombre passé.

3 ans après Glass Onion, la franchise À Couteaux Tirés reviens pour un troisième volet. Rian Johnson (Looper, Star Wars VIII…) réactive les ingrédients qui font le sel de ses whodunnit : un casting quatre étoiles mené par Daniel Craig en détective brillant et une intrigue à tiroirs, où s’entremêlent meurtre, secrets et cette fois-ci… religion. On aurait pu craindre une formule déjà essoufflée après le dernier opus, mais Wake Up Dead Man parvient une nouvelle fois à surprendre, notamment par la manière dont il choisit d’aborder son récit.

La première partie de Wake Up Dead Man adopte une construction inattendue, passant par l’écriture d’une lettre qui sert de fil conducteur pour introduire les différents protagonistes. Tous gravitent autour d’un prêtre vieillissant et orageux, figure centrale aussi charismatique que toxique, qui semble prendre un malin plaisir à torturer moralement ses fidèles. J’ai particulièrement apprécié ces nouveaux portraits, plus accessibles et incarnés que les jet-setteurs arrivistes et nouveaux riches de Glass Onion. Ici, Rian Johnson s’intéresse frontalement à l’instrumentalisation de la foi et à ce qu’elle révèle de celles et ceux qui s’y accrochent.

Avec des faux airs de drama à la soap opéra, Wake Up Dead Man pose des bases reconnaissables à travers une galerie de personnages volontairement caricaturaux, comme toujours, mais plus ordinaires et moins clinquants que ceux des deux films précédents. De la croyante rigide et rêveuse qui dirige la paroisse d’une main de fer au jeune prêtre aux méthodes modernes constamment écrasé par l’institution, en passant par un alcoolique repenti, un écrivain torturé, une businesswoman endosse un rôle de martyre, le film aligne brillamment ses archétypes et rend le jeu de piste immédiatement addictif. Très vite, on se prête au jeu des hypothèses, tentant de deviner qui tuera le fameux prêtre tyrannique… et surtout pourquoi.

Heureusement, Rian Johnson évite toute linéarité et se creuse réellement les méninges pour proposer une intrigue à la fois dense, solide et crédible. Comme dans les précédents opus, ce chapitre s’inscrit dans la filiation des grands maîtres du genre, de Sherlock Holmes à Colombo, en passant bien sûr par Hercule Poirot et Agatha Christie. Le récit choisit d’abord de créer davantage de nœuds qu’il n’en défait, forçant le spectateur à lâcher prise et à accepter de se laisser balader. De mon côté, je n’ai pas réussi à deviner qui avait fait quoi, ni pour quelles raisons, et c’est précisément là que le film marque des points, car contrairement à des Scream et autre films du genre, Wake Up Dead Man ne se contente pas de faire tomber ses soldats comme des mouches avant de désigner le dernier survivant comme le tueur au prétexte fumeux. Ici, on retrouve l’excitation du polar, de l’intrigue et du puzzle qui se met en place, comme une image floue qui s’éclaircit peu à peu.

Plus que le “qui”, c’est le “comment” qui devient peu à peu le cœur du mystère. Wake Up Dead Man confronte son enquêteur emblématique à un meurtre impossible, multipliant les fausses pistes et jouant habilement avec l’innocence ou la culpabilité du nouveau protagoniste clé : le jeune prêtre. Ce n’est qu’en fin de course que le brio de la mise en scène se révèle, alors que Rian Johnson agite ses personnages comme autant de marionnettes et de distractions, pour nous occuper l’esprit et brouiller les pistes… Et ça marche, puisque Wake Up Dead Man parvient à nous enfumer jusqu’à la révélation ultime.

Comme dans les précédents films de la saga, Rian Johnson s’amuse à disséquer les travers d’une société fracturée, souvent par l’argent. Là où le premier volet observait les plus nantis se déchirer entre oisiveté et népotisme, tandis que Glass Onion s’attaquait aux faux génies de la tech propulsés au sommet par des manigances douteuses, Wake Up Dead Man utilise la religion comme nouveau prisme. Le film explore ainsi les ambitions plus ordinaires, qu’elles soient politiques, artistiques ou simplement motivées par le désir d’une rédemption et d’un nouveau départ. La tonalité un poil plus mystique de ce nouveau chapitre donne une dimension particulière, tant on peut facilement se reconnaître dans cette quête du pardon et de l’expiation de ses fautes, pourvu que ce soit un accès irréfutable au bonheur.

Au casting : Daniel Craig (Queer, Mourir Peut Attendre, Logan Lucky…) endosse à nouveau le rôle de Benoit Blanc et cette fois, pour le plaisir des oreilles francophones, y va plus mollo dans l’espèce d’accent français improbable mais conserve l’attitude et le charisme qui rend son personnage conquérant. Autour de lui, que de visages connus : Josh O’Connor (The Crown, Lee Miller…), star indie montante depuis le succès de Challengers, affronte un Josh Brolin qu’on aime détesté.
Glenn Close (All’s Fair, The Wife…) continue d’enchaîner des projets qui vont la faire briller jusqu’à l’année prochaine, tandis que Jeremy Renner (Mayor of Kingston, Hawkeye…), Kerry Washington (Little Fires Everywhere, L’École du Bien et du Mal…), Andrew Scott (Ripley, Sans Jamais Nous Connaître…), Cailee Spaeny (Alien: Romulus, Civil War…), Daryl McCormack (Bad Sisters, Twisters…) et Thomas Haden Church (Spider-Man: No Way Home, Hellboy…) complètent un ensemble dynamique et rafraîchissants malgré les travers visibles de leurs personnages.
À l’affiche également, on aperçoit également Jeffrey Wright (The Phoenician Scheme, The Batman…), et c’est un régal de le voir aux cotés de Daniel Craig depuis les James Bond, tandis que Mila Kunis (American Girl, Four Good Days…) tente encore de nous faire croire qu’elle a de l’avenir en tant qu’actrice. Les plus vifs reconnaîtront également une apparition de Joseph Gordon Levitt, avec qui le réalisateur a déjà collaboré pour Brick et Looper.

En conclusion, j’ai clairement apprécié cet épisode, que j’ai trouvé plus accessible, plus travaillé et nettement moins criard que le précédent. J’ai pris un réel plaisir à me laisser piéger par ce thriller retors, accrocheur et riche en rebondissements. Avec Wake Up Dead Man, Rian Johnson réussit le pari d’un troisième whodunnit à la fois surprenant et pleinement maîtrisé. À voir.

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