Comédie, Drame

[COUP DE CŒUR] Mon Crime, de François Ozon

Le pitch : Dans les années 30 à Paris, Madeleine Verdier, jeune et jolie actrice sans le sou et sans talent, est accusée du meurtre d’un célèbre producteur. Aidée de sa meilleure amie Pauline, jeune avocate au chômage, elle est acquittée pour légitime défense. Commence alors une nouvelle vie, faite de gloire et de succès, jusqu’à ce que la vérité éclate au grand jour…

Le prolifique François Ozon continue de réaliser de sortir des films à une cadence notable depuis son premier film en 1998. 25 ans de carrière, 22 longs métrages au compteur et l’équivalent de récompenses, François Ozon est l’un de mes cinéastes français favoris  grâce à des films comme Huit Femmes, Swimming Pool, 5×2, Potiche ou plus récemment Une Nouvelle Amie et L’Amant Double. J’aime sa vision des femmes, la façon dont il déjoue les clichés du « sexe faible » pour en faire une force, ainsi que les parallèles temporels qu’il utilise souvent pour narrer des histoires aux problématiques modernes. Ses héroïnes sont souvent placées dans une autre époque ou paraissent hors du temps, pourtant quand il s’agit de peindre des portraits féminines, il vise souvent juste. 

C’est probablement pourquoi j’ai moins accroché à ses derniers films. Frantz ou encore Peter Von Kant, ses héros masculins m’atteignent moins, à quelques exceptions près : Grâce à Dieu portait une histoire vraie et révoltante, Été 85 parlait d’amours secrètes et perdues, Dans La Maison de pouvoir tandis que Tout S’est Bien Passé abordait le sujet houleux du suicide assisté. Avec Mon Crime, François Ozon semble faire un agréable retour aux sources à travers une histoire situées dans les années 30 où deux femmes vont utiliser les failles du patriarcat pour arriver à leurs fins. 

Adapté d’une pièce de théâtre écrite par Georges Berr et Louis Verneuil en 1934, Mon Crime en conserve la mise en scène sciemment grandiloquente au jeu volontairement exagéré… mais trop. François Ozon propose une comédie pétillante qui navigue sur les failles d’une société dominée par les hommes. Habilement absurde et drôle, Mon Crime fait du meurtre et de l’agression sexuelle une arme pour permettre à ses personnages féminins d’être vue et considérés, malgré la réalité sordide tapie derrière les crimes. Féministe ? Peut-être. En tout cas, le film de François Ozon utilise intelligemment les clichés misogynes à sa disposition pour les retourner contre leurs émetteurs (les hommes, donc), tout en utilisant la morale conservatrice de l’époque pour mieux les manipuler. Puisque la femme n’a de valeur que son honneur virginal, alors les héroïnes vont utiliser cette monnaie d’échange pour échapper à une vie trop modeste. 

Cocooné dans les années trente, Mon Crime est d’une vivacité exquise dès les premières minutes. Le rythme et la galerie de personnages accrochent dès l’ouverture, tandis que le ton cocasse rend le récit fluide. Porté par son ambition théâtrale, le film de François Ozon manie brillamment les excès de son film, notamment grâce à l’interprétation burlesques des personnages. Si le film semble se moquer d’une époque datée, force est de constatée que la vision et la condition des femmes dans un monde d’hommes n’ont pas beaucoup évolué depuis l’entre-deux guerres. Alors que les héroïnes sont constamment vues comme des jolis minois fragiles, Mon Crime joue avec les faux semblants et le contexte social pour discrètement renverser le pouvoir. Si l’ensemble est souvent frontal dans ses intentions, le caractère souvent loufoque et délibérément surjoué du film aide à faire passer la pilule parfois trop grosse pour ne conserver que la précision délicieusement comique du film. 

François Ozon signe un 22e film épatant, rehaussé par une mise en abîme époustouflante alors que Mon Crime nous transporte dans le Paris (idéalisé) des années 30. Les costumes et les décors sont superbes, offrant à chaque scène quelque chose à admirer, tandis que tout le récit puise dans les codes des comédies de l’époque pour assurer la dynamique irrésistible du film. 

Coté casting, c’est un mélange de révélations et d’acteurs qui n’ont plus rien à prouver. On y découvre Nadia Tereszkiewicz (Babysitter, Persona Non Grata, Seules Les Bêtes…), qui a reçu le César du Meilleur Espoir Féminin pour le film Les Amandiers, et Rebecca Marder (Un Homme Pressé, Simone, Le Voyage du Siècle, Les Goûts et les Couleurs…), nommée dans la même catégorie que sa comparse pour le film Une Jeune Fille Qui Va Bien, sont toutes deux le cœur du film. Je craignais que l’histoire transforme leur amitié en rivalité, mais Mon Crime conserve une volonté sororale aussi rafraîchissante que les actrices.
Autour d’elles, on retrouve des habitués du vestiaire de François Ozon : Isabelle Huppert (Greta, Les Promesses…), Fabrice Lucchini (Un Homme Heureux, Alice et le Maire…), Félix Lefebvre (Été 85, Suprêmes…) ou encore André Dussollier (Tout S’est Bien Passé, Boîte Noire…) dans une kyrielle de personnages haut en couleurs. Dany Boon (Le Lion, La Ch’tite Famille…), Edouard Sulpice (L’Événement, Les Goûts et les Couleurs…), Régis Laspalès (Super-Héros Malgré Lui…), Daniel Prévost (Adieu Paris, Maison de Retraite…) ou encore Olivier Broche (En Corps, Les Heures Sombres…) complètent un ensemble plutôt dense.  

En conclusion, j’ai retrouvé le cinéma de François Ozon que j’aime avec Mon Crime, un portrait sociétal aux accents féministes qui s’impose comme une comédie lumineuse et pétillante. Drôle et souvent loufoque, Mon Crime fait sourire même si le sujet de fond reste tristement actuel. À voir. 

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