Comédie, Drame

[COUP DE CŒUR] Babylon, de Damien Chazelle

Tout en musique, Babylon propose une plongée enivrante et pleine d’excès dans le monde du cinéma des années 20. Entre exubérance et révolution technique, Damien Chazelle revisite l’excitation et les désillusions d’un monde mouvant, dans un ensemble lumineux, ambitieux et débordant. Accrochez-vous, ça secoue (et ça fait plaisir) !

Le pitch : Los Angeles des années 1920. Dans les années 1920, alors que Hollywood est en pleine transition entre le muet et le sonore, le jeune Manny Torres commence sa carrière dans l’industrie cinématographique comme assistant. Récit d’une ambition démesurée et d’excès les plus fous, Babylon retrace l’ascension et la chute de différents personnages lors de la création d’Hollywood, une ère de décadence et de dépravation sans limites.

Si son dernier film, First Man : Le Premier Homme sur la Lune (2018), avait divisé, c’est bien dans un univers musical que Damien Chazelle parvient à enthousiasmer. Après Whiplash et La La Land, puis la série The Eddy, le réalisateur livre à travers Babylon une lettre d’amour aux métiers du cinéma, dans un merveilleux bordel fantastique, dense et vertigineux. J’ai tout adoré, même ses longueurs et ses imperfections criardes !


Quelques part entre son amour du jazz, Moulin Rouge et Gatsby de Baz Luhrmann et une bonne dose d’hommage au septième art comme l’avait fait Quentin Tarantino avec Once Upon A Time… In Hollywood, Babylon revisite le passage du muet au cinéma sonore à travers une lecture effervescente, énergique et ambitieuse des années 20. L’ouverture du film est une embardée folle d’une trentaine de minutes de débauche, luxure et autres festivités qui peuvent dérouter, mais qui vont surtout poser un cadre explicite sur ce monde affolant où tout semble permis.
Entre un acteur en place, une jeune comédienne qui explose et une jeune homme désireux de travailler dans le milieu du cinéma, Babylon embrasse différents corps de métier, dans un univers où les règles étaient encore floues et une période en plein changement, sous le regard attentif et extérieur de la presse puis de l’audience. Le passage du muet au sonore sonne ainsi la fin d’une aventure pour certains et le début de nouvelles possibilités pour d’autres.

Damien Chazelle signe un film multiple, foisonnant et étourdissant. La réalisation nous transporte dans un balai à la fois maîtrisé et criard, sublimant ses excès de vulgarité pour mieux traduire ces années permissives. Jeux, sexe, drogue et discrimination se bousculent dans une toile mouvementée, à l’époque où la Prohibition pointait le bout de son nez et que le septième art était destiné à une certaine bourgeoise à l’orgueil sectaire. Babylon s’épanouit dans une exubérance haute en couleurs et en caractères, portant aux nues des personnages aux mœurs et/ou choix discutables. L’ambiance est viscérale, dévergondée et tape-à-l’œil, mais l’ensemble est illustré avec une démesure rythmée et maîtrisée, qui fait presque oublier la longueur du film.
Mais derrière l’apparente liberté, de véritables drames se nouent en sous-sol alors que nos personnages vont subir les conséquences du changement d’époque. Jeu d’acteurs discutable, voix nasillarde ou accent trahissant des origines trop modestes, le sonore transforme le statut d’intouchable de la star de cinéma. Face aux jugements d’un public impitoyable, l’ouverture au monde se codifie et mute pour plaire au plus grand nombre, sans choquer et quitte à accepter quelques clichés on ne peut plus douteux. Babylone la décadente tentera de se sophistiquer, Babylone la colorée essaiera de s’effacer et Babylone l’originale voudra passer inaperçue… en vain ou au détriment d’un talent pourtant prometteur. Babylone chute mais ne renonce pas.

Les années passent mais les problématiques restent les mêmes, que l’on soit une femme, un homme ou une personne de couleurs. L’image sublimée des stars de l’écran se fissure alors que la réalité des acteurs est dévoilée (la fameuse séparation entre l’homme/la femme et l’artiste, n’est-ce pas), ce qui fait écho aux scandales qui ont explosés ces dernières années (du mouvement #MeToo au procès opposant Johnny Depp et Amber Heard, par exemple). Babylon s’articule entre le faste de la lumière et les tourments de l’ombre, faisant basculer nos personnages pour le meilleur ou pour le pire, dans un récit extraordinaire et pourtant tragique.
Toujours accompagné par Justin Hurwitz, la bande-originale de Babylon prolonge le voyage. On y retrouve du jazz et des solos de trompettes qui donnent la chair de poule, évidemment, mais cette fois l’approche est moins snob, plus accessible, festive et toujours aussi entêtante. D’ailleurs, le film vient de remporter le Golden Globe de la meilleure musique de film.

Forcément, en durant plus de trois heures, le film de Damien Chazelle n’est pas épargné par un certain sentiment de longueurs. Si le coté excessif du film, surtout pendant son ouverture, peut dérouter, Babylon sublime ses failles tant ses débordements et sa longueur font écho à l’histoire que le film raconte. Malgré ses œillades au cinéma de Baz Lurhmann, Babylon possède sa propre identité et rayonne à travers une ambiance conquérante aux allures de montagnes russes, tant les émotions basculent d’un opposé à l’autre tout au long du film.
Et pourtant, malgré ses cinq nominations aux Golden Globes, le film de Damien Chazelle a du mal trouver son public aux Etats-Unis. J’espère qu’à l’international, Babylon aura plus de succès. Si on est capable de rêver pendant trois heures devant des créatures bleues ou des super-héros qui se castagnent contre un géant violet, il est impensable pour moi de ne pas adhérer à cette folle aventure qu’est Babylon.

Au casting, il y a du beau monde : comme dans Once Upon A Time… In Hollywood, Margot Robbie (Amsterdam, The Suicide Squad, Scandale…) et Brad Pitt (Bullet Train, Le Secret de la Cité Perdue…) partagent l’affiche mais se côtoient à peine, ce qui ne les empêchent pas de livrer une performance superbe, entre le coté flamboyant de l’un et celui plus auto-destructeur de l’autre. Leurs personnages sont inspirés par des icones qui ont marqués le cinéma muet, John Gilbert et Clara Bow. À leurs cotés, Diego Calva fait ses premiers pas sur le grand écran et joue les baromètres émotionnels, plus accessible pour le spectateur, alors qui voit sa vie se transformer au contact d’un monde sans limites.
À l’affiche également, on retrouve et (re)découvre Jean Smart (Mare of Easttown, L’Ombre d’Emily…), Li Jun Li (Sex/Life, Devils…), Lukas Haas (La Proie, Les Veuves…), Max Minghella (Spirale, Teen Spirit…) ou encore Jovan Adepo (Watchmen, Mother!…), tandis que Tobey Maguire (Spider-Man: No Way Home…), producteur sur le film, apparait brièvement. À noter que, parmi toute les surprises caméo-esques, on aura enfin le plaisir d’avoir, même rapidement, Margot Robbie face à Samara Weaving (Nine Perfect Strangers, Wedding Nightmare…) dans un même film !

En conclusion, Babylon est une odyssée conquérante, déroutante et fulgurante, bousculée par les contradictions moralisatrice des années 20 américaines. Damien Chazelle enchante son amour pour le cinéma en revisitant une époque permissive, débrouillarde et scandaleuse, où chance et fortune souriaient aux audacieux. À voir et à revoir !

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