Moderne sur la forme, plutôt datée sur le fond : cette nouvelle adaptation du roman de Stephen King tente de moderniser un film old school en proposant des personnages qui tiennent la route malgré un tableau très formaté. Le film de Kevin Kölsch et Dennis Widmyer s’avère bien trop sage et codifié pour tenir ses promesses. Parfait pour une soirée Halloween pour les plus sensibles, Simetierre choisit la facilité contemplatrice ponctuée par des jumpscares et autres artifices nocturnes pour fonctionner, ce qui plombe un film qui aurait pu faire des étincelles s’il avait osé sortir de la zone de confort des films de genre actuels qui préfèrent assurer les entrées en salles, plutôt que de satisfaire les amateurs de sueurs froides.
Le pitch : Le docteur Louis Creed, sa femme Rachel et leurs deux jeunes enfants quittent Boston pour s’installer dans une région rurale du Maine. Près de sa maison, le docteur découvre un mystérieux cimetière caché au fond des bois. Peu après, une tragédie s’abat sur lui. Creed sollicite alors l’aide d’un étrange voisin, Jud Crandall. Sans le savoir, il vient de déclencher une série d’événements tragiques qui vont donner naissance à de redoutables forces maléfiques.
Après Carrie, La Vengeance (2013), La Tour Sombre et Ça en 2017 (en passant par l’excellent Jessie sur Netflix), c’est au tour de Simetierre de faire l’objet d’une (nouvelle) adaptation d’un roman de Stephen King. Nouvelle, oui, car Simetierre a déjà connu une première vie sur grand écran en 1989 sous la houlette de Mary Lambert, une époque où le cinéma d’épouvante s’invitait dans les maisons tranquilles pour faire flipper le public avec peu d’efforts pourvu que ce soit sombre et paranormal. Trente ans plus tard, et en ignorant ostensiblement Simetierre 2, les studios Paramount ressuscitent cet objet obscure made in 80s et confient la réalisation à un duo de réalisateurs, Kevin Kölsch et Dennis Widmyer, qui se sont déjà exercés sur des films d’épouvante peu connus, dont Mamá 2 – la suite d’un premier film avec Jessica Chastain.
Il y a quelque chose de familier et de réconfortant quand débute un film de ce genre avec une famille bienheureuse qui vient emménager dans une grande maison perdue dans la pampa et entourée par une forêt à peine flippante. Simetierre renoue avec une structure classique, certains diraient hyper clichée, qui permet de se laisser embarquer sans avoir à réfléchir, tout en passant plus rapidement dans le vif du sujet et en évitant d’élaborer une installation trop complexe. Le film démarre donc avec ce père médecin qui décide de changer de décor pour exercer dans une petite bourgade du Maine. Avec lui, sa famille l’accompagne, ainsi qu’une épouse dont les traumas d’enfance vont rapidement entamer l’apparente tranquillité du tableau et un chat qui saura faire honneur à ses pairs félins. Pour compléter le tout, vous reprendrez bien un cimetière d’animaux dans le jardin, entretenu par des gamins aux masques d’Halloween d’animaux !
En quelques minutes, Simetierre pose un décor saisissable et n’a plus qu’à s’amuser avec une histoire clé-en-main, composée de morts vivants et de sursauts nocturnes. Et pourtant, Kevin Kölsch et Dennis Widmyer avancent avec une précaution désarmante, ignorant toutes les opportunités angoissantes qui leur tendent les bras. Si en 1989, le public n’était pas habitué aux films d’épouvante graphiques et que la tension se construisait plutôt dans les non-dits en lieu et place de l’explicite, de nos jours la donne est bien différente et les amateurs de sueurs froides ne demandent qu’à avoir les cheveux qui se dressent sur la tête. Avec Simetierre, on passe peu-à-peu de la promesse terrifiante à un petit film de trouille tranquille et bien trop safe pour faire saliver les aficionados de l’horreur.
En effet, la première partie du film mise à bon escient sur l’incertitude générale alors que les premiers phénomènes étranges ont lieu et qu’un compagnon à quatre pattes refait surface. Tout prête à distiller une tension flippante mais à chaque fois que Simetierre s’approche de la limite du confortable, le film fait trois pas en arrière en refusant de céder à l’épouvante classique pour s’en écarter avec une pirouette décevante. Alors que cette première partie est sensée baliser le terrain pour la suite, Kevin Kölsch et Dennis Widmyer se réfugient dans des clichés paresseux (et un chat bien dressé… ou pas), tirant beaucoup trop sur la corde du jumpscare et des murmures dans la nuit.
