Super héros

[CRITIQUE] Aquaman et le Royaume Perdu, de James Wan

Le pitch : Black Manta, toujours hanté par le désir de venger son père, est maintenant plus puissant que jamais avec le légendaire Trident Noir entre ses mains. Pour l’anéantir, Aquaman doit s’associer à son frère Orm ancien roi d’Atlantide et actuellement emprisonné. Ensemble, ils devront surmonter leurs différences pour protéger leur royaume et sauver le monde d’une destruction irréversible.

5 ans après un premier Aquaman tonitruant, original et gonflé à bloc – ainsi qu’un décalage de quelques mois (histoire que le public oublie le procès Johnny Depp vs Amber Heard), le super-héros sous-marin est de retour pour de nouvelles aventures. Enfin, nouvelles… c’est vite dit puisque le méchant est toujours le même (Black Manta), ressassant toujours les mêmes envies de vengeance (la mort de son père), tandis que la rivalité entre le héros et son frère continuent de vivoter au milieu, telle une basse copie pâlotte de la bromance entre Thor et Loki chez la concurrence.
« Et c’est reparti pour un tour » et « on prend les mêmes et on recommence » sont des expressions qui pourraient largement résumer Aquaman et le Royaume Perdu. Ce serait même plus sympathique si seulement cette suite signée James Wan (Conjuring, Insidious, Death Sentence, Fast & Furious 7…) ne régurgitait pas aussi bruyamment les artifices du premier opus.

Si l’ère des super-héros connait des moments troubles et que les haters n’en finissent plus de se gargariser devant les scores des films Marvel Studios post-Endgame, on pourra toujours compter sur les films Warner pour enfoncer le clou, bien qu’après d’aussi nombreuses déceptions, ce ne soit plus vraiment étonnant. De Wonder Woman 1984 à Blue Beetle, en passant par Shazam 2, Black Adam et The Flash, le DCEU voit enfin son chapitre se conclure une bonne fois pour toutes, douze ans après Man of Steel (2012).
Mais revenons-en à nos moutons.

James Wan, pourtant à l’origine de très bons films de tous poils, avait su créer la surprise avec un Aquaman qui détonnait dans l’univers d’un DCEU souvent morose, à travers un super-héros sous forme d’anti-héros et de jolis prises de risques qui m’ont autant ébahis que fait rire. Comment oublier l’octopus faisant de la batterie, la chanson de Pitt Bull dans la bande-originale, la scène de la Fosse (the Trench) ou encore cet incroyable kraken en guise de bouquet final. L’Aquaman des films est bien plus exubérant que sa version papier, à l’image de son acteur, Jason Momoa, qui a déjà réussi – malgré une carrière relativement courte – rejoindre le panthéon des acteurs ayant un certain charisme (discutable), mais qui incarne toujours ou presque le même style de personnage (parce qu’ils ne sont pas très bons, avouons-le).

Bien que des années soient passés et que la Justice League a vécu son seul et unique rassemblement pour sauver le monde, Atlantis est toujours un royaume caché et inconnu, leur roi a eu un enfant, tandis que son seul ennemi (visiblement), Black Manta, invente le réchauffement climatique pour assouvir sa soif de vengeance. Au détour d’une première partie longue et foutraque, Aquaman et le Royaume Perdu tricote une intrigue qui se rêve complexe et impressionnante, jonchée de tridents magiques, de manipulations mentales et de monstres en CGI qui auraient bien fait marrer le Steppenwolf version Joss Whedon. Le scénario de David Leslie Johnson-McGoldrich ne parvient pas à réinventer la roue en proposant une narration qui sent déjà le réchauffée alors que le film démarre à peine. Du coup, James Wan met les bouchées doubles pour en mettre plein la vue et malheureusement, cette fois, ça ne prend pas. Le premier Aquaman avait réussi à trouver un bon équilibre entre son visuel excessif et son humour d’oncle alcoolique à un repas de Noël, cette suite s’effondre de minutes en minutes dans un déversement numérique vomitif et une bande-originale qui frôle la cacophonie intenable.

Si le monde sous-marin continue de proposer un poil d’originalité, toutes les scènes d’actions sont aussi bruyantes qu’épuisantes, dans un mélange de désintérêt total pour le sort de personnages bavards et d’ennui profond. Aquaman et le Royaume Perdu se regarde, oui, mais s’oublie très vite. L’ensemble ne fait que cumuler des erreurs étonnantes. En effet, si de nombreuses suites ont tendance à faire un copié-collé du premier film (exemple : Kingsman – Le Cercle d’Or), ceux-ci ont au moins l’intelligence de proposer des personnages nouveaux et un terrain de jeu où les héros pourront se surpasser. Le film de James Wan non seulement renoue avec un méchant qui n’a pas bougé d’un iota, avant de l’enrober de super-pouvoirs sortis d’un chapeau (enfin, d’un trident), mais passe surtout son temps à placer ses héros hors de l’eau… Un comble quand le principe d’Aquaman (et de ses acolytes Atlantes) c’est que ses supers capacités se décuplent dans l’eau. Résultat, toutes les scènes sur terre font soit office de remplissage, soit servent à faire rigoler dans les chaumières parce que haha hihi hoho Orm (Patrick Wilson) ne sait pas courir !

