Action, Sci-fi

[CRITIQUE] Godzilla x Kong : Le Nouvel Empire, de Adam Wingard

Le pitch : Le tout-puissant Kong et le redoutable Godzilla unissent leurs forces contre une terrible menace encore secrète qui risque de les anéantir et qui met en danger la survie même de l’espèce humaine. Godzilla x Kong : Le Nouvel Empire remonte à l’origine des deux titans et aux mystères de Skull Island, tout en révélant le combat mythique qui a contribué à façonner ces deux créatures hors du commun et lié leur sort à celui de l’homme pour toujours…

Ah lala ! On finit toujours par payer pour nos vices, même si aimer les films de monstres n’est pas un péché capital, cela peut en devenir un lorsque Hollywood (ou le karma du cinéma) nous récompense ainsi ! Le premier Godzilla de Gareth Edwards, sorti en 2014, semble bien loin. Parce que les spectateurs ont réclamé plus de monstres, les films suivants ont tous opté pour une surenchère à tous les niveaux, relâchant rapidement les « mutos » dans Godzilla 2 – Roi des Monstres en 2019, deux ans après que les studios Warner Bros aient sorti Kong – Skull Island (2017). La rencontre attendue a eu lieu en plein Covid à travers un Godzilla vs Kong aussi gargantuesque que nanaresque. Rapidement, un nouvel opus est mis en branle et la question est : quel stratagème serait suffisamment solide pour que deux Titans s’allient, alors qu’ils ont chacun prouvé qu’ils pouvaient se débrouiller tous seuls dans leurs films respectifs ?

Et là réside l’une des principales distinctions avec l’exceptionnel et oscarisé Godzilla Minus One, réalisé par Takashi Yamazaki et produit par les studios Tōhō. Contrairement à la version américaine, qui ignore les origines du Kaiju japonais et persiste à présenter Godzilla et Kong comme des sauveurs de l’humanité, Godzilla Minus One replaçait le monstre dans son rôle d’antagoniste et accordait une place déterminante aux personnages humains. La saga des Titans privilégie la surenchère spectaculaire, à la manière décérébrée d’un Fast and Furious, au détriment d’une éventuelle cohérence narrative. Au programme, on retrouve bien l’action attendue, mais aussi un scénario capillotracté et pollués ces inévitables et inutiles personnages humains, qui persistent à tenter de crédibiliser toutes les énormités du film, comme une Terre Creuse illuminée par un soleil invisible.

À nouveau réalisé par Adam Wingard, Godzilla x Kong : Le Nouvel Empire est l’exemple parfait de ces fameux films pour lequel il faut laisser son cerveau au placard. Et éventuellement jeter la clé car vous ne serez plus jamais le même par la suite. Anciennement ennemi, le film démarre avec les deux titans chacun dans leurs parties du territoire, l’un ronronnant au creux du Colisée et l’autre prenant une douche en pleine nature. L’ouverture amuse presque et donne déjà la tonalité nanaresque (mais millionnaire) du film, pendant que l’ensemble brode le temps que l’histoire prenne son essor. Une chose est sûre, c’est que le film fait tout son possible pour attiser l’attente et le face-à-face entre Kong et Godzilla. Et c’est là que les choses deviennent compliqués : en guise d’exposition et de béquilles pour les neuneus du fond, le film d’Adam Wingard continue de s’ampouler d’une poignée de personnages humains (tous au même endroit cette fois) dans une vaine tentative de crédibiliser son récit. Là où Godzilla Minus One s’était intelligemment inspiré de l’histoire dramatique du Japon et des origines de Godzilla, Godzilla x Kong : Le Nouvel Empire doit composer en inventant commodités après commodités pour rendre son storytelling un poil tangible. Sauf qu’au passage, tout cela se prend tellement au sérieux que les énormités finissent par prendre toute la place.

La narration est de plus en plus grossière alors que nos héros s’enfoncent dans cette Terre Creuse à couches multiples, suivant Kong à la trace afin de dévoiler l’antagoniste du film, pendant que Godzilla s’offre un tour du monde express en atomisant tout ou presque sur son passage. Si on peut éventuellement ignorer le manque de réalisme en observant ces créatures, la bêtise des personnages adultes et le manque d’originalité du scénario sautent aux yeux. Godzilla x Kong : Le Nouvel Empire pompe nombreuses de ces idées dans les blockbusters les plus marquants de ces dix dernières années. La Planète des Singes, bien sûr, mais on retrouve aussi un peu des Gardiens de la Galaxie, toujours du Pacific Rim, un soupçon de Transformers et même un pompage de Dragons 2 ! De technologie improbable en désastre écologique exagéré, Godzilla x Kong : Le Nouvel Empire grignote à tous les râteliers pour nous vendre un affrontement qu’il faudra attendre pendant plus d’une heure.

Et pourtant, le film s’efforce de nous en mettre plein la vue. Cependant, chaque tentative révèle une explication absurde que les personnages vont s’empresser de souligner avec la subtilité d’une poutre apparente. Entre un déballement de scénettes pour amener Kong à rencontrer son adversaire et la découverte d’une tribu télépathe qui conservent généreusement l’entièreté du scénario dans des hiéroglyphes, le film ne cesse de repousser les limites de l’absurde afin de pouvoir conclure dans un showdown démesuré. Oui mais voilà, entre expositions et emprunts à d’autres films, Godzilla x Kong : Le Nouvel Empire se transforme en méga nanar à facepalms, ignorant ostensiblement les dégâts massifs causés par les titans. Alors oui, même si on aime les combats et la destruction, le fait que personne ne relève le nombre de morts et/ou de blessés au passage, que Hong Kong n’existe potentiellement plus depuis le dernier film et que le monde potentiellement est totalement irradié à cause de Pink Godzilla dans celui-ci gêne la cohérence globale du récit. Même coté Marvel les super-héros ont été confrontés aux dégâts qu’ils causent (cf. Captain America – Civil War) !
J’ai même ressenti de la peine pour ces acteurs, que j’ai imaginé dans un entrepôt habillé de fonds bleus, forcés à débiter des répliques aussi stupides avec le plus de conviction possible. Godzilla x Kong : Le Nouvel Empire n’est pas le plaisir coupable (ou non coupable) attendu, tant il est criblé de ressorts improbables et débilitants qui empêche de savourer son pop-corn en toute détente.

Tel un opéra flamboyant de gaspillage, le budget colossal de 135 millions de dollars est englouti dans un ballet incessant de violations des lois de la physique, de la probabilité et du bon sens. Visuellement, Godzilla x Kong : Le Nouvel Empire est une déferlante numérique qui propose des tableaux qui feront potentiellement des fonds d’écran sympathiques si on aime les couleurs métalliques percées par du rose et bleu fluos. Moins visible, Godzilla souffre moins de problèmes d’échelles comme dans le film précédent, mais le film ne peut pas s’empêcher de déraper vers l’absurde, notamment en transformant ses bestioles en catcheurs de haut niveau (ce qui est physiologiquement impossible, mais bon… au point où on en est à ce moment-là…). Ce spectacle grandiose est malheureusement entaché par l’absurdité rampante du scénario, qui prend le spectateur pour un simple d’esprit, dans une course effrénée rappelant l’énergie dévorante des récents volets de Fast and Furious. Cette analogie souligne les dérives du cinéma d’action et des blockbusters, empruntant le chemin de la rentabilité au détriment d’un semblant de réalisme.

Au casting, gros soupir. Visiblement certains n’ont pas pu se libérer de leurs obligations contractuelles, donc on retrouve Rebecca Hall (Resurrection, La Proie d’une Ombre, Teen Spirit…), Brian Tyree Henry (Bullet Train, Les Éternels, Child’s Play…) et la jeune Kaylee Hottle en pompom-girls pour Titans, tandis que Dan Stevens (Welcome to Chippendales, The Rental…) rejoint le casting pour jouer les Star-Lord du pauvre.

En conclusion, Godzilla x Kong : Le Nouvel Empire n’est pas exactement une catastrophe ni totalement raté, mais le film d’Adam Wingard pousse le bouchon bien trop loin en livrant un objet plus risible qu’enthousiasmant. Sauf que si le spectacle est au rendez-vous, c’est au prix de contorsions narratives et prétextes commodes qui ne font que ternir le moindre plaisir qu’on pourrait ressentir face à un tel blockbuster. Je pointerai surtout du doigt cette manie de nous coller une kyrielle d’humains interchangeables, créés uniquement pour expliquer les énormités du scénario au spectateur perdu au fond de la salle. À tenter, pour nous les masos, en sachant qu’on contribue allègrement au développement d’un prochain film !

PS : salutations à la personne qui a été chargée d’animer les fesses de Kong. C’était la cerise sur le gâteau.

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