Aventure

[CRITIQUE] Les Trois Mousquetaires : D’Artagnan, de Martin Bourboulon

Le pitch : Du Louvre au Palais de Buckingham, des bas-fonds de Paris au siège de La Rochelle… dans un Royaume divisé par les guerres de religion et menacé d’invasion par l’Angleterre, une poignée d’hommes et de femmes vont croiser leurs épées et lier leur destin à celui de la France.

Est-ce qu’Alexandre Dumas se doutait, en 1844, qu’il publierait une des histoire les plus cultes de la littérature française et, probablement, la plus adaptée au cinéma ? Depuis le début du XXe siècle, le roman Les Trois Mousquetaires a connu au moins trente-quatre adaptations sur grand écran et environ huit en téléfilms, à travers le monde entier (Italie, Russie, Etats-Unis et la France en tête de peloton). En numéro trente-cinq figure donc le dyptique réalisé par Martin Bourboulon, débutant avec Les Trois Mousquetaires : D’Artagnan et qui se concluera avec sa seconde partie Les Trois Mousquetaires : Milady, en salles en décembre 2023. 

Avec son casting étoilé et une superproduction assumée, le film de Martin Bourboulon (Papa ou Maman, sa suite, Eiffel…) a mis les petits plats dans les grands pour assurer le spectacle et rivaliser avec les blockbusters venant d’outre-atlantique. Le vrai défi, cependant, est de moderniser le genre du film de capes et d’épées, sans perdre l’œuvre originale tout en séduisant le tout public (et notamment les plus jeunes). 

Pour ma part, le roman d’Alexandre Dumas n’a jamais fait partie de ma pile de lecture (ni perso, ni scolaire) et, coté cinéma j’ai surtout la référence des films La Fille de d’Artagnan de Bertrand Tavernier (1994), L’Homme au Masque de Fer de Randall Wallace (1998) et l’épouvantable Les Trois Mousquetaires de Wes Anderson (2011). Bref, j’ai les grandes lignes et de vagues souvenirs du dessin animé Albert le Cinquième Mousquetaire !

Après le faux biopic romancé et académique qu’était Eiffel, Martin Bourboulon propose une aventure riche et dynamique à travers le parcours du jeune cadet d’Artagnan, qui au détour nombreux quiproquos, s’associe aux Mousquetaires pour sauver l’un des leurs. D’emblée, le film nous accroche au sort du héros en le suivant à la trace, permettant ainsi de le découvrir et d’introduire l’essentiel des personnages. Le ton est dynamique, voire fougueux tandis qu’il dépeint à merveille l’esbroufe des Mousquetaires qu’il croise et l’humeur générale de cette ancienne France. On frôle la plongée historique aux accents fantasques alors que des intrigues pullulent en sous-sol.
Du rêve de devenir Mousquetaire jusqu’à sauver la Reine coûte que coûte, le film nous emmène dans une épopée divertissante et animée. 

Les Trois Mousquetaires : D’Artagnan se révèle à la hauteur de ses ambitions et de l’attente, capable de relever le pari de faire changer d’avis les cinéphiles allergiques à la toile française. J’ai aimé le caractère affirmé du film et son aspect théatrâl, trimballé au cours d’une intrigue palpitante qui donne envie d’en voir plus. Martin Bourboulon mélange les genres avec brio dans une intrigue de plus en plus dense, portés par des personnages charismatiques et leur verbe haut qui rappelle du Cyrano (de Bergerac). Évidemment, coté costumes et décors, Les Trois Mousquetaires : D’Artagnan fait mouche, le tout sublimé dans une superbe photographie chaude aux couleurs passées. Le film coche toute les bonnes cases : entre complots bien rôdés, conflits et pièges à chaque instant, on aimera en plus l’impétuosité et l’assurance de ce nouveau D’Artagnan, tout comme on pourra être séduit par le charme de François Civil. Bref, il y en a pour tout le monde !

Cependant, tout n’est pas rose. En voulant se la jouer à l’américaine, le réalisateur s’emballe en mettant en scène son action. Le film ose des plans séquences recherchés pour en mettre plein la vue, mais ne parvient pas à assurer la lisibilité des affrontements. À la manière d’un John Wick 2, Les Trois Mousquetaires : D’Artagnan tente la cinématique de jeu vidéo pour nous plonger au cœur de l’action, avec une caméra subjective mais dans le dos de ses personnages et perturbée par des mouvements trop amples qui font perdre la ligne directrice du plan. Résultat, ça bouche dans tous les sens et c’est compliqué à suivre dès que ça s’agite. Espérons que ces détails soient ajustés pour la suite, Les Trois Mousquetaires : Milady, car oui, ce premier chapitre donne sacrément envie d’en voir plus !

Au casting, le film est porté par François Civil (Buzz L’Éclair, En Corps, Bac Nord…), l’un des acteurs français phare du moment – qui a même réussi à supplanter son pote Pierre Niney, notons-le – dont la performance pleine de culot donne le la d’un film à l’ambiance collégiale palpable. À ses côtes, Pio Marmaï (Tempête, Enquête sur un Scandale d’État, L’Événement…), Romain Duris (Salade Grecque, Coupez !, En Attendant Bojangles…) et Vincent Cassel (Astérix et Obélix : l’Empire du Milieu, Le Bonheur des Uns, Underwater…) l’accompagnent, conjuguant habilement leurs longues expériences d’acteurs avec le ton voulu concernant leurs rapports avec le nouvel arrivant. Cependant, je pense que Vincent Cassel aurait été plus adéquat (ou attendu) en Cardinal de Richelieu – rôle porté par l’excellent Éric Ruf (Maryline, La Ligne…). Face à eux, la talentueuse et trop rare Eva Green (Proxima, Miss Peregrine et les Enfants Particuliers…) incarne Milady, dans une performance parfaitement capiteuse, qui supplante sans effort la présence de Vicky Krieps (Old, Phantom Thread…). À l’affiche également, on retrouve Louis Garrel (L’Innocent, Les Amandiers…) en Louis XIII et surtout Lyna Khoudri (Novembre, La Place d’une Autre, The French Dispatch…) dans le rôle de Constance Bonacieux. 

En conclusion, Les Trois Mousquetaires : D’Artagnan coche toutes les bonnes cases : dynamique, haletant, parfois drôle et surtout réussi. Martin Bourboulon se réveille d’un Eiffel suranné, pour livrer une épopée à la française, assumant ses accents théâtraux, ainsi que la gouaille de ses personnages et délivrant suffisamment d’actions et d’intrigues pour nous maintenir en haleine. Et ça marche. À voir !

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