La bonne nouvelle, finalement, c’est que Simetierre profite de ses trente ans de maturité pour revisiter son concept et offre un twist intelligent par rapport à son support original. Alors que le film de 1989 n’osait pas trop utiliser ses jeunes personnages humains comme pendants horrifiques, en dehors du dernier acte plutôt expédié, cette nouvelle version de Simetierre a bien compris où résidait le potentiel du film. C’est ce changement principal qui donne un regain de vie à une intrigue linéaire, car au-delà du concept du zombie, quand un enfant devient creepy c’est toujours plus intéressant ! Globalement, j’ai aimé la déconstruction méticuleuse de cette cellule familiale qui va inexorablement basculer dans l’horreur : la deuxième partie du film s’amuse à trancher les liens qui unissent les personnages avec un second degré plutôt efficace et l’utilisation d’un personnage à contre-emploi pour rendre l’ensemble dérangeant. Cependant, je reproche à Simetierre de ne pas avoir su aller plus loin, ni dans sa mise en scène très académique, ni dans son exploration presque onirique du passé de ses personnages ainsi que la vie après la mort (ou pendant la mort, c’est selon).
Le film de Kevin Kölsch et Dennis Widmyer parvient presque à se rattraper avec ce décalage, brisant la famille parfaite pour transformer les liens les plus purs en une partie de cache-cache meurtrier. Cependant, l’ensemble reste toujours trop sage : là où on nous promettait de l’angoisse, du frisson et potentiellement du gore, je me suis retrouvée devant un Simetierre revitalisé, certes, mais au traitement encore daté qui n’ose jamais utiliser les nombreuses possibilités offertes par son intrigue. D’ailleurs, bien que Simetierre parvient à nous faire suivre son fil de bout en bout, il reste néanmoins des creux inexpliqués : l’origine du cimetière est vaguement évoqué, la mise en place étrange avec les enfants n’est là que pour la décoration, tandis que l’entourage et le quotidien de la famille devient rapidement superflu, ce qui rend la crédibilité générale du film parfois bancale si on se penche dessus.
Visuellement, on sent que Kevin Kölsch et Dennis Widmyer sont des habitués du micro-budget ou du format DTV : le film ne réinvente pas la roue mais ne l’améliore pas non plus. Les décors naturels (la forêt, la maison…) sont très bien choisis et servent habilement le contexte oppressant de l’histoire, mais le clou du spectacle renifle bien trop le pré-fabriqué en studio. L’ensemble manque souvent d’audace aussi bien du point de vue esthétique que narratif et se contente de réchauffer un plat déjà prêt à servir, en changeant quelques ingrédients pour faire la blague. Au final, Simetierre fait le job en racontant son histoire, partiellement prévisible puisqu’il s’agit tout de même d’un remake, mais échoue cruellement quand il faut proposer de la nouveauté et tenir ses promesses.
Au casting justement : Jason Clarke (First Man, La Malédiction Winchester, La Planète des Singes – L’Affrontement…) incarne ce papa dévoué avec conviction, plus que l’interprète du premier film d’ailleurs, et parvient à tenir le film sur ses épaules en passant habilement à travers les émotions de son personnage. À ses cotés, on retrouve John Lithgow (Miss Sloane, Mr Wolff…) et Amy Seimetz (Alien: Covenant, The Girlfriend Experience…), chacun très bons dans leurs rôles, tandis que Jeté Laurence (Le Bonhomme de Neige…) parvient à revitaliser une trame à peine éveillé en s’amusant avec le double visage de son personnage.
En conclusion, comme beaucoup de films d’épouvante aujourd’hui, Simetierre botte en touche coté frissons pour s’assurer un plus large accès auprès du public en salles (une interdiction aux moins de 16 ans réduisant considérablement les prévisions au box office pour un film de genre). Si Kevin Kölsch et Dennis Widmyer revitalise le roman de Stephen King, ils conservent néanmoins la facture datée du premier film de 1989 en livrant un ensemble peu affolant qui rechigne visiblement à cultiver de véritables moments d’angoisse au profit d’une lecture en demi-teinte qui pourrait éventuellement satisfaire les plus jeunes sensibles aux ambiances nocturnes et aux jumpscares. Ceci étant dit, mais pour ceux qui aiment se faire peur, on repassera. À tenter.
PS : Je note qu’il reste toujours difficile de traduire en image les écrits d’un des maîtres de l’horreur, cependant je continue d’espérer un remake de Cujo et de Charlie (Firestarter). Croisons les doigts !