Après des mois et des mois de teasing autour du film, Suicide Squad est enfin en salles et… autant dire que c’est un peu la douche froide. Alors que David Ayer promettait un film de super vilains cool et irrévérencieux, le résultat est décevant. Suicide Squad partait gagnant en défrichant un terrain à peine amorcé par Deadpool plus tôt cette année, les « pires méchants de l’univers DC Comics » semblent tout droit venus du pays des Bisounours : on aura beau nous promettre des personnages violents, fous ou cannibales, le film de David Ayer ne lâche pas un pet de violence ni une goutte de sang. On retrouve le problème inhérent aux films Warner/DC : une ambition visible masquée par une exécution bancale et fouillie. Si certains personnages feront l’unanimité, le film est ampoulé par des actes de manqués, des flashbacks à rallonge et des efforts bien trop visibles pour jouer la carte du cool à travers une bande-originale poussive et de l’humour peu subtil. Néanmoins, on est loin de la catastrophe : dans l’ensemble, Suicide Squad assure le divertissement et pose d’excellentes bases pour ses héros atypiques. Mais bon… c’est loin d’être suffisant.
Le pitch : Les pires méchants de l’univers DC Comics réunis dans un même film.
C’est tellement jouissif d’être un salopard ! Face à une menace aussi énigmatique qu’invincible, l’agent secret Amanda Waller réunit une armada de crapules de la pire espèce. Armés jusqu’aux dents par le gouvernement, ces Super-Méchants s’embarquent alors pour une mission-suicide. Jusqu’au moment où ils comprennent qu’ils ont été sacrifiés. Vont-ils accepter leur sort ou se rebeller ?
Décidément, 2016 n’est pas un très bon cru pour la team Warner/DC (et pour les fans hardcore de DC). Après le succès mitigé de Batman v Superman – L’Aube de la Justice largement rattrapé par la nouvelle dimension mythologique et psychologique proposée autour de la Trinité, j’attendais avec impatience Suicide Squad. Pas uniquement parce que je suis fan d’Harley Quinn (♦♦♦) mais parce que – et encore plus après Deadpool – il était temps de voir des super héros ou super vilains se lâcher au cinéma. Alors forcément, dès la première bande-annonce il y a un an, le film de David Ayer (Fury, End of Watch et également scénariste de Training Day et de Fast and Furious…) promettait une avalanche de fun avec sa bande de méchants dangereux déterrés au fin fond d’une prison pour rebus de l’humanité et chargés de sauver le monde.
Sur le papier, Suicide Squad en mettait plein la vue et je m’attendais à une sorte de mix entre entre l’originalité funky des Gardiens de la Galaxie, la violence gratuite et trash de Deadpool et la noirceur de l’ambiance Gotham, douée d’une écriture profonde sur la psychologie de ses personnages (comme cela a été fait pour BvS). Car depuis des années, quand on oppose les films Marvel (Studios) et Warner/DC, je suis assez d’accord pour dire que si l’un joue la carte du grand spectacle léger, l’autre préfère un univers plus sombre et torturé.
Et c’est là que Suicide Squad avait le champ libre, car 2016 est l’année de la prise de risque pour les 3 principaux studios qui ont chacun proposé un film un peu différent de leurs habitudes : la Fox a osé Deadpool avant de rester safe avec X-Men Apocalypse, tandis que Marvel Studios va se frotter à la magie avec Doctor Strange, alors que Captain America Civil War a bien cartonné. C’était donc l’occasion de souffler un vent de renouveau en présentant des bad guys déjantés et en roue libre, afin de sortir les films de super-héros de leurs dimensions familiales et conviviales, à la bonne morale fédératrice, pour foncer les yeux fermés dans le trash, le poisseux et pourquoi pas, la folie psychopathe.
Enfin, c’est ce que je croyais.
Mais alors que s’est-il passé ? Il faut savoir que juste avant sa sortie, Suicide Squad a subi un remontage de dernière minute, du coup on ne saura pas avant quelques temps si une autre version du film sera disponible (et donc plus réussie).
De façon générale, Suicide Squad tient en partie ses promesses : le film choie ses personnages en leur offrant une mise en abîme alléchante, même si certains sont un peu abandonnés sur le bas-coté. Deadshot (Will Smith) règne sur le film, Harley Quinn (Margot Robbie) et le Joker (Jared Leto) complètent ce trio diabolique qui dynamise le film à chacune de leurs apparitions. David Ayer affectionne sa bande de « dégénérés » et le fait savoir en les bichonnant à travers des scènes d’action souvent mordantes et efficaces, tout en puisant dans une bande-originale rythmée. De plus, alors que la promotion du film laissait supposer que le Joker serait LA menace du film, Suicide Squad dévoile en cours de route une autre intrigue qui permet aux spectateurs de bien rester accrochés.
