Drame

[CRITIQUE] Nomadland, de Chloé Zhao

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Le pitch : Après avoir tout perdu durant la crise économique mondiale de 2008, Fern, une sexagénaire, se lance dans un voyage à travers l’Ouest américain, vivant en tant que nomade des temps modernes dans une camionnette.

Alors que la possibilité de voyager commence tout juste à se dessiner après plus d’un an de confinements successifs, Nomadland offre la possibilité de s’évader à travers un road-trip dans les décors sauvages d’une Amérique comme on la voit rarement : indomptée, humaine et authentique.
Dès sa présentation à la Mostra de Venise 2019, le film de Chloé Zhao (The Rider, les Chansons que mes Frères m’ont Apprises…) a été couronné de prestigieuses récompenses, d’abord avec le fameux Lion d’Or jusqu’à une triple récompense aux Oscars : Meilleure réalisatrice pour Chloé Zhao, Meilleur film et Meilleure actrice pour Frances McDormand. Forcément, avec un tel palmarès, Nomadland est attendu comme le loup blanc sur nos écrans : vaut-il autant le détour ?

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Nomadland est ce qu’on appelle communément un « film à Oscar » : un film dont on voit arriver les gros sabots à dix kilomètres tant il coche de nombreuses cases entre performances artistiques, d’acting et la volonté d’émouvoir à travers un sujet fédérateur. Nombreux sont les films qui entrent dans ces critères, peu sont ceux qui parviennent à repartir avec la (ou les) statuette(s) attendue(s), souvent par manque de subtilité ou tout simplement parce que le climat souvent politique qui entoure les cérémonies de récompenses ne le permet pas. Autant dire que le fait d’avoir une femme réalisatrice (issue d’une minorité qui plus est) et un rôle principal féminin fort ont permis à Nomadland de se démarquer au cours d’une année particulière.
Heureusement, ce ne sont pas uniquement ces choix qui font de Nomadland un film réussi, car si Frances McDormand porte le film sur ses épaules, il y a un autre personnage omniprésent qui lui vole la vedette : l’Amérique, à travers une simplicité et une immensité conquérante.
Depuis les petits jobs que cumulent l’héroïne jusqu’aux traversées du désert – aussi bien au sens propre qu’au sens figuré, Nomadland dessine le portrait d’une Amérique, au visage humain, multiple et accessible à travers la rencontre de ses nomades qui ont choisi un mode de vie alternatif, renonçant à une société dévorée par le capitalisme. Nomadland conjugue marginalisation et appartenance, isolation et liberté, évasion et émancipation, le tout dans un décor qui colle parfaitement aux émotions traversées par le van de Fern, alors que son histoire s’affine au contact des autres.

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La présence des décors, sublimés par des plans larges et une photographie superbe, vient souligner les propos du film, son coté sauvage, tantôt froid, tantôt aride, pour mieux faire écho aux non-dits du personnage principal. Une forme subtile que j’avais apprécié à l’époque devant Portrait de la Jeune Fille en Feu.
Finalement, ce n’est pas tant la vie de nomade qui est intéressante, mais le fait que ce film arrive à point nommé pour rendre aux Etats-Unis la part d’humanité que le pays semble avoir perdu après 4 ans d’une présidence discutable et peu de temps après des émeutes qui ont continué à creuser les différences. Du coup, Nomadland fait l’effet d’un nouveau souffle, présentant le revers d’une médaille comme l’opportunité d’avancee, de pardonner et voire même de guérir, le tout soulignée par une bande-originale superbe signée par Ludovico Einaudi (Samba, Intouchables, The Father…).

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Cependant, avec tout l’engouement qu’il y a autour du film de Chloé Zhao, Nomadland a tout de même un coté déceptif. La lenteur et le coté contemplatif et passif du récit viennent souvent alourdir une histoire qui semble parfois s’étirer à l’infini et ressasser trop souvent les mêmes thématiques (la perte de repère, le deuil, le manque financier ou matériel…) à chaque rencontre ou retrouvailles. De plus, la bande-originale, aussi magnifique soit-elle, ne parvient pas à dynamiser un ensemble parfois soporifique – n’ayons pas peur des mots. Du coup, je me demande parfois d’où vient ce sacre aux Oscar, après des films au palmarès similaires comme Parasite en 2020, La Forme de l’Eau en 2018, La La Land euh -oops-… Moonlight en 2017, The Revenant et Mad Max Fury Road en 2016 ou encore Gravity en 2014. Certes les talents de réalisatrice de Chloé Zhao sont prometteurs (notamment pour son prochain film Eternels chez Marvel) et celui de Frances McDormand ne sont plus à prouver, il faut tout de même admettre que les paysages américains n’ont pas attendu la caméra de Chloé Zhao ni le directeur photo Joshua James Richards, pour être aussi fantastiques et que le personnage de Fern n’a rien à envier à une certaine Marge (dans Fargo) ou autre Mildred (3 Billboards).
D’ailleurs, coté casting, autour de Frances McDormand on retrouve aussi David Strathairn (Godzilla 2 : Le Roi des Monstres, The Expanse…) dans dit que la performance touchante des vraies nomades, Linda May et Swankie, apporte encore plus d’authenticité aux propos du film

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Pour ma part, j’ai trouvé Nomadland beau dans son exécution et sa démonstration, donnant envie de s’évader en quête d’introspection à son tour, entouré par des paysages à couper le souffle. Mais globalement, une fois les enjeux établis, l’ennui a rapidement pointé le bout de son nez et l’ensemble manque souvent de dynamisme à force de se ressasser tout du long, frôlant de très près le pathos à quelques moments. Alors certes, Nomadland a été le favori cette année aux Oscars, mais n’oublions pas que 2020 a été une année cinéma particulière… Le film de Chloé Zhao aurait-il eu autant de récompenses s’il n’y avait pas eu le Covid (le calendrier initial de 2020 était plutôt alléchant) ? Pour être tout à fait honnête, je ne sais pas si j’aurai eu autant d’attente pour Nomadland sans le succès qui a précédé sa sortie et par conséquent, j’en suis ressortie pas mal déçue – mais conquise par la bande-originale – et je suis probablement passée à coté du chef d’œuvre attendue. A voir, néanmoins, pour se faire son propre avis sur le meilleur film de 2020.

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