Le pitch : Alors qu’elles sont en route pour les Gay Games de Tokyo, les Crevettes Pailletées ratent leur correspondance et se retrouvent coincées au fin fond de la Russie, dans une région particulièrement homophobe…
3 ans après le succès du premier film, le duo Cédric Le Gallo et Maxime Govare rempile pour la suite des aventures de notre équipe de water-polo la plus délirante avec La Revanche des Crevettes Pailletées.
Si le premier film posait un décor pétillant sur une équipe de water-polo LGBT+ en route pour les Gay Games, guidée malgré eux par un coach récalcitrant, Les Crevettes Pailletées m’avait séduite par sa légèreté assumée et sa bonne humeur. Fait pour détendre, le film allait road-trip et buddy movie dans une ensemble qui affichait clairement son drapeau arc-en-ciel, quitte à épaissir parfois le trait à travers des personnages hauts en couleurs et quelques clichés. Cependant, entre humour et morale bien pensante, Cédric Le Gallo et Maxime Govare avaient réussi à proposer une comédie agréablement décomplexée, relevée par une pointe de militantisme à travers un message important sur la tolérance.
Pour ce nouvel opus, les réalisateurs font le choix de la maturité. Après la fin du premier film teinté par le décès d’un des personnages, les Crevettes se réunissent à nouveau pour rendre hommage au disparu en allant participer au Gay Games de Tokyo. Avec l’arrivée d’un nouveau coéquipier visiblement mécontent d’être embarqué dans la sphère LGBT+, on pourrait croire que La Revanche des Crevettes Pailletées fait dans la redite facile. Et pourtant, cette fois le film va creuser un peu plus frontalement les dangers de l’homophobie à travers leurs escapade imprévue en Russie. Certes, dans le premier film, les personnages sont déjà confrontés à ce problème, mais la suite se révèle bien plus sombre. Cette fois, la bonne humeur des personnages ne suffira pas à les sauver dans ce pays où les règles sont différentes et la tolérance officiellement reléguée aux oubliettes. Même si l’ensemble conserve jusqu’au bout un ton léger à la langue bien pendue, le changement de température est palpable alors le film aborde les nombreux risques auxquels sont confrontés la communauté rainbow. Lynchage gratuit, thérapie de conversion forcée, xénophobie… La liste s’allonge et le film prend parfois les détours du film douloureux quand la réalité moins glamour frappe de plein fouet l’ambiance festive du début du film.
Plus qu’un appel à la tolérance et à la défense des droits LGBT+, La Revanche des Crevettes Pailletées répond aussi, selon moi, aux détracteurs du premier film qui s’étaient plein que les personnages étaient trop caricaturaux et exubérants. Mais comme le film le souligne bien, c’est grâce à cette partie de la communauté qui refuse, à raison, de se cacher ou de se tempérer, que le combat avance. Faut-il rentrer dans le rang pour exister ou s’affirmer pour être accepter ? C’est la question que nous renvoie le film en pleine tronche. Etant racisée, je trouve que c’est l’un des points forts du film, car même si je suis hétéro (et gay friendly), c’est un sujet qui me touche particulièrement puisque des des gens qui ont refusé de se taire bien avant moi font partie des raisons pour lesquelles je peux vivre librement en France ou dans d’autres pays du monde, par exemple. Et en ces temps particulièrement troubles d’élection présidentielles, cette invitation à la tolérance et à la lutte contre les injustices et autres crimes types homophobie et racisme arrive comme une bouffée d’air frais.
Cependant, même si j’ai globalement adoré l’ensemble, La Revanche des Crevettes Pailletées présente quelques défauts narratifs. Bien que cela n’empêche pas d’apprécier le film, le scénario s’éparpille et a souvent du mal à trouver l’équilibre entre l’aspect engagé de son histoire et l’évolution de ses personnages. Ainsi, certains sont mis sur le carreau, d’autres vivotent avec des arcs à peine creusés ou abandonnés en cours de route… Résultat, Cédric Le Gallo et Maxime Govare optent souvent pour des raccourcis faciles et des twists toujours prévisibles pour chercher le happy end, ce qui donne l’impression qu’il ne manquerait pas beaucoup pour faire de La Revanche des Crevettes Pailletées un film presque parfait.
Globalement, le film renoue avec les bons ingrédients du premiers opus : tous les personnages sont super attachants, le récit est porté par une ambiance faite d’amitiés et de romances (un peu moins de sexe cette fois) qui parvient, malgré le contexte plus sombre, à conserver son coté ensoleillé et enthousiasmant. Alors certes, on voit très peu (voire quasiment pas) de water-polo (juste une séance d’entrainement qui tourne court rapidement), mais avouons-le : ce n’est pas ce qui m’a fait retourner en salles pour voir ce film que j’attendais 😀
Au casting : forcément Alban Lenoir (Cheyenne et Lola, Kaamelott : Premier Volet…) manque à l’appel malgré ses apparitions caméoesques, c’est donc Nicolas Gob (Le Châlet, Le Pont des Oubliés…) qui leade le film, épaulé par sa bande de joyeux drilles turbulents : David Baiot (Caïn, H24…) tente d’échapper au deuil, Roland Menou lutte entre ses choix de coeur et ses conviction politiques et Romain Brau (Haute Couture, Une Femme du Monde…) reste clairement l’atout charme du casting, tandis que Félix Martinez s’est laissé pousser les poils et s’impose un peu plus dans le groupe. Autour d’eux, Geoffrey Couët et Romain Lancry participent à l’effervescence, tandis que Michaël Abiteboul (Selfie, BAC Nord…), malgré son rôle plus en retrait, parvient à être l’écho hétéro-normé du film. Parmi les petits nouveaux, Bilal El Atreby joue un personnage complexe dont j’aurai aimé exploré un peu plus les contradictions, tandis que Benoît Maréchal pourrait en faire chavirer plus d’un.e.
En conclusion, quel plaisir que de retrouver les Crevettes en forme et prête à en découdre ! J’avais adoré le premier film et Cédric Le Gallo et Maxime Govare parviennent à livrer une suite réussie qui échappe à la redite grâce à une tonalité plus sombre, en se confrontant à l’homophobie de manière frontale. Si La Revanche des Crevettes Pailletés garde sa bonne humeur attachante et contagieuse tout du long, l’appel à la prise de conscience d’une réalité moins tolérante (voire plus dangereuse) vient remettre les pendules à l’heure dans une comédie plus engagée. Oui, nos personnages sont assumés et extravagants, mais voici le revers de la médaille. Entre se taire et agir, les Crevettes ont choisi. À voir, évidemment !