Le pitch : Laurie Strode, sa fille Karen et sa petite fille Allyson viennent d’abandonner le monstre au célèbre masque, enfermé dans le sous-sol de la maison dévorée par les flammes. Grièvement blessée, Laurie est transportée en urgence à l’Hôpital, avec la certitude qu’elle vient enfin de se débarrasser de celui qui la harcèle depuis toujours. Mais Micheal Myers parvient à s’extirper du piège où Laurie l’avait enfermé et son bain de sang rituel recommence. Surmontant sa douleur pour se préparer à l’affronter encore une fois, elle va inspirer la ville entière qui décide de l’imiter et de se soulever pour exterminer ce fléau indestructible. Les trois générations de femmes vont s’associer à une poignée de survivants du premier massacre, et prennent les choses en main en formant une milice organisée autour de la chasse et la destruction du monstre une fois pour toutes. Le mal meurt cette nuit.
En 2018, David Gordon Green (Stronger, Que Le Meilleur Gagne, Joe…) proposait un nouveau film Halloween renouant le tueur masqué culte avec sa cible préférée, Laurie Strode, incarnée par une Jamie Lee Curtis badass, pour célébrer les quarante ans du film original réalisé par John Carpenter. Le succès est au rendez-vous puisque le film Halloween offrait une intrigue stressante, animée par la violence d’un psychopathe fantomatique, tout en contribuant à tisser la légende du croquemitaine invincible et surhumain. Pas étonnant donc qu’une suite ait rapidement été mise en branle, même une trilogie puisqu’après Halloween Kills, le film Halloween Ends est déjà prévu pour 2022.
Ironie du sort, c’est justement l’annonce de cette trilogie qui provoque le gâchis qu’est Halloween Kills. Souvenez-vous de ces sagas tel Hunger Games, Harry Potter ou encore Divergente qui ont étiré leurs conclusions en deux films et qui se retrouvaient avec une première partie qui pataugeait sur du vide pour réserver leurs meilleurs billes pour le chapitre final : David Gordon Green fait la même erreur et propose un opus qui fait beaucoup de remplissage pour mieux tourner autour du pot, au lieu de réellement confronter le mythique Michael Myers avec sa victime favorite. Alors qu’on nous promettait un face à face plein de réponses aux questions en suspens autour de cet antagoniste (à quoi ressemble-t-il ? pourquoi tue-t-il ? quel est son lien avec Laurie ?), Halloween Kills préfère appâter la galerie avec un film ultra gore baignant dans la violence gratuite.
Si dans le premier film, un des personnages rappelait que les événements de 1978 (le film original) ne comptait « que » cinq victimes, David Gordon Green s’assure que le spectateur en ait pour son argent en transformant Michael Myers en une machine à tuer implacable et les cadavres s’amoncellent sur le passage funeste de « la Silhouette ».
Alors que ce nouveau chapitre se situe seulement quelques minutes après la fin du film précédent, Halloween Kills choisit d’élargir sa bulle meurtrière et lâche toute la ville sur les traces du tueur. Grâce à quelques faux flashback, le film parvient à réunir le passé et le présent en réintégrant des survivants des premiers films (dont la Real Housewife de Beverly Hills, Kyle Richards) à la bataille. Bousculé par la démultiplication des personnages, David Gordon Green ne sait plus où donner de la tête et cela se ressent dans son montage qui devient décousu à force de passer d’une scénette à l’autre, comme dans un mauvais téléfilm. Du coup, la tête d’affiche du film (Jamie Lee Curtis) passe étrangement au second plan pour devenir une sorte de voix off aux messages cryptiques, tandis que le reste de la ville bascule dans une déferlante de violence aux allures de manifestation white trash haineuse. Tous ces apartés donnent souvent lieu à des moments maladroits, accentués par une musique (supervisée par John Carpenter himself) à peine subtile ou des cuts sensés dynamiser des dialogues révélateurs. Oui mais voilà, la superposition est un exercice de style délicat qui n’est pas fait pour les amateurs et qui peut rapidement virer au ringard. Ici, Halloween Kills frôle le risible à certains moments, devenant drôle malgré lui quand on se retrouve face à des ambiances téléphonées ou des réactions presque caricaturales (comme une actrice qui crie « WHAT? » avec la finesse digne d’une telenovela).
Loin de l’agitation, Michael Myers tue à tour de bras et c’est peut-être le seul élément salvateur du film, alors que Halloween Kills imagine des scènes de mise à mort toujours plus gore, brutales et sanglantes. Âmes fragiles s’abstenir : Halloween Kills est graphique, explicite et dans l’excès barbare quand il s’agit de tuer des innocents, comme si le tueur cherchait à battre une sorte de record. Malheureusement, si cela reste parfois « amusant », la gratuité des actes dessert souvent l’intérêt du film tandis que « La Silhouette » erre dans la ville (en échappant mystérieusement à une foule en colère qui préfère s’entasser dans un hôpital) et zigouille à tour de bras. Bref, Halloween Kills s’étire, cherche à gagner du temps vers un final incertain qui, on le sait d’avance, n’aura que peu d’impact puisque la soi-disante héroïne du film est quasiment aux abonnés absents et qu’un troisième volet est déjà sur les rails.
Au casting, on retrouve donc pas mal de visages présents dans le film précédent dont évidemment une Jamie Lee Curtis (À Couteaux Tirés, Scream Queens…) relativement inutile à l’intrigue, entourée virtuellement par une Judy Greer (Ant-Man et la Guêpe, Valley Girl…) plutôt correcte, et une Andi Matichak (Orange Is the New Black…) agaçante. James Jude Courtney reprend le rôle de Michael Meyers, tandis que Will Patton (Minari, American Nightmare 5…) est de retour pour une bonne sieste bien payée. À l’affiche également, Kyle Richards (Real Housewives of Beverly Hills…), qui incarnait la petite Lindsey dans le film original, reprend sont rôle aux cotés d’un Anthony Michael Hall (Live By Night…) qui s’inspire probablement des leaders d’émeute anti-IVG tant il est flippant, et d’un Robert Longstreet anecdotique. Dans cette overdose de personnages secondaires, Omar J. Dorsey reprend son rôle de shérif impuissant, tandis que le duo Scott MacArthur (The Righteous Gemstones…) et Michael MacDonald (SOS Fantômes…) – aka Big John et Little John – est probablement le running gag le plus improbable de l’histoire.
En conclusion, si Halloween Kills tient les promesses de son titre avec un Michael Myers déterminés et en roue libre, le film de David Gordon Green fait du remplissage et ne parvient pas à canaliser ses ambitions autour de cette ville à feu et à sang. Résultats, les personnages du film précédents sont perdus au mieux d’une vague de rôles secondaires qui prennent trop de place et la multiplication de mini-intrigues parallèles qui rendent le montage final plutôt bancal et indigeste. Finalement, moins de personnages et moins de tuerie aurait probablement été plus efficace… comme l’était le film original, d’ailleurs. À tenter.