Le pitch : Idole de la boxe et entouré de sa famille, Adonis Creed n’a plus rien à prouver. Jusqu’au jour où son ami d’enfance, Damian, prodige de la boxe lui aussi, refait surface. A peine sorti de prison, Damian est prêt à tout pour monter sur le ring et reprendre ses droits. Adonis joue alors sa survie, face à un adversaire déterminé à l’anéantir.
Après deux films réussis, Creed : L’Héritage de Rocky Balboa réalisé par Ryan Coogler en 2015, puis Creed 2 de Steven Caple Jr. en 2018, la saga s’émancipe de l’ombre de Rocky avec un troisième volet réalisé par l’acteur Michael B. Jordan et marqué par l’absence de Sylvester Stallone en Rocky.
Ce troisième volet se déroule dans une diégèse où le boxeur Adonis Creed est devenu un champion émérite, ayant su créer sa propre légende sans la présence son mentor Rocky ou le poids de l’ombre de son père, Apollo Creed. À présent à la retraite, le héros passe le flambeau en entrainant des futurs champions, jusqu’à ce que son passé le rattrape.
Pour la première fois derrière la caméra, Michael B. Jordan conserve l’identité charismatique, entre hip-hop, ghetto et Beverly Hills, installée par le premier film de Ryan Coogler (ce dernier étant toujours producteur des films et jamais loin du scénario), à travers le style et la dynamique donnée à l’image. Entre puissance et sympathie, le personnage titre revient un terrain familier, flirtant avec ses origines diamétralement opposés alors que sa jeunesse et son évolution dans des milieux aisés sont confrontées à son enfance difficile dans les foyers pour jeunes. Un combo détonnant qui a séduit le public dès le premier film, les fans de boxe et/ou de Rocky mais aussi ceux, qui comme moi à l’époque, n’avait vu aucun des films Rocky (eh oui).
Creed 3 installe son ambiance musclée et bling-bling où le milieu compétitif de la boxe vient immédiatement créer tension et rivalité, bien avant que l’antagoniste du film pointe le bout de son nez. Rapidement, la présence de ce dernier vient ajouter du poids au récit et le face-à-face entre Michael B. Jordan et Jonathan Majors s’avère suffisamment dense et nerveux pour assurer la relève après un Creed 2 flamboyant. Certes, le récit reste linéaire et sensiblement similaire à n’importe quel film de boxe : le héros installé, l’outsider revancharde, la chute puis la remontada épique… Tout y est. C’est le revers de la médaille pour les films de ce genre (on retrouve souvent le même schéma dans les films de danse par exemple et la saga Creed n’est pas la seule à réutiliser les mêmes codes : La Rage au Ventre, Fighter, L’Outsider, Bleed For This, Match Retour, Real Steel… Les exemples sont nombreux. Pourtant, posséder les codes n’est pas toujours synonyme d’un film réussi, nombreux sont les films devenus anectotiques pour ne pas dire oubliés, parce qu’ils ne parvenaient pas à renouveler le genre.
Dans l’ensemble, Creed 3 est porté par la même énergie conquérante des premiers films et réussit à nous entrainer dans un face-à-face suffisamment tendu pour accrocher l’attention du public. Malgré son caractère prévisible, les personnages sont le point fort du film, tandis que la mise en scène de Michael B. Jordan vient souligner une photographie lumineuse et une cinématique soignée.
Ceci étant dit, je ne peux m’empêcher de retrouver un effet copié-collé entre Creed 2 et Creed 3. Au-delà du storytelling qui coche les cases attendues, le scénario du film de Michael B. Jordan montre d’importante similitudes avec le film précédent : les inserts d’émissions TV, le personnage proche qui tombe gravement malade, la santé physique du héros qui porte préjudice à son nouveau challenge, les entraînements éprouvants chacun dans son coin… autant de ressorts scénaristiques qui font l’effet d’un « déjà-vu déjà fait » en mieux dans le film précédent. Pire, les motivations et la création de cet adversaire sorti de nulle part pour les besoins de l’histoire rendent le récit ultra-téléphoné, si bien que les rares twists n’ont pas l’effet escompté, tant le terrain balisé du scénario ne fait que servir d’amuse-bouches d’ici le combat final.