Le plus étrange, c’est que le film donne l’impression de ne pas savoir sur quel pied danser. Alors que les héros tentent de faire naître, en vain, une bromance calquée sur le duo Thor/Loki (version Thor 2, puis Thor Ragnarok…), Aquaman et le Royaume Perdu nous trimballe dans une aventure sans queue ni tête, qui prend parfois des allures de films d’explorations aventurière, comme Indiana Jones, Voyage au Centre de la Terre ou encore plus récemment, le King Kong de Peter Jackson ou Kong Skull Island de Jordan Vogt-Roberts, au détour de jungles hostiles et de créatures gigantesques et voraces. Que de temps perdu alors que James Wan nous éloigne des océans, soit le seul endroit qui aurait pu réanimer ce récit en pilote automatique et parfois schizophrène.

Aquaman et le Royaume Perdu force le trait à n’en plus finir, se pourléchant comme un gros chat repus, en s’admirant le nombril. James Wan tente de cumuler des epics shots bien surlignés avec des raaaaleeentiiis à n’en plus finir, mais c’est tellement téléphoné que les effets ne marchent plus (sauf le dernier avec l’hippocampe que je trouve très cool). Aquaman soule et même les tentatives d’humour tombent à plat, tant le personnage d’Arthur Curry/Aquaman ressemble bien trop à l’acteur, qui semble certes bien s’amuser (à faire du moto-cross dans la boue sans aucune raison valable), mais au détriment de l’élévation de son personnage et, souvent, de son rôle. Je vous mets au défi de faire découvrir ce film a quelqu’un qui n’a jamais vu un film de super-héros et de lui demander de lister les pouvoirs d’Aquaman !

Si le film redouble d’action, force est de constater que les personnages n’ont absolument pas bougé depuis le premier film. Au-delà du méchant, tous les personnages secondaires gravitent autour comme des accessoires interchangeables et, en dehors du bébé, je ne peux pas affirmer qu’il y ait eu une évolution autre que le fait que le héros est enfin devenu Roi d’Atlantis. Est-ce à cause de la fin du DCEU ? Pas si sûr puisque le film a été tourné en 2021, bien avant le changement chez Warner Studios. Il y a même eu des reshoots et nombreuses réécritures en 2022, pour réintroduire un certain personnage, ahem, sombre (*wink wink*), qui n’ont finalement pas atteint le montage final.

En résumé, Aquaman et le Royaume Perdu ressemble à l’agitation d’un poisson fraîchement péché et hors de l’eau : on le regarde tressauter en vain, tout en sachant pertinemment que c’est déjà terminé. Il y a comme un air de défaite sur ce film et pourtant je ne pense pas que cela soit tellement dû à la fin du DCEU. RIP quand même.

Au casting : comme dit plus haut, Jason Momoa (Fast and Furious X, La Petite Némo et le Monde des Rêves, Dune Partie 1…) s’amuse dans son personnage, peut-être un peu trop. J’aime un peu bien cet acteur, mais j’ai surtout l’impression de voir son personnage modifier pour pouvoir se caler sur la personnalité de l’acteur, plutôt que l’inverse. Autour de lui, Patrick Wilson (Insidious: The Red Door, Moonfall, Conjuring 3 : Sous l’Emprise du Diable…) est plutôt correct ,mais l’écriture d’Orm a souvent du mal à décider si c’est un ex-méchant repenti ou un gentil qui a un plan, ce qui donne parfois lieu à des scènes déconcertantes. Face à eux, Yahya Abdul-Mateen II (Ambulance, Matrix Resurrections, Candyman…) continue de tirer la tronche et c’est probablement dû à la combinaison peu seyante qu’il doit porter tout au long du film.
À l’affiche également, et contrairement à ce que la bande-annonce sous-entendait, Amber Heard (Zack Snyder’s Justice League, London Fields…) est bien présente et a même quelques scènes badasses qui font penser que le film aurait peut-être mieux fonctionner s’il s’était concentré sur Arthur et Mera, plutôt qu’Arthur et Orm.

On retrouve également Dolph Lundgren (Expendables 4, Creed 2…), Nicole Kidman (The Northman, Opérations Spéciales : Lioness…), Temuera Morrison (The Flash, Ahsoka…), tandis que que pas moins de 4 bébés incarnent le bébé. Surprise néanmoins, Randall Park (WandaVision, Ant-Man et la Guêpe : Quantumania…) obtient un rôle un poil plus important que dans le premier film et pourrait bien être le seul personnage qui évolue dans cette histoire.
Derrière les personnages en CGI, on retrouve les voix, notamment, de Martin Short (Only Murders In The Building…), Indya Moore (Pose…), John Rhys-Davis (Indiana Jones et le Cadran de la destinée) ou encore Pilou Asbæk (Uncharted…).

En conclusion, malgré les efforts visuels déployés par James Wan, Aquaman et le Royaume Perdu se révèle être une suite décevante qui recycle les artifices du premier opus sans parvenir à les revitaliser. Entre des personnages figés, une narration prévisible et un excès d’action au détriment de la profondeur du récit, le film s’égare dans une agitation vaine. Triste point final du DCEU. À tenter.

PS : Une scène bonus se cache dans le générique. Elle est très prévisible, vu qu’on nous la promet avec de gros sous-entendu tout au long du film. Un indice chez vous : shawarma.

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