Action, Comédie

[CRITIQUE] The Fall Guy, de David Leitch

Le pitch : C’est l’histoire d’un cascadeur, et comme tous les cascadeurs, il se fait tirer dessus, exploser, écraser, jeter par les fenêtres et tombe toujours de plus en plus haut… pour le plus grand plaisir du public. Après un accident qui a failli mettre fin à sa carrière, ce héros anonyme du cinéma va devoir retrouver une star portée disparue, déjouer un complot et tenter de reconquérir la femme de sa vie tout en bravant la mort tous les jours sur les plateaux. Que pourrait-il lui arriver de pire ?

Le vent en poupe, le réalisateur David Leitch livre des films de manière régulière. Féru d’action, l’ex-cascadeur et co-papa de la franchise John Wick jongle avec l’espionnage, les super-héros et les blockbusters d’action. Si le public est toujours au rendez-vous, pour ma part j’ai souvent trouvé des bémols qui ont gâché mon plaisir, car l’action et les démonstrations de style explosives ne suffisent pas toujours à faire passer la pilule. Un scénario trop tiré par les cheveux pour Atomic Blonde, de la surdose d’humour lourdingue dans Deadpool 2, des vannes vaines à n’en plus finir dans Hobbs and Shaw, puis une redite du storytelling de Deadpool 2 dans Bullet Train, les films de David Leitch font preuve d’imagination dans leurs réalisations, mais ils souffrent souvent d’un manque de subtilité et de crédibilité qui nuit à l’ensemble de la narration. Un problème qui se retrouve dans son nouveau blockbuster, pourtant séduisant, The Fall Guy.

Pour son nouveau long-métrage, David Leitch rend hommage à son ancien métier de cascadeur, change de Ryan canadien et livre une adaptation de la série L’Homme Qui Tombe à Pic – « The Fall Guy » étant le titre original de la série. Se déroulant dans les coulisses de films d’actions SF (préparez-vous pour le clin d’œil à Dune), The Fall Guy s’émancipe de l’origin story de la série des années 80, mais conserve tout de même les clichés de l’industrie du cinéma. L’histoire s’articule donc autour d’un cascadeur sur le retour qui va tenter de retrouver un acteur disparu, espérant au passage reconquérir sa belle, devenue réalisatrice.

Porté par une forme de coolitude ambiante, le film dégaine un quatuor étoilé en tête d’affiche, ce qui lui permet de conquérir son public sans effort. Et pour cause, comment résister à l’idée de voir Ryan Gosling et Emily Blunt s’échapper main dans la main au soleil couchant, après avoir casser du genoux de gros méchants interchangeables patibulaire, pourvu que ce soit fait entre quelques bagarres et des explosions super stylées ? David Leitch maîtrise les ingrédients efficaces pour façonner un blockbuster dynamique et rythmé, pour à la fois amuser et maintenir son public en haleine, malgré des enjeux prévisibles et une fin sans surprise. Sur le papier, The Fall Guy coche toutes les bonnes cases et semble mettre la barre haute pour démarrer la saison des blockbusters avec un peu d’avance.

Mais comme dit plus haut, le film n’est pas exempt de défauts. The Fall Guy manque cette fois de liant et de substance, notamment au sujet de ses protagonistes principaux. Alors que l’histoire veut s’articuler autour de la romance entre le cascadeur et la réalisatrice, force est de constater que le film aurait pu se dérouler exactement de la même façon… sans la présence de cette romance. En effet, en dehors de motiver le héros a partir à la recherche d’un acteur disparu, les interactions entre lui et sa belle, du point de vue romantique, n’apporte rien à la choucroute et ladite réalisatrice aurait pu tout aussi bien être un ami d’enfance ou un membre de sa famille, cela n’aurait pas changé la donne. Toutes les mini-intrigues du film tournoient finalement autour du héros et de l’acteur disparu, ce qui n’est pas déplaisant mais au final cela agit comme des tableaux anecdotiques afin que David Leitch puisse ajouter une nouvelle référence, un nouvel effet de style ou une quelconque vanne bien posée pour mettre en valeur à la fois son personnage et le métier de cascadeur.

