Drame

[CRITIQUE] Saltburn, d’Emerald Fennell

Le pitch : L’étudiant Oliver Quick, qui peine à trouver sa place à l’université d’Oxford, se retrouve entraîné dans le monde du charmant et aristocratique Felix Catton, qui l’invite à Saltburn, le vaste domaine de sa famille excentrique, pour un été qu’il n’oubliera pas de sitôt.

Après l’excellent Promising Young Woman, un premier film remarqué et multi-récompensé, dont l’Oscar du Meilleur scénario original, la réalisatrice et actrice Emerald Fennell (The Crown, Barbie, Call The Midwife…) revient avec un nouveau film tout aussi cinglant, tortueux et sardonique.

Saltburn nous plonge dans le monde luxueux d’une famille aisée, mettant en lumière le luxe, les faux-semblants et les attitudes calculées dans une dramédie noire qui évolue subtilement vers une tragédie encore plus sombre. Le film explore divers tableaux, du choc culturel à l’université d’Oxford aux méandres d’une bromance estivale à sens unique, tout en surprenant le spectateur par son récit niché quelques parts entre Parasite et Call Me By Your Name. Emerald Fennell offre une expérience captivante, invitant le public à se laisser guider sans anticiper l’issue du film.

Dans Saltburn, l’aspect contemplatif se mêle à des rebondissements inattendus grâce à des personnages variés et bien développés. Du comportement hautain des riches étudiants à une famille si riche qu’elle semble déconnectée de la réalité, les personnages du film se révèlent progressivement, créant une sensation de découverte d’un cabinet de curiosités. Emerald Fennell nous cocoonne  dans une bulle privilégiée où tout semble permis. Le personnage principal sert de repère accessible au spectateur, tandis que Saltburn dévoile les fantaisies diurnes et nocturnes de ce microcosme excentrique.

Mais au lieu de le sublimer, Saltburn maintient une perspective lucide. Derrière chaque sourire et regard complice, le film révèle une réalité sombre où la jalousie, la manipulation et l’obsession règnent. Il explore subtilement le passage de l’affection à l’obsession, de l’admiration à l’envie, assombrissant progressivement l’atmosphère estivale sans perdre l’humour noir caractéristique d’Emerald Fennell. À l’instar de Promising Young Woman, Saltburn prend des détours inattendus, soulignant que l’innocence, qu’elle soit morale ou réelle, devient de plus en plus illusoire.

Je pense même qu’il existe un parallèle biblique dans Saltburn, alors que l’intrigue semble explorer les sept péchés capitaux. La colère, la paresse, l’avarice, la luxure, l’envie, la gloutonnerie et l’orgueil se manifestent à travers les personnages, ajoutant une dimension grinçante et parfois choquante. Une citation du Nouveau Testament, « Gardez-vous des faux prophètes… », renforce d’ailleurs cette idée de masques trompeurs portés par certains personnages.

Au cœur de Saltburn, le film met brillamment en lumière la confiance excessive des riches, qui, immergés dans leurs egos, ne remettent jamais en question leur invincibilité, créant ainsi un jeu subtil autour de la crédulité et de l’arrogance.

Au casting : Barry Keoghan (Les Éternels, Les Banshees d’Inisherin, The Batman…) livre une performance qui rappelle un peu son personnage dans Mise à Mort du Cerf Sacré, en moins intimidant ceci dit. À ses cotés, Jacob Elordi (The Kissing Booth, Euphoria…) joue de son image et parvient à nous faire douter de ses intentions. Autour d’eux, on retrouve Rosamund Pike (La Roue du Temps, I Care a Lot, Radioactive…), excellente en mère de famille décalée, régnant sur un ensemble composé par Richard E. Grant (Loki S1, Les Faussaires de Manhattan, Logan…) et Alison Oliver (Conversations With Friends…), tandis qu’Archie Madekwe (Gran Turismo, Midsommar…) s’invite à la fête et que Carey Mulligan (Collateral, She Said, Promising Young Woman…) fait un passage remarqué.

En conclusion, Emerald Fennell ne déçoit pas avec un deuxième film un poil plus subtil et imagé que Promising Young Woman, mais tout aussi captivant. Mêlant habilement les apparences trompeuses de la haute société à une trame narrative tordue, Saltburn explore les relations humaines et surtout comment l’argent renverse le pouvoir des uns sur les autres. Entre excès de confiance et détachement des réalités, Saltburn rappelle brillamment qu’il n’est pas toujours bon d’ouvrir la porte à l’inconnu. À voir.

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