Super héros

[CRITIQUE] The Flash, d’Andy Muschietti

Le pitch : Les réalités s’affrontent dans The Flash lorsque Barry se sert de ses super-pouvoirs pour remonter le temps et modifier son passé. Mais ses efforts pour sauver sa famille ne sont pas sans conséquences sur l’avenir, et Barry se retrouve pris au piège d’une réalité où le général Zod est de retour, menaçant d’anéantir la planète, et où les super-héros ont disparu. À moins que Barry ne réussisse à tirer de sa retraite un Batman bien changé et à venir en aide à un Kryptonien incarcéré, qui n’est pas forcément celui qu’il recherche. Barry s’engage alors dans une terrible course contre la montre pour protéger le monde dans lequel il est et retrouver le futur qu’il connaît. Mais son sacrifice ultime suffira-t-il à sauver l’univers ?

Dans la famille des films de super-héros à la (pré)production chaotique, j’appelle le film The Flash. Dernier né d’un DCEU à l’agonie, le film d’Andy Muschietti (Mamá, Ça, Ça : Chapitre 2…) fait l’effet d’un dernier écho lointain dans un paysage désolé, pleurant encore et toujours son paternel, Zack Snyder, à travers un pseudo-hommage si raté qu’il ressemble finalement à un bon gros doigt d’honneur.

Annoncé depuis 2014 à l’époque où le DCEU avait de gros espoirs et prévoyait la sortie du film initialement en 2018. Cette nouvelle version du héros Flash a fait une première apparition dans Batman V Superman, avant de rejoindre la bande dans Justice League en 2017, mais déjà, les bases de cet univers partagé commençaient déjà à flancher. Scénaristes (dont le duo Phil Lord et Chris Miller) et réalisateurs (dont le duo John Francis Daley et Jonathan Goldstein…) se succèdent, le projet a du mal à se stabiliser et même à fédérer, à cause de trop nombreuses réécritures et autres divergences artistiques, tandis que l’annonce d’un Flashpoint est confirmée puis annulée, puis reconfirmée encore…
Et puis vient ensuite, en vrac, la pandémie, les adorateurs du Snyderverse, le scandale autour de Joss Whedon et, plus important, celui qui entoure le premier rôle du film, Ezra Miller, accusé de graves violences, de détournements de mineures (11 et 12 ans), de cambriolages et autres joyeusetés mêlant drogues et alcool. Même si le comportement de l’acteur n’a rien à voir avec la pré-production ni la production catastrophique du film, on est en droit de se demander comment ce film a pu finalement arrivé en salles.

Roulement de tambour et musique de suspens, la raison est : l’argent ! Si les comptables de Warner/DC n’ont pas hésité à sacrifier le film Batgirl, faire la même chose avec The Flash, même avec l’annonce d’un nouvel univers partagé, aurait été un manque à gagner bien trop important pour les studios. The Flash a couté environ 220 millions de dollars et retirer ce film du calendrier aurait pu enterrer les studios, tout bêtement.
C’est donc près de dix ans plus tard, avec un énième scénariste, Christina Hodson et un nouveau réalisateur (copain avec James Gunn et James Wan au passage) Andy Muschietti, que le film débarque enfin sur nos écrans, le tout saupoudré par un tapage médiatique de longue haleine qui nous assure que des gens plus ou moins influents ont vu et adoré le film (de James Gunn à Stephen King, en passant moultes personnes, dont Tom Cruise, qui n’ont pas envie de passer à coté d’un futur projet, sait-on jamais) et qu’ils ont trouvé que c’était le renouveau du film de super-héros, du jamais vu, incroyable et j’en passe. James Gunn, nouveau co-papa du DCU, assure que c’est l’un des meilleurs films faits à ce jour. Rien que ça !

Ce qui est fascinant avec The Flash, c’est qu’il cristallise malgré lui l’ascension et la chute du DCEU, avec son introduction en fanfare et l’espoir d’un avenir heureux. Sauf qu’en voulant remanier le scénario passé, Barry Allen va se retrouver dans une boucle temporelle coincé dans un univers pré-apocalyptique, soit une réécriture foutraque de Man of Steel avec les ambitions de fan-service d’un Spider-Man : No Way Home, croisé avec un Retour Vers le Futur famélique. Entre les films Marvel et le récent Spider-Man : Across the Spider-Verse (et si vous avez suivi les séries du Arrowverse), les univers parallèles sont devenus le moyen favori des scénaristes d’assoir le destin d’un super-héros, en donnant une certaine valeur aux traumas du passé (mort inévitable d’un ou des parents, d’un oncle, etc…). Alors que sur le papier l’idée de sauver sa mère semblait résoudre tous ses problèmes, The Flash va devoir affronter une réalité bien loin de celle qu’il espérait. La réalisation mène à la chute inévitable, puis la résignation et enfin la reconstruction. Le film d’Andy Muschietti résonne comme le baroud d’honneur d’un DCEU éteint, laissant la place à son successeur, le DCU.