C’est un peu décevant alors que tout le film semblait vendre une comédie d’action où les deux acteurs participeraient ensemble à l’avancée de l’histoire. J’ai souvent pensé à Edge of Tomorrow où Emily Blunt volait carrément la vedette à l’actionner Tom Cruise, mais dans The Fall Guy, son personnage et ses interactions semblent avoir été rajoutées comme pour rectifier un oubli, tant le héros campé par Ryan « Ken » Gosling vampirise la narration et élude le mystère seul de son coté. C’est assez récurrent dans les films de David Leitch, car ce dernier ne parvient pas toujours à rassembler ses personnages, souvent trop focalisé sur son héros et utilisant les autres pour lui servir de pom-pom girls. J’aurai aimé que le personnage féminin, malgré sa promotion depuis la série, prenne plus part à l’action et ne soit pas juste relégué à un rôle proche du faire-valoir comme la Jody d’origine. C’est d’autant plus dommage que l’alchimie entre les deux acteurs est palpable, ce qui donne encore plus envie de les voir ensemble à l’écran.

Cependant, The Fall Guy n’est pas raté, loin de là. Le film accroche dès les débuts dans une énergie conquérante, où les personnages se cherchent et se retrouvent pour animer le récit. Derrière l’hommage aux métiers de cascadeurs, le film met également en lumière tous les métiers de l’ombre et inverse la tendance en mettant les acteurs de coté (ou en les présentant comme des guignols). Dans une ambiance survoltée (où une femme réalise un film d’action et de SF hahaha), le film propose une course contre la montre délirante dans les décors australiens. De l’arrière d’un camion détruit qui fonce à toutes allures dans les rues de Sydney à des collines ensablées, David Leitch multiplie les références à des blockbusters, que ce soit par la musique ou par des clins d’œil visuels. Le réalisateur soigne sa mise en scène et la photographie du film, proposant des plans et des séquences mémorables qui feront oublier la transparence du scénario. Là où quelques comédies d’action se sont loupées en début d’années (*tousse* Argylle *tousse*), The Fall Guy remet quelques compteurs à zéro malgré ses imperfections, notamment parce que David Leitch a de l’imagination à revendre et ne se contente pas uniquement de faire de l’esbroufe fastoche. Son expérience en tant que cascadeur et réalisateur de seconde équipe (souvent mise à contribution pour filmer les cascades) se ressent dans ses choix de mise en scène et la façon dont il parvient toujours à renouveler un genre qui peut facilement lasser à force de régurgiter les mêmes bagarres, explosions ou actioners uniformes. Le film pose même la question de savoir si les cascadeurs sont nommés aux Oscars et devant le théâtre explosif que propose The Fall Guy, on peut effectivement se demander pourquoi ces derniers sont si absents des cérémonies prestigieuses (j’ai ma théorie là-dessus : au même titre que les doublures, cela minimiserait peut-être l’impact de la performance de l’acteur ? Souvenez-vous de la polémique autour de Black Swan, par exemple…).

Au casting, c’est donc Ryan Gosling (Barbie, The Gray Man, First Man…) qui mène la danse. Loin de lui l’époque Nicholas Winding Refn où il faisait la tronche, Ryan Gosling bronze, a des mèches blondes, habite dans une salle de muscu et s’éclate, ce qui lui va finalement bien. À ses cotés, Emily Blunt (Oppenheimer, Jungle Cruise, Sans Un Bruit 2…) est toujours portée par son capital sympathie énorme, mais j’aurai aimé la voir plus impliquée dans l’histoire. Autour d’eux, Aaron Taylor-Johnson (Bullet Train, The King’s Man, Tenet…), Hannah Waddingham (Ted Lasso, Sex Education, Hocus Pocus 2…), Winston Duke (Black Panther : Wakanda Forever, Avengers – Endgame, Us…) ou encore Teresa Palmer (The Clearing, Message From The King…) et Stephanie Hsu (Everything Everywhere All At Once, Joy Ride, Poker Face…) complètent un ensemble effervescent.
Quelques caméos viennent surprendre la trame dans le dernier acte (mais pas de Ryan Reynolds cette fois !).

En conclusion, à première vue, le nouveau film de David Leitch tient ses promesses en terme d’action et de comédie originale et effrénée. Cependant, malgré son énergie débordante et son casting alléchant, The Fall Guy retrouve les défauts inhérents au cinéma de son réalisateur, souffrant ainsi de liant entre personnages et reposant trop souvent sur le capital sympathie de ses acteurs. En gros, si vous n’aimez pas Ryan Gosling*, passez votre chemin. À voir.

* qui êtes vous ? quels sont vos réseaux ? laissez « kenergy » en commentaire si vous êtes en danger !

Laisser un commentaire