
Le pitch : Les années 1830, dans les eaux d’une île fictive des Caraïbes. Ariel, la benjamine des filles du roi Triton, est une jeune sirène belle et fougueuse dotée d’un tempérament d’aventurière. Rebelle dans l’âme, elle n’a de cesse d’être attirée par le monde qui existe par-delà les flots. Au détour de ses escapades à la surface, elle va tomber sous le charme du prince Eric. Alors qu’il est interdit aux sirènes d’interagir avec les humains, Ariel sent pourtant qu’elle doit suivre son cœur. Elle conclut alors un accord avec Ursula, la terrible sorcière des mers, qui lui octroie le pouvoir de vivre sur la terre ferme, mais sans se douter que ce pacte met sa vie – et la couronne de son père – en danger…
Si les premières adaptations des films Disney remontent à 1995 avec le film Le Livre de la Jungle de Stephen Sommers et Les 101 Dalmations de Stephen Herek en 1996, les studios mettent les bouchées doubles ces dernières années. La liste est longue : Alice au Pays des Merveilles de Tim Burton (2010) et sa suite (2016), Maléfique de Robert Stromberg (2014) et sa suite (2018), Cendrillon de Kenneth Brannagh (2015), Le Livre de la Jungle de Jon Favreau (2016), La Belle et la Bête de Bill Condon (2017), Jean-Christophe et Winnie de Marc Forster (2018), Dumbo de Tim Burton (2019), Aladdin de Guy Ritchie (2019), Le Roi Lion de Jon Favreau (2019), La Belle et le Clochard de Charlie Bean (2020), Mulan de Niki Caro (2020), Cruella de Craig Gillespie (2021), Pinocchio de Robert Zemeckis (2022), Peter Pan et Wendy de David Lowery (2023)… et enfin La Petite Sirène de Rob Marshall qui s’inscrit en 21e position ! Et si vous pensez que cela va s’arrêter, rassurez-vous (ou pas), il y a déjà 15 autres projets dans les startings blocks, dont deux déjà annoncés pour 2024 : Blanche-Neige de Marc Webb et Mufasa : The Lion King de Barry Jenkins.

Les adaptations en live-action des films d’animations Disney suscitent un certain engouement, mais elles peinent parfois à surpasser les films originaux. Quelques (trop) rares fois, le pari est réussi, notamment quand l’histoire s’émancipe du conte original pour raconter l’origin story de la méchante, comme dans le premier Maléfique et Cruella, ou quand le film se dépatouille ce certains caricatures passéistes comme Le Livre de la Jungle.
Bien qu’il y ait des aspects intéressants autour de ces projets, comme donner plus d’importance à certains personnages (féminins), moderniser ou rafraîchir l’histoire et promouvoir la diversité, je me demande tout de même s’il est nécessaire de ressasser le passé. Au lieu de revisiter les contes connus, pourquoi ne pas inventer de nouvelles histoires avec des héroïnes plus accessibles ? Personnellement, avoir eu une Cendrillon blonde aux yeux bleus ne m’a empêché d’en faire ma princesse Disney favorite, et, en même temps, je suis ravie à l’idée que les enfants d’aujourd’hui pourront s’approprier cette nouvelle Ariel métisse et bientôt découvrir une Blanche-Neige hispanique. La couleur de peau des princesses, dans ces histoires, ne change pas vraiment le message du conte au final.

Bref, le fait est que tant que la recette fonctionne, les studios de cinéma continueront de la reproduire jusqu’à l’envi. Débarque donc un certain Rob Marshall, déjà connu chez Disney avec, notamment, Pirates des Caraïbes : La Fontaine de Jouvence (2014), Into The Woods (2014) et Le Retour de Mary Poppins (2018). Alors que j’aurai adoré, par exemple, découvrir l’histoire d’Ursula, les phares sont braquées sur l’héroïne du conte initialement créé par Hans Christian Andersen en 1836, la jeune Ariel, La Petite Sirène qui a troqué sa voix pour un garçon des jambes.
L’histoire, évidemment, on la connait, par conséquent c’est sur la réalisation que Rob Marshall est attendu au tournant. Le dessin animé dure à peine 1h30, La Petite Sirène circa 2023 s’offre une demi-heure supplémentaire pour mieux planter le décor et rajouter de nouvelles chansons et musiques sous la supervision du compositeur multi-Oscarisé, Goldenisé et Tony-isé Alan Menken (La Petite Sirène, Aladdin, La Belle et la Bête…).

Situé dans les mers des caraïbes puis sur une île où les habitants ne mangent curieusement jamais de poisson, le film reprend les grandes lignes et en profite pour arrondir les angles archaïques. Depuis les sœurs d’Ariel qui représentent la variété des mers et océans, jusqu’à un Prince Eric a-priori adopté, La Petite Sirène dépoussière le récit original avant de voguer sur l’océan prévisible de la romance. Le dessin animé prend vie : Ariel est un poil plus intrépide, l’ajout des chansons pour combler sa période muette renforce la présence de son personnage (là où dans le dessin animé, elle est totalement cruche) et les couleurs sont plus vives. On y croirait même à cette romance, alors que les héros tombent amoureux en passant vraiment du temps ensemble.
Coté chansons, elles sont toutes – si je ne m’abuse – au rendez-vous, avec « Partir Là-Bas (Part of your world) » en fil conducteur. J’ai aimé redécouvrir la chanson d’Ursula « Pauvres âmes -infortunées- en perdition (Poor Unfortunate Souls) », la réécriture de « Embrasse-La (Kiss The Girl) » ne m’a pas dérangée et j’ai adoré découvrir « La Rumeur est là (The Scuttlebutt) » portée par Eurêka et Sébastien (portée en VO par Awkwafina et Daveed Diggs). Je me serai cependant passée de la chanson du Prince Eric, dans une séquence douloureuse qui justifie à elle seule pourquoi les chansons d’amour Disney ne vont pas à tous les personnages masculins, sous peine de s’étaler dans la guimauve. Et oui, n’est pas Kristoff qui veut (référence à la chanson « Lost in the Woods » et la séquence ultra kitsch qui allait avec) !

Cependant, avec une base qui taillait déjà dans le gras pour aller dans le vif du sujet, difficile de rendre le film plus palpable. Le Cendrillon de Kenneth Brannagh ou le récent Roi Lion de Jon Favreau se sont déjà cassés les dents sur le même problème. Mais là où La Petite Sirène aurait pu étendre le rêve, c’est dans l’adaptation de l’univers graphique, or le film pèche avec des effets spéciaux un poil décevants et un univers plutôt vide. Alors que la chanson Sous L’Océan de Sébastien vante l’étendue du monde marin, le film ne s’y attarde jamais. C’est difficile à dire, mais après des films comme Avatar – La Voie de L’eau de James Cameron, voire même Aquaman de James Wan, les paysages du film s’avèrent très minimalistes et souvent trop statiques, quand ce n’est pas le numérique qui fait défaut à l’image. On est loin du faste empirique qu’on imagine d’un Atlantis (ou simili) et la scène finale, tournée dans une sempiternelle photographie lugubre, ponctue une direction artistique désœuvrée et/ou absente.
Sur la terre ferme, les personnages évoluent dans des décors artificiels, qui ont tous plus l’air factice les uns que les autres, tandis que les costumes d’époque n’ont rien à envier à des séries comme Les Chroniques de Bridgerton ou encore Queen Charlotte. En réalité, sans le souvenir du dessin animé ou la voix sublime de Halle Bailey, le film de Rob Marshall ne fait que s’ajouter à la liste déjà trop longue de live-action mimétiques et impersonnels.

Au casting justement, c’est Halle Bailey (Grown-ish, Vacances sur Ordonnance…) qui incarne la plus connue des sirènes. Si l’actrice a été violemment et injustement critiquée dès l’annonce de son casting, je trouve que sa performance est absolument sublime : sa voix est magnifique, je ne me lasse pas de la chanson phare du film « Partir Là-bas (Part of your world) » et je l’ai globalement trouvée captivante en Ariel 2.0. En français, elle est doublée par Cerise Calixte, qui avait déjà interprété Moana dans Vaiana : La Légende du Bout du Monde. À ses cotés, Jonah Hauer-King (World on Fire, Le Prodige Inconnu…) joue un Eric plutôt transparent, Melissa McCarthy (Nine Perfect Strangers, Thor : Love and Thunder, Mike and Molly…) s’éclate en Ursula mais son humour m’a manqué et Javier Bardem (Dune, El Buen Patrón, Escobar…) semble faire le minimum syndicales en Roi Triton.
En version originale, ce sont Daveed Diggs (Snowpiercer, Hamilton, Blindspotting…), Jacob Tremblay (Luca, Doctor Sleep, Good Boys…) et Awkwafina (Les Bad Guys, Raya et le Dernier Dragon, Shang-Chi et la Légendes des Dix Anneaux…) qui donnent de la voix pour, dans le même ordre, Sébastien, Polochon et Eurêka. Si cette dernière est géniale dans le rôle, en VF vous devrez vous farcir Dorothée Pousséo (pas de bol).
Les puristes reconnaîtront Judy Benson, la première interprète d’Ariel, dans un caméo discret.
En conclusion, si le dessin animé ne figure pas parmi mes favoris Disney, voilà une nouvelle adaptation en prises de vue réelle qui passera sans laisser de traces. La Petite Sirène tient sur les épaules de la talentueuse Halle Bailey et la chanson phare du film qui continuera toujours d’émerveiller. Cependant, pour la revisite du classique, je me contenterai de la 2D. À voir.