Seulement voilà, si le film est globalement plaisant, on est loin de la folie irrévérencieuse annoncée avec ces super vilains tout gentils, qui s’émeuvent aux larmes dès qu’ils entendent une histoire tristoune ! On parle quand même de personnages qui tuent sans pitié pour vivre, sont complètement fêlés, ont des tendances cannibales ou un problème de colère plutôt flamboyant… tous envoyés aux oubliettes car ils sont trop dangereux. Et malgré ce discours soigneusement répété à grands renforts d’introductions colorées et de flashbacks alléchants, Suicide Squad reste en surface en n’ayant de sombre que sa photographie très « Gothamienne » (ou Snyderienne…). Pas de sang, peu de violence, de la mort édulcorée… Suicide Squad ose l’empreinte familiale là où j’attendais du Rated R !
Du point de vue « origin story », Suicide Squad avait la lourde de tâche de présenter une ribambelle de personnages -peut-être un peu trop pour David Ayer-, mais s’emmêle les pinceaux avec son trop plein de personnages, manque trop souvent de subtilité (viens j’asticote celui qui veut pas se battre et… oh méga pouvoir ! quelle surprise u_u), pose la majorité de son action en dehors du vrai danger et veut se la jouer beaucoup trop cool avec une bande-originale mal accordée aux scènes. Les idées fusent de partout et les intentions de David Ayer sont honorables, mais à l’arrivée le traitement révèle un sérieux manque de maîtrise et des conflits d’intérêt concernant à la fois la popularité de certains acteurs/personnages et l’ambition de séduire un public pré-conquis par l’étiquette « super héros ».
D’ailleurs, coté casting : en tête d’affiche trônent Will Smith (Seul Contre Tous, Diversion, After Earth…) qui, visiblement joue son va-tout avec ce rôle éclaboussé par un égo évident, pourtant desservi par une écriture trop safe ; Jared Leto (Dallas Buyers Club, Mr Nobody…) incarne une nouvelle version du Joker sous une facette méconnue (puisque son personnage vit grâce à Harley Quinn), l’acteur offre une performance habitée qui donne envie d’en voire plus [Note de Dunnø : six ans après, j’assume toujours cet avis sur Jared Leto] ; Margot Robbie (Tarzan, Diversion, Le Loup de Wall Street…), valeur sexy et fofolle du film, assure en Harley, même si son personnage est parfois dénaturé pour le film (depuis quand Harley Quinn se tape comme une Black Widow ? jamais).
A noter également : Viola Davis (How To Get Away With Murder, Prisoners…), exquise en Amanda Waller, interprète probablement le personnage le plus malsain et mauvais du film au final !
Autour de ce beau monde, certains s’en sortent mieux que d’autres, mais cela se joue à un cheveu : Jai Hernandez (Gang Related…) en El Diablo, Adewale Akinnuoye-Agbaje (Thor : Le Monde des Ténèbres…) en Killer Croc et même Karen Fukuhara (Arrow…) en Katana parviennent à choper une part de gâteau. Joel Kinnaman (RoboCop…) tient bien son rôle mais les ambitions de son personnage le rendent plutôt moyen, Cara Delevingne (Pan, La Face Cachée de Margo…) est très très moyenne et bien trop surestimée à Hollywood, Adam Beach (Cowboys et Envahisseurs…) s’est totalement fait avoir et le personnage de Ike Barinholtz (Nos Pires Voisins 2…) est un peu frustrant.
Hmmm… il manque quelqu’un non ? Ah oui, la version physiquement potable de Channing Tatum mais tout aussi fadasse, j’ai nommé Jai Courtney (Terminator Genisys…), qui, comment dire, aurait tout aussi bien pu ne pas être là vu que son personnage est un énorme troll sur pattes.
D’autres surprises sont à prévoir au casting, même si le caméo le moins secret est celui de Ben Affleck qui renfile le costume de Batman pour l’occasion. Le reste, je ne dirais rien 🙂 (je suis trop sympa).
En conclusion, depuis plus d’un an, la promotion de Suicide Squad a fait monter la sauce en balançant des trailers musclés et des images pop autour du film. Avec un tel dévouement, il faut avouer que Warner/DC ne se laissait aucune chance : quand un film devient aussi attendu, ça passe ou ça casse. Pourtant, fondamentalement Suicide Squad n’est pas mauvais : le film de David Ayer divertit et se pose comme une bonne « origin story » en introduisant des personnages marquants, mais l’ensemble manque sacrément de punch et transforment des bad guys notoires et déjantés en une bande de sales gosses débraillés avec un cœur gros comme ça. Quel dommage.
À voir, pour juger du résultat par vous-même sans vous laisser influencer par le bashing en règle que subit le film sur Internet.
PS : une scène bonus se cache dans le générique.
MàJ : après avoir vu la version longue, soit 13 minutes supplémentaires incluant notamment des scènes avec le Joker, Suicide Squad gagne… en ridicule. Mais quelle déception !