Ç’aurait été beau et vraiment intelligent… si The Flash n’était pas d’une débilité aussi profonde et un désastre numérique !

Vous souvenez-vous de la scène dans le Justice League version Joss Whedon, où Barry sauve Iris dans une scène au ralenti où des saucisses à hot-dog volent dans les airs ? Et de l’allusion grasse avec ces mêmes saucisses ? Et bien plutôt que d’affiner le trait, les têtes pensantes de Warner/DC se sont dit que ce serait mieux d’en faire des caisses. Avec une ouverture de bal bien gênante sur la virginité du héros (oops, spoiler), The Flash va se servir de son personnage bavard pour terrasser le spectateur avec un humour lourdingue , régressif et bas de plafond. À coté du caractère enfantin Shazam, le film d’Andy Muschietti fait l’effet d’un ado pré-pubère attardé qui découvre les joies de faire joujou avec lui-même. Au lieu de faire rire, voire sourire a-minima, chaque dialogue se révèle toujours plus gênant que le précédent, ce qui empire quand le héros rencontre son double temporel, encore plus puéril, évidemment car plus jeune. Ce qui est le plus douloureux, c’est de voir des personnages habituellement plus sérieux (Batman(s), Supergirl…) s’enliser dans cette tonalité régressive qui s’efforce de remâcher des blagues débiles pour amuser la galerie. En réalité, la véritable raison de cet effort scénaristique est de servir de béquille pour les comateux du fond qui n’auraient pas suivi (ou oublié) l’origin story de The Flash : le film va sans cesse nous rappeler pourquoi il existe et détailler ses intentions à grands renforts d’installation.

Malheureusement, cela aurait été plus percutant si le film avait respecté l’histoire de Flashpoint original. Alors oui, on peut dire que coté Marvel Studios, ils avaient promis un Civil War mais que ce n’était pas vraiment comme dans les comics. Sauf qu’il y avait un problème de licences à l’époque (les X-Men, les 4 Fantastiques, entre autres…), sujet qui n’existe pas chez Warner/DC. Et c’est bien dommage, car au-delà d’être une de mes histoires favorites coté DC, Flashpoint apporte une noirceur nécessaire à l’image trublionne de Flash/Barry Allen, alors que sa nouvelle réalité est menacée par l’absence de ses héros. En réécrivant une si bonne histoire pourtant fournie clé-en-main, The Flash dénature le propos de cet arc, atténuant les rares moments d’héroïsme ou de semblant de maturité avec une nouvelle couche d’humour bien gras, avant de nous servir une bouillie surexposée et surdosée.
Mais soit, là encore… chacun son humour. Certains peuvent trouver cela drôle de faire des blagues sur un costume trop serré à l’entrejambes (merci, mais Tobey Maguire l’avait déjà faite dans Spider-Man 2) ou de s’esclaffer comme un stoner toutes les cinq minutes – j’ai eu mon époque Frat Pack, j’accepte. Et dire que j’avais critiqué la surdose d’humour dans Thor : Love and Thunder

Le plus difficile à mes yeux, et justement en parlant d’yeux, c’est de voir en 2023, des effets spéciaux aussi affreux. La moustache d’Henry Cavill dans Justice League ? Qu’on en parle plus, c’est oublié, pardonné, digéré. The Flash est une horreur : pour quelques moments acceptables, il faut composer avec une pléthore d’effets numériques qui semblent totalement inachevés. Visages déformés et trop lissés, silhouettes informes, effets gerbatoires, The Flash donne l’impression d’avoir été fabriqué avec une de ces AI qui font des fausses publicités ou du deep fakes totalement foirés. La speedforce fait l’effet d’une boule à neige sous LSD, Supergirl en action ressemble à une marionnette en caoutchouc et je ne parle même pas des incrustations farfelues sensées faire réagir les fans, tant le résultat est dégueulasse. Le film est visuellement inégal et esthétiquement laid. Même certains costumes laissent à désirer (le masque de Batfleck, les capes en CGI…), tandis que les décors alternent entre du plateau froid, de la régurgitation infâme de scènes issues de Man of Steel ou encore un désert numérique gris.
Et pour couronner le tout, The Flash s’accompagne d’une bande-originale sans queue ni-tête, braillant du rock pendant une minute avant de passer un thème super-héroïque à un autre celle d’après. C’est incompréhensible et indigeste.

Le film devait être ambitieux en 2014, mais quelque part entre 2018 et sa sortie, le nombre de réécritures, recasts et remaniements a rendu le résultat schizophrène qui ressemble à de la pâte à modeler torturée. Il y a même des bribes de bonnes idées qui émergent, qui auraient même pu faire trembler Marvel Studios si abouties (*tousse* incursion *tousse* Secret Wars *tousse*), mais The Flash est dépassé par un trop plein qui le paralyse dès les premières scènes, avant de vomir du fan-service dans tous les sens. Tentant son propre Spider-Man: No Way Home, le film d’Andy Muschietti tente de saluer l’univers DC, depuis la présence non dissimulée de Michael Keaton, de retour en Batman, jusqu’à des caméos insérés au forceps ou autres, hum, formes de, euh… surprises (?) qui, au lieu de réjouir, donne envie de se crever détourner les yeux tant c’est gênant.

