Le pitch : Comment trouver le grand amour dans le monde d’aujourd’hui ? Zoe, documentariste accro aux applis de rencontres, multiplie les rendez-vous hasardeux au grand désarroi de sa mère Cath, un rien excentrique. Pour son ami d’enfance – et voisin – Kaz, la réponse est toute trouvée : il suffit de suivre l’exemple de ses parents et d’opter pour un mariage arrangé (ou « assisté ») avec une jeune fille du Pakistan, aussi ravissante que futée. Alors que Zoe décide de filmer Kaz dans son périple amoureux et d’en faire un documentaire, elle commence à se demander si elle n’aurait pas intérêt à s’inspirer d’une démarche radicalement différente pour trouver – enfin – le grand amour…
Généralement, quand un film base sa promo sur des phrases comme « Par les producteurs de [insérez le nom d’un film à succès]… » ce n’est jamais un gage de qualité. Et pourtant, en voyant la mention du Journal de Bridget Jones et de Love Actually, plus le fait qu’il s’agit d’une romcom british ET que la fabuleuse Emma Thompson fait également partie du casting, je me suis dit « ok, allons tester ce Et L’Amour Dans Tout Ça ? » – tout en me demandant tout de même pourquoi ce film n’était pas sorti au moment de la St Valentin. Bref, j’ai ignoré tous les red flags élémentaires et je suis tombée dans le piège. Avec la pâle excuse d’avoir un réalisateur indien, Shekhar Kapur (Elizabeth, Elizabeth : l’Âge d’Or, Frères du Désert…) et une scénariste novice britannique-pakistanaise, Jemima Goldsmith, le film propose son point de vue malheureusement très occidental sur les mariages arrangés/assistés versus le sacro-saint mariage d’amour.
À la recherche du choc des cultures pour en faire un pendant comique, Et L’Amour Dans Tout Ça ? explore les traditions d’une famille Pakistanaise, dont l’un des fils, né en Angleterre, choisit de laisser ses parents lui trouver une épouse, sous le regard curieux et plein de jugements de son amie anglaise et réalisatrice de documentaires. Derrière la bienveillance affichée, le film de Shekhar Kapur tente de nous faire croire à une certaine impartialité sur le sujet, mais en y regardant de plus près, l’ensemble déborde de doutes et de ressentiments qui viennent ampouler l’ambition romantique du récit. Le problème, c’est qu’on navigue entre deux opinions opposés sans exemple de réussite pour les départager. D’un coté, l’héroïne est entourée de mariages ratés et fait elle-même de choix romantiques discutables sans véritablement se remettre en question (alors que n’importe quel psychologue de comptoir peut faire le lien entre son père absent et son manque de confiance envers les hommes, n’est-ce pas). De l’autre coté, le film fustige de manière passive-agressive ses personnages pakistanais, les dépeignant englués dans des traditions archaïques , les apparences et l’honneur familial, tandis que la mélancolie se lit dans les yeux et les non-dits des protagonistes féminines.
Alors que l’histoire semble vouloir vanter les mérites du mariage arrangé et sa solidité par rapport aux mariages d’amour (qui ne dure pas), j’ai été marquée par la tristesse et la dissimulation qui filtrent à travers les échanges, alors que certains personnages cherchent plus souvent à se convaincre eux-mêmes des bienfaits du mariage arrangés. Au détour des rencontres avec des personnages, incrustés dans des micro-interviews ouvertement inspirées par le film Quand Harry Rencontre Sally de Rob Reiner (1989), le regard des femmes qui témoignent, leurs discours empreint d’évitements et leurs silences font l’effet d’un malaise qui se propage tout au long du film. Shekhar Kapur semble juger le sujet de son film, préférant dénigrer une forme de mariage au profit d’une autre. J’ai trouvé ça plus dérangeant qu’attachant, j’aurai aimé voire plus de subtilité et de diversité de point de vue, plutôt qu’un film accusatoire et sans véritable arguments.
Et c’est bien là que c’est dommage : même si j’ai mon avis sur la question, le film Et L’Amour Dans Tout Ça ? impose un point de vue très occidentalisée sur des traditions et cultures existantes depuis des siècles. Alors bien sûr, il y a des mariages qui fonctionnent et d’autres moins, comme partout, sauf que dans le film, même les couples qui semblent avoir réussi le défi sont soit ternis par des décisions terribles qui ont changé la dynamique familiale, soit complètement ignorés en arrière-plan. Tandis que du coté de ceux qui se sont mariés par amour, ce n’est pas mieux puisque les histoires de divorce et de tromperie sont balayées sous le tapis. Pourquoi donc ? Pour essayer de nous faire croire à une histoire d’amour entre deux personnages qui ont autant d’alchimie que deux cailloux échoués au bord d’un océan.
En effet, je n’ai jamais réussi à croire en la relation entre les deux personnages principaux, forcés de se côtoyer à cause du tournage d’un documentaire, permettant de combler les creux du scénario. Coincé entre son envie de modernité, d’amourettes fleuries et de chocs des cultures dépaysant, le film que Shekhar Kapur ne parvient jamais à romantiser ses personnages et semblent juger chacun de leurs choix à travers le prisme de son héroïne pseudo-romantique et vertueuse (et pourtant incapable de balayer devant sa porte). Entre amours forcées et cultures amochées, Et L’Amour Dans Tout Ça ? m’a laissé circonspecte par rapport à ses intentions. Moi qui espérait un film festif autour de toutes les formes d’amour (ou de mariage) possible, j’ai l’impression qu’on a essayé de m’imposer une vision du mariage traditionnel pakistanais avec une surdose de jugements et de clichés au parti pris à peine dissimulé.
Et pire que tout, pour une comédie romantique british, j’ai rarement vu un exemple aussi mou du genou et finalement insipide. Et L’Amour Dans Tout Ça ? ne m’a jamais embarquée et m’a à peine fait sourire. Où est donc passé l’humour britannique et pince-sans-rire qui a fait les succès des comédies du même genre ? Trop occupé à s’épancher sur la malchance sentimentale de l’héroïne et sur le fait que les hommes mariés sont visiblement des salauds, Et L’Amour Dans Tout Ça ? s’embourbe dans un scénario bavard et mollasson. J’espérais que le film aille plus loin que le constat attendu (mariage arrangé, c’est mal ; l’amour c’est mieux), avant de se construire habilement entre oppositions, compromis et résolutions. Que nenni : Shekhar Kapur livre un film plat et sans saveur blanc d’œuf nature, cherchant à se rassurer en prônant l’amour sincère comme clé de la réussite… comme si le mariage d’amour n’était pas une invention datant seulement du 18e siècle et en ignorant totalement les mariages qui se sont effondrés autour de l’héroïne. D’ailleurs, pourquoi même avoir ajouter ça dans le scénario ou le montage final, vu que ça dessert totalement les propos du film ? Mystère…
D’ailleurs, coté mise en scène, le résultat est scolaire et inintéressante, Shekhar Kapur hésite tout au long du film entre des plans statiques et des mouvements de caméra mal-amenées, pour se donner un genre. Même la photographie finit par fait défaut au film : malgré les images tirées du film, on est plus souvent dans la grisaille informe, que dans l’esprit chaleureux et festif du Pakistan. Cerise sur gâchis, il faut aussi composer avec une relecture des histoires de princesses et de princes charmants (Blanche-Neige, La Belle et la Bête, La Belle au Bois Dormant…), en faisant sembler d’ignorer que l’actrice principale, Lily James, était déjà un cauchemar ambulant dans l’adaptation live de Cendrillon en 2015.
Au casting justement : Lily James (Rebecca, Yesterday, Les Heures Sombres…) était un chouilla remontée dans mon estime, après sa performance dans la mini-série Pam & Tommy, mais je trouve les travers niais d’une actrice trop transparente. À ses cotés, Shazad Latif (The Passenger, Indian Palace : Suite Royale…) brille par son absence d’expression faciale. Tous les deux rivalisent pour la palme du personnage le plus insipide mais tout de même détestables, tandis que leur rapprochement ultra poussif n’arrange pas le manque d’alchimie entre les deux. Autour d’eux, il y a très peu d’intérêt en dehors d’une Emma Thompson (Last Christmas, Cruella, Late Night…) qui relève à peine le niveau tant son personnage est ultra cringe avec ses remarques discutables soigneusement enrobées dans un discours sympatique, qu’on est sensé ignorer parce que… c’est Emma Thompson et que son personnage semble aussi loufoque que bienveillant. Mais bien sûr. De l’autre côté de la manche, on dit « vieille France »…
En conclusion, Et L’Amour Dans Tout Ça ? se révèle être une romcom tiédasse sans une once de charme, qui impose un avis occidentalisé sur le mariage arrangé, au lieu d’essayer de nous faire croire à cette amourette fabriquée avec des bouts de ficelles. À éviter.
PS : si vous voulez voir un autre point de vue, plus positif et à mi-chemin entre la modernité et les traditions indiennes sur ce type de mariage et de traditions familiales, il y a la série documentaire Indian Matchmaking sur Netflix qui est une découverte intéressante et sans préjugés.