Le film s’avère finalement simple et la mise en abîme fleure bon le déja-vu alors qu’on observe le parcours d’un héros rattrapé et mis à l’épreuve par son passé. Bref, rien de nouveau sous la lune, j’ai eu l’impression que Creed 3 manquait d’idées pour justifier son existence, pour finalement nous balader dans un ensemble clé-en-main. De plus, j’aurai aimé un bouquet final plus explosif : alors que Michael B. Jordan tente des effets de style un poil surfaits (qui n’apporte pas grand chose à la choucroute finalement), j’ai trouvé le dernier combat sensé être le point d’orgue du film relativement court et très peu impactant par rapport à la rivalité extrême entre les deux personnages centraux du film.
Si Creed 3 est piqué par des matchs solides où l’impact des coups fait souvent oublié qu’il ne s’agit que de cinéma, j’ai finalement été déçue par cette impression de voir une nouvelle version de Creed 2 pourtant sans ses ingrédients phares. En effet, l’absence de Rocky (son nom n’est même pas mentionné) et l’arrivée tardive puis finalement trop discrète du thème musical qui a porté les premiers films se fait ressentir, comme si cet opus tentait de s’auto-rebooter en cours de route en effaçant ses origines. Ce qui est finalement paradoxal, vu que ce film revient justement sur les origines et les motivations du héros, ainsi que sa raison d’être en tant que boxeur.
Au casting, c’est la que le film brille : Michael B. Jordan (Black Panther : Wakanda Forever, La Voie de la Justice…) fait l’approbation générale (de moi-même en tout cas) depuis le premier Creed, ainsi que son passage dans Black Panther. L’acteur a du style, du charisme et sa musculature extrême pour le rôle le rend vraiment impressionnant et crédible dans son rôle (et oui, je vous vois venir, il est extrêmement sexy au passage). Face à lui, c’est la révélation Jonathan Majors (Loki, Lovecraft Counry, Devotion…) qui l’affronte dans une interprétation diamétralement opposé : j’ai adoré son air désabusé alors qu’il dégage une force teinté d’une rage dévorante et palpable. L’acteur est impression, bien plus dans ce film qu’en Kang pour Ant-Man et La Guêpe : Quantumania. Je suis d’ailleurs bien contente d’avoir vu les films dans cet ordre, car sinon j’aurai trouvé Jonathan Majors en sous régime dans le film Marvel. Ici, il est aussi saisissant que Michael B. Jordan en Creed, c’est pourquoi les deux personnages auraient mérité un scénario moins prévisible pour rendre leur face-à-face plus puissant.
Autour d’eux, Tessa Thompson (Thor: Love and Thunder, La Belle et le Clochard, Men In Black : International…) est un poil plus en retrait, presque reléguée en « housewife » tandis que sa surdité et celle de leur fille, incarnée par Mila Davis-Kent, gravitent en toile de fond. Egalement de retour, on retrouve Phylicia Rashād (Rupture Fatale, Creed 2…) et Wood Harris (The Wire, Blade Runner 2049…), ainsi que Florian Munteanu (The Contractor, Shang-Chi et la Légende des Dix Anneaux…). Côté nouveaux venus, on découvre Selenis Leyva (Orange Is The New Black, Spider-Man: Homecoming…) et l’ancien boxeur Teófimo López, tandis que le film continue d’invités des personnalités connues du monde de la boxe, comme le commentateur Mauro Ranallo ou la championne Jessica McCaskill, pour de brefs caméos.
En conclusion : malgré l’impression d’une redite du film précédent, Creed 3 fait largement le job : le film est cool, rehaussé par une ambiance toujours aussi déterminée et la passion ardente et palpable qui propulse les personnages, tout en donnant envie de vibrer et de se mettre à la boxe (en tant que spectatrice pour ma part). Loin de glamouriser la violence du sport, le film de Michael B. Jordan s’applique à rappeler et à admirer la technicité qui va de pair avec la boxe, même si le spectacle reste au rendez-vous. Dommage cependant que le scénario et la réalisation soient si linéaire et prévisible. À voir, d’autant plus qu’un quatrième opus et un spin-off sur Drago semblent sur les rails.