Mais même là, schizophrénie oblige, on ne sait plus dans quel sens le film nous emmène : est-ce un film The Flash ? un troisième chapitre au Batman de Michael Keaton ? ou une nouvelle version débranlée de Man of Steel ? La narration s’éparpille dans un gloubi-boulga littéralement informe et illogique, les personnages secondaires se meuvent d’un point A à un point B uniquement pour servir le scénario. Et le tout est supporté par une réalisation abracadabrante et des effets spéciaux si désastreux que cela devrait être un cas d’école. À force d’avoir été manipulé dans tous les sens, The Flash est devenu un film de commande sans identité, où chaque partie payante semble avoir imposé sa vision et ses desidératas en dépit de la cohérence et du résultat final. Un peu comme le DCEU dans son ensemble. CQFD.

Au casting, l’acteur violent, harceleur de jeunes filles mineures (rappelons-le) et futur récipient d’une nomination aux Razzie Awards, Ezra Miller (Les Animaux Fantastiques, Justice League…) sert une double peine en incarnant deux versions de Barry Allen : une agaçante et une encore plus agaçante. Autour de lui, Michael Keaton (Dopesick, Morbius, Dumbo…) vient cachetonner, se regarder dans un miroir (why ?) et gâche les deux minutes de plaisir de revoir sa version de Batman en jouant un vieux grincheux, clairement doublé pour les scènes d’actions. Sasha Calle fait ses premiers pas sur grand écran et s’avère être une bonne surprise, mais de courte durée, car dès qu’elle s’élance dans les airs, elle est remplacée par un double numérique élastique. Michael Shannon (Amsterdam, Bullet Train, À Couteaux Tirés…) a repris du service pour une raison obscure (l’argent) et livre un Zod fadasse, même les retrouvailles avec Antje Traue (Le Vent de la Liberté, Dark…) en Faora m’ont laissé de marbre. Papa Allen a été recasté et c’est Ron Livingston (A Million Little Things…) qui remplace Billy Crudup, Maman Allen est incarnée par Maribel Verdú (The Goya Murders…), Ben Affleck (Air, Le Dernier Duel…) remplit sa part du contrat et Kiersey Clemons (Swarm, Antebellum…) est de retour en Iris West, plus inexistante que jamais.

De nombreuses surprises sont également au rendez-vous, certaines ont déjà fuité sur les réseaux, d’autres sont des secrets bien gardés… malheureusement, la plupart sont des images insérées dans un brouillon numérique atroce qui retire instantanément toute l’excitation de ces caméos. D’ailleurs, ces caméos marquent aussi l’absence d’une certaine personne. Je vous en dis plus en toute fin d’article 😉

En conclusion, malgré les promesses éhontées de James Gunn (aussi valables que celle de James Cameron quand il nous promettait que Terminator : Genisys allait ravir les fans de Terminator… Peut-on faire confiance aux James, je vous le demande ??), The Flash est bel et bien la catastrophe annoncée. 9 ans de travail, de réécritures, de pré-productions, d’ambitions et de compétitions absurdes donne naissance à un bébé difforme, bruyant et racoleur. Si j’excuse l’humour, parce que je n’y ai pas trouvé mon compte, j’ai du mal à comprendre comment on peut laisser passer des effets spéciaux aussi laids en 2023. C’est un mystère. À éviter.

PS : il y a une scène bonus à la toute fin du film. Une scène vreumaaant…

***

/!\ Spoilers spécial caméos /!\

Attention, cette partie est pour lecteurs avertis !

Et qui que voilà dans le film ? Gal Gadot est de retour un bref instant en Wonder Woman, Jeremy Irons en Alfred, mais il y a également des apparitions d’Adam West, Christopher Reeves, Helen Slater, Teddy Sears ou encore… Nicolas Cage (l’acteur aurait dû jouer Superman dans un projet qui n’a jamais abouti) ! Vous aurez également le plaisir de découvrir George Clooney à la fin du film, tandis que Jason Momoa s’épanche dans une flaque d’eau (et autres saletés) dans la scène bonus. Le réalisateur, très fier de lui, s’offre aussi un caméo dans le film (c’est le gars qui se fait piquer son hot-dog deux fois).

Et vous vous demandz mais qui donc manque à l’appel : et bien entre toutes ces versions de Superman, Supergirl, Batman et Flash, je trouve qu’un petit passage de Grant Gustin n’aurait pas été de trop.  Et Melissa Benoist. Et Dean Cain. Et Tom Welling. Et Henry Cavill. Et Tyler Hoechlin.

Non, ç’aurait été trop en fait